Pierre-Frédéric Nyst"On souffle à l’oreille de tous les politiques mais il y en a qui ont des bouchons"
Président UCM tout fraichement réélu, il incarne une certaine bonhomie dans son costume-cravate toujours impeccable. Jamais avare de (bons) mots, l’avocat fiscaliste de formation en viendrait presque, au détour de la discussion, à faire oublier qu’il représente 160.000 membres et porte leur voix, la claironne au besoin. Pierre-Frédéric Nyst, 56 ans, a posé les grandes priorités dans son nouveau mandat. Des desseins qu’il évoque comme un sportif préface une compétition : avec l’envie et l’ambition. Le tout mêlé de cette passion qui donne toute la force à son action.
Pierre-Frédéric, vous voilà donc élu pour la seconde fois. Mais concrètement, être président UCM, ça signifie quoi pour vous ?
Très clairement quand je suis rentré en 1999 chez UCM, ce n’était pas du tout avec l’ambition de devenir Président. Ensuite, quand on rentre dans cette maison, qu’on commence à apprivoiser ce qu’on y fait, on découvre des pépites, des personnes de grande valeur, un environnement extraordinaire et des services performants. C’est la Maison des services aux indépendants et PME… J’ai une carrière d’avocat, j’ai défendu en tant qu’avocat fiscaliste, après un passage aux finances, des indépendants et PME face à la toute-puissance de l’administration fiscale. Défendre, plaider, plaidoyer, représenter, c’est mon ADN. Et objectivement, on y prend goût. Du local à Namur au niveau national, vous êtes propulsé par un groupe de plus de mille personnes, poussé par 46 fédérations qui disent en chœur : on a besoin de vous. Pour nous défendre, pour nous accompagner. C’est un sentiment très fort que de se sentir porté par le groupe UCM et ses équipes. Si le président est, avec la secrétaire générale, la proue du navire, encore faut-il ne pas oublier tout l’équipage qui l’accompagne.
Nous sommes à un tournant fondamental dans le message qu’on doit faire passer aux indépendants et aux PME
Et c’est un aspect que vous appréciez ?
Oui, je n’ai pas réfléchi longtemps à l’idée de me présenter. Ni la première fois, ni maintenant. Je n’ai pas succombé aux chants des sirènes politiques ; j’ai souhaité être aux côtés de la secrétaire-générale. Je pense que changer de secrétaire générale et de président en même temps, ce n’était peut-être pas la bonne chose (NDLR : Caroline Cleppert a pris ses fonctions il y a un an). Il y a de belles choses à faire et on est sans doute à un tournant de l’évolution de notre organisation. À un tournant fondamental dans le message qu’on doit faire passer aux indépendants et aux PME, aussi. Car clairement, il y a un déficit budgétaire. Il faut trouver 27 milliards d’ici dix ans. En Région wallonne et à Bruxelles, ce n’est pas beaucoup mieux. Cela veut dire qu’on doit commencer à repenser nos business models ; apprendre à se passer de subsides ou les accepter avec limitation dans le temps. Il faut accompagner, sensibiliser, informer nos chefs d’entreprises et indépendants. Bien sûr le ‘zéro coti’ est très important – UCM est d’ailleurs la seule organisation à le défendre avec force et vigueur - mais nous sommes de plus en plus isolés. Le temps des cadeaux est sans doute révolu, il faudra prioriser. Par contre la simplification administrative, elle, c’est ce dont on a vraiment besoin. Et tout de suite.
C’est votre cheval de bataille ?
Je dirais qu’il y en a deux. La simplification administrative, parce que ça touche à tous les niveaux, de l’européen au local, et on reçoit des critiques de tous les côtés. Et on réfléchit à des solutions claires et précises qu’on a adressées aux politiques. La deuxième chose, c’est la problématique de l’emploi. Aujourd’hui, clairement, le nombre d’employeurs qui nous partagent des expériences qu’un de leurs collaborateurs lui annonce, à 18h qu’il ne prendra pas son service ce soir et peut-être jamais plus, c’est monnaie courante. Aujourd’hui, c’est la problématique. Alors oui, on fait appel à des flexi-jobers, … n’en déplaise aux syndicats qui considèrent qu’il s’agit d’un coup de canif dans la sécurité sociale…C’est la réalité. Recruter est difficile et conserver son personnel l’est tout autant. Problème de formation. Problème du sens du travail. Souhait de lever le pied... "Il y a autre chose dans la vie, j’arrête, j’assume je pars au Mexique avec mon sac à dos découvrir les Arumbayas." Je ne critique pas, pourquoi pas. Mais c’est compliqué…
Au final, nous possédons une compétence dans beaucoup de sujets et quand UCM donne son avis, cela doit valoir son pesant d’or.
C’est cette tendance que vous voulez infléchir ? Ce ne serait pas un peu prétentieux de le formuler de la sorte ?
