Une fédération supplémentaire rejoint UCM
Les vins et spiritueux se réinventent

Une réorientation momentanée vers les gels hydroalcooliques, des vins locaux en forte expansion, de nouveaux breuvages pauvres en alcool, de premiers mouvements à l'exportation… Ça bouge dans le secteur.

Jean-Christophe de Wasseige

Geert Van Lerberghe dirige la fédération Vinum Et Spiritus.

La nouvelle a fait le tour des médias en mars, au plus fort de la pandémie. Pour pallier la pénurie de gels hydroalcooliques, 21 distilleries belges (dont sept basées en Wallonie) ont signé un accord avec les autorités pour modifier une partie de leur chaîne de production et sortir des milliers de petits flacons suivant des normes bien précises. "Après un mois et demi, elles avaient déjà produit 1 million de litres, se souvient Geert Van Lerberghe, le directeur général de Vinum Et Spiritus, la fédération belge des vins et spiritueux. Considérable ! Car il a fallu adapter les procédés, transformer les tuyaux, etc."

Aujourd'hui, seules l'une ou l'autre de ces distilleries poursuivent cette activité annexe. Comme la Grande Distillerie de Charleroi. Mais l'épisode fut marquant. "Nous avons prouvé que nous étions capables de travailler pour un intérêt supérieur à un moment donné, poursuit le manager de cette fédération qui défend à la fois les producteurs, les commerçants/importateurs/embouteilleurs et enfin les géants internationaux des boissons alcoolisées. Nous avons aussi confirmé notre sérieux aux administrations fiscales." Un coup double, donc, en termes d'image et de respectabilité.

Sur le plan économique, la crise du coronavirus a relativement épargné ce secteur. Les volumes de ventes sont restés stables. Toutefois, ce constat cache une situation plus complexe. "Durant et peu après le confinement, les ménages ont acheté leurs bouteilles principalement en grandes surfaces et moins chez les détaillants spécialisés. De même, pendant un temps, il leur a été interdit de se ravitailler hors de nos frontières, ce qui a ramené en Belgique des ventes qui, auparavant, bénéficiaient à la France (pour les vins), ainsi qu'au Luxembourg et à l'Allemagne (pour les spiritueux). Si on met de côté ces deux effets artificiels, on doit constater que plusieurs “petits” commerçants et producteurs connaissent des difficultés. Plusieurs de leurs débouchés sont impactés : l'horeca vivote, les boîtes de nuit sont fermées, les salons et fêtes locales ont été annulés."

Les spécialistes des boissons festives restent sans doute plus marqués par un autre choc, survenu celui-là en novembre 2015. À cette époque, le gouvernement fédéral décidait d'une hausse d'accises de 31 % sur les vins et 41 % sur les alcools. L'équipe Michel Ier cherchait alors à financer son "tax shift", glissement fiscal censé bénéficier aux revenus du travail. La mesure fut aussitôt dénoncée. Aujourd'hui, Geert Van Lerberghe en dresse un bilan toujours négatif : "Le fédéral espérait par-là gagner 227 millions d'euros supplémentaires chaque année. En fait, il a… perdu 31 millions par an ! C'est ce que nous avons constaté sur les quatre derniers exercices (2016-2019). Les recettes en accises ont certes un peu augmenté mais elles ont été complétement mangées par un sévère recul des recettes TVA. La raison ? Les Belges sont allés acheter leurs vins et spiritueux chez nos voisins. Au final, nos entreprises ont été bridées et l'État fédéral a perdu des moyens financiers…"

Ces achats hors de nos frontières constituent un réel problème, et pas seulement pour les boissons alcoolisées. Bien des acteurs dans l'alimentaire, les eaux, les bières ou la distribution s'en plaignent. "C'est pourquoi, avec six autres fédérations sectorielles, nous comptons interpeller le prochain (éventuel) gouvernement. Il doit s'engager à déterminer l'ampleur de ces flux sortants et, évidemment, à prendre les mesures pour les atténuer ou les supprimer."

[ vinumetspiritus.be }

Le souci de bien s'entourer

Au début de l'été, Vinum Et Spiritus est devenue membre non seulement de la fédération de l'alimentation (Fevia), mais aussi des organisations interprofessionnelles Unizo (flamande) et UCM (francophone). Pourquoi ? "Nous sommes une petite fédération avec deux permanents, explique son directeur, Geert Van Lerberghe. C'est assez pour fournir un encadrement technique ou commercial à nos membres. Mais insuffisant pour répondre à des sollicitations pointues en matière de droit social, de fiscalité ou d'environnement. En s'affiliant au Mouvement UCM, nous accédons à une expertise plus large. Une autre raison est que de plus en plus de nos membres sont de petites entreprises. Or, nos affiliations aux fédérations européennes des vins (CEEV) et des spiritueux (SpiritsEurope) bénéficient, elles, surtout aux grandes compagnies. Une adaptation était donc nécessaire."

Vinum Et Spiritus,

c'est…

  • 100 membres environ ;
  • des vignerons, distillateurs et producteurs ;
  • des commerçants, importateurs et embouteilleurs ;
  • des géants internationaux ;
  • 1.500 emplois directs ;
  • 4 priorités pour le futur : revoir la fiscalité, informer le consommateur sur les ingrédients, promouvoir l'exportation (jusqu'ici rare) et développer l'e-commerce.

Dernières tendances dans les verres…

Moins d'alcool. Après les bières, la baisse du volume d'alcool touche aussi les spiritueux. Avec des limites, forcément. Exemple : des boissons à base de plantes aromatiques.

Vin belge. Avec le réchauffement climatique, il gagne en maturité et en récolte. En 2019, la barre du million et demi de litres a été franchie. Les vignerons continuent aussi à décrocher des récompenses.

Appellations. En Wallonie, on peut citer les "Côtes de Sambre et Meuse" (AOP)*, le "Crémant de Wallonie" (AOP), les "Vins de pays des jardins de Wallonie" (IGP)** et le "Péket de Wallonie" (IGP).

Artisanat. Les producteurs de spiritueux tentent de répondre à l'attente des consommateurs pour des produits artisanaux et locaux. Exemple : le whisky "Belgian Owl" à Fexhe-le-Haut-Clocher (province de Liège). Une success story.

Rapprochement avec la bière. C'est nouveau ! Des brasseries se mettent à investir dans les distilleries. Exemple : en province de Hainaut, la Brasserie des Légendes a sauvé de la faillite la Distillerie de Biercée.

* Appellation d'origine protégée
** Indication géographique protégée

La hausse des accises décidée sous le gouvernement Michel n'a pas grossi les finances de l'État. Les Belges se fournissent par-delà les frontières, ce qui cause une perte de recettes de TVA.

La hausse des accises décidée sous le gouvernement Michel n'a pas grossi les finances de l'État. Les Belges se fournissent par-delà les frontières, ce qui cause une perte de recettes de TVA. © kishivan/AdobeStock

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