Oui, vous avez raison mais on doit être un peu prétentieux. En fait, nous sommes de super porte-paroles, Caroline et moi. Sur base du travail des conseillers, on rencontre les gens, on discute, et on reçoit beaucoup d’informations. Il y a des moments privilégiés comme les périodes électorales où on réalise un mémorandum, donc on rassemble un peu tout ce qu’on a entendu, reçu pendant une législature. Ensuite, il y a beaucoup de contacts avec les fédérations. Ce sont des gens qui gèrent les problèmes des autres et donc des excellents relais. Et puis on discute avec les politiques. On peut un peu façonner notre discours, le travailler comme un diamant. Au final, nous possédons une compétence dans beaucoup de sujets et quand UCM donne son avis, cela doit valoir son pesant d’or. L’ancien Ministre Robert Collignon qui, à l’époque, avait engagé Jean-Pierre Di Bartolomeo de Wallonie Entreprendre, lui avait dit : "Ne fais jamais rien sans avoir l’avis d’UCM". Quel sage réflexe ! UCM devient, et c’est un peu prétentieux, vraiment incontournable.
Plaider, plaidoyer comme vous l’évoquiez et placer UCM au centre de la carte pour la rendre incontournable : la chose semble vous plaire…
Oui, ma femme me répète d’ailleurs que je suis de plus en plus incontournable… (vaste sourire). Plus sérieusement, c’est vrai, cela me plait mais c’est surtout indispensable pour ceux qui nous font confiance, les indépendants et PME de Wallonie et de Bruxelles. Si vous qualifiez cela d’une pointe d’ego, je ne vous donne pas tort. Et pour un avocat, c’est finalement la suite logique des choses. Quand je suis face à des politiques, je plaide. Mon bagage en droit me sert énormément. Et le fait d’avoir apprivoisé les médias est aussi un atout.
Pour être président, quelles qualités faut-il, outre le costume-cravate bien sûr…
(Il sourit) Avoir un cap, écouter et être philosophe. Un cap, un objectif, de faire grandir le groupe UCM. À la fois dans le respect de ses composantes, d’augmenter le nombre de membres, d’intensifier la défense des indépendants, pour devenir vraiment incontournable. Et de croitre. Se positionner par rapport aux politiques, à la concurrence. C’est aussi d’avoir une faculté d’écoute, écouter les autres même si leurs propos ne nous agréent pas. Et être philosophe vis-à-vis de l’extérieur. Se satisfaire parfois d’un faible résultat. Parfois, deux lignes dans un accord du G10 (NDLR : lieu où se réunissent les instances dirigeantes des organisations syndicales et patronales) se présentent comme un succès et il convient de rester zen. Ne pas trop en attendre et se satisfaire de ce qu’on a obtenu. Après, chaque président a son style. Certains sont fermés et lorsqu’ils arrivent ne disent bonjour à personne, s’installent et instaurent une culture de la terreur, d’une forme de dictature. J’aurais envie à certains moments (rires) mais ça ne correspond pas à mon caractère.
Tant qu’il y aura des politiques, qu’il y aura des décisions, UCM aura sa raison d’être.
C’est-à-dire ?
Ma porte est toujours ouverte. On rigole, on peut tout se dire. C’est ce que j’ai toujours dit. On me tutoie, on me vouvoye, c’est au choix. J’aime bien la franchise et ne pas fuir les problèmes ou les erreurs commises. En parler, tourner la page et on repart. Assez jovial, j’assume. Je suis un intellectuel du sport. Les bienfaits de celui-ci ne se voient pas assez à l’extérieur. Loin de moi de me contenter de salsifis cuits à l’eau de Vittel et de ne boire que du jus de pomme. Donc, bon vivant oui (énième sourire). Et ouvert à la discussion, je mise beaucoup sur les gens. Et j’ai une bonne mémoire. C’est bien mais il faut le savoir… Je suis plutôt latin, j’aime discuter.
Votre rôle, vous le définiriez comment ? Comme celui de quelqu’un qui souffle à l’oreille des politiques ?
Oui, c’est une belle image. Des super porte-paroles. Nous sommes apolitiques, on souffle à l’oreille de tous les politiques. Mais il y en a qui ont des bouchons. Il y en a qui ne veulent pas nous entendre, ça ne les intéresse pas. Ce qui est important, c’est que si ce n’est pas bien, UCM se permet de le dire, arguments à l’appui. Si c’est bien, on le dit aussi. Peu importe l’interlocuteur. Pas d’exclusive. Apolitique, donc, à égale distance de tous les partis démocratiques. Ce n’est pas toujours évident, parfois un peu théorique ; certains partis intègrent nos recommandations plus facilement que d’autres…(sourire). Parler, rencontrer tout le monde de tous les bords. Quand UCM est invitée quelque part, on y va. Et quand on ne nous demande pas notre avis, ça nous arrive de le donner quand même. Tant qu’il y aura des politiques, qu’il y aura des décisions, UCM aura sa raison d’être.
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