La créativité et le rebond des PME

  • 100.000
    Ecouvillons "made in Wallonia" produits par semaine

Accuser le coup, réfléchir et créer ! Le confinement a poussé des entreprises à développer très rapidement un nouveau produit, là où d'habitude plusieurs semaines, voire des mois entiers sont nécessaires. Cette capacité de rebond, ces PME et TPE l'attribuent unanimement à leur petite structure et à leurs prises de décision hyper rapides. Les entrepreneurs qui témoignent dans ce dossier ont tous décidé d'enrichir définitivement leur gamme de ce nouvel élément créé durant la crise, car il ouvre des perspectives de marché encore inexploitées avant le 13 mars.
Quand "small is beautiful and reacting", cela donne de belles histoires entrepreneuriales.

Isabelle Morgante

De nouvelles perspectives de marché

Any-Shape produit des écouvillons depuis le début de la crise. Un produit qui pousse ses dirigeants à reconsidérer leur secteur originel.

Roger Cocle et Bertrand Herry sont les deux administrateurs délégués d'Any-Shape, une PME installée en région liégeoise, spécialisée dans la fabrication de pièces de plastique ou de métal à destination de l'aéronautique, de la défense, de l'automobile et du spatial. Soit à des milliers de miles du domaine médical. Et pourtant, c'est bien cette entreprise qui, aujourd'hui, produit 100.000 écouvillons par semaine.

Indispensable élément dans le cycle de dépistage du Covid-19, l'écouvillon a reçu l'agrément du gouvernement fédéral grâce au "fast track" mis en place pour faire face à la crise sanitaire.

"Le processus de développement a démarré en début de crise. Nos principaux clients ont tous cessé ou ralenti leurs activités, nous avons dû mettre notre personnel au chômage temporaire, soit huit personnes. Très vite, nous avons cherché à savoir comment nous pouvions contribuer, d'une manière ou d'une autre, à l'effort collectif. Nous avons dessiné cinq modèles d'écouvillons à imprimer en 3D et les avons présentés au CHU. Tous ont fait l'objet d'études, quatre d'essais de prélèvement sur 100 patients. Un de ces modèles est sorti du lot et a reçu les feux verts indispensables. Il a été choisi pour ses capacités de prélèvement optimales, et un confort accru pour les personnes soumises au test", explique Roger Cocle.

Depuis, la production a été lancée à hauteur de 100.000 écouvillons par semaine et l'ensemble des travailleurs a été remis au travail. "C'est vraiment très positif car nous découvrons un secteur d'activités qui ne dépassait pas 5 % de nos productions. Cela ouvre des perspectives très intéressantes de développement et un nouveau potentiel de notre technologie. C'est un véritable regain de positivité pour tout le monde, d'autant que nos clients historiques recommencent à nous donner des signaux encourageants. Tout le monde sait que le secteur de l'aéronautique va souffrir considérablement de la crise du Covid-19, cette nouvelle opportunité tombe à merveille pour notre entreprise, et pourrait même déboucher sur l'engagement d'une personne dont le métier serait d'ouvrir d'autres marchés encore inexploités."

Et l'entrepreneur de conclure : "Ça nous fait plaisir de contribuer à l'éradication du virus mais il ne faut pas oublier que les vrais risques, ce sont ceux qui sont en face des patients qui les prennent."

L'adrénaline de l'urgence

Les produits Riem garnissent les armoires de buanderie depuis près de 60 ans. La PME namuroise a su répondre aux urgences sanitaires en créant un nouveau produit dont le succès va croissant.

Nicolas Manise, CEO de Riem.

Depuis près de deux ans, c'est Nicolas Manise qui dirige l'entreprise de Ligny (Sombreffe). Les produits sont prioritairement distribués en grandes surfaces, drogueries et sur le net. Son premier geste de directeur général, à l'annonce du confinement, a été de rassurer l'ensemble des collaborateurs, soit 22 personnes. "Il y a d'abord eu quelques incertitudes mais nous avons réagi très vite en respectant les mesures de distanciation (un collaborateur par bureau) et en instaurant le télétravail. Les ouvriers des chaînes de production travaillent, quant à eux, déjà d'ordinaire à plus de 4 mètres les uns des autres. Enfin, nous avons dû mettre nos quatre commerciaux au chômage technique."

En à peine deux jours, Riem a mis au point un désinfectant pour protéger l'ensemble des collaborateurs. "Nous avons la chance d'avoir de l'expérience en la matière, ce qui nous a fait gagner un temps précieux. Trois fois par jour, les collaborateurs désinfectent à la fois les surfaces de travail (clenches, souris, clavier, etc.) et leurs mains. Parallèlement, nous avons constaté que les commandes sur l'ensemble de notre gamme sont en augmentation. Les Belges, en confinement, ont du temps pour nettoyer leur maison et achètent donc davantage de produits. L'usine n'a jamais arrêté de produire, nous avons beaucoup de chance dans ce climat de misère actuelle", explique le CEO.

Le nouveau produit Riem élaboré en pleine crise rencontre un succès inespéré.

Hygiene Hands, le produit développé intra-muros pour stopper la propagation du Covid-19, a vite franchi le périmètre de la PME. Commercialisé tout début avril, à la mi-mai, il a déjà été vendu à plus de 250.000 exemplaires. Son atout : la pulvérisation homogène de la solution sur la peau, évitant tout gaspi et permettant une utilisation nettement plus simple que le gel sur certaines surfaces, comme les touches d'un clavier par exemple.

Un aérosol de 300 ml couvrant près de 250 désinfections des deux mains, il est déjà acquis que Hygiene Hands a trouvé sa place dans l'assortiment Riem, dont la gamme hygiène compte désormais six références. Proposé aussi en format 150 ml, ce produit ouvre des perspectives de marché encore inexploitées. "Tout le monde a foncé dans ce projet. Notre petite structure est très agile et nous permet de prendre très vite des décisions, c'est une réelle force, qui nous donne une belle poussée d'adrénaline", conclut Nicolas Manise.

Rassurer les clients et le personnel de vente

La borne Piximate safe répond aux demandes d'exploitants de petites et moyennes surfaces commerciales.

Experte dans le domaine de l'intelligence artificielle, Piximate vient de créer un système de distanciation sociale et de régulation de trafic pour les surfaces commerciales.

Le core business de cette entreprise brabançonne, c'est la collecte et l'analyse de données grâce à l'intelligence artificielle. Ces informations étaient initialement utilisées par des "retailers" à des fins marketing. Les principaux clients étaient plutôt de grandes structures… jusqu'à la crise sanitaire. "Nous avons pris le parti de très vite travailler sur les contraintes liées à la propagation du virus et mis au point un logiciel adapté aux petites et moyennes surfaces commerciales", explique Laure Uytdenhoef, CEO et cofondatrice de Piximate.

Laure Uytdenhoef, cofondatrice de Piximate.

En pratique, le Piximate safe se présente sous la forme d'un totem en bois avec écran. Il renferme un logiciel qui mesure le trafic de la clientèle en temps réel et calcule la distanciation sociale. Ces mesures sont transmises à la fois à l'exploitant et aux clients (par feu vert ou rouge à l'entrée du magasin). Des informations rassurantes pour les clients et les membres du personnel.

"La majorité des exploitants de commerce avaient usé de systèmes D (par exemple un caddie obligatoire) pour limiter le nombre de personnes et respecter les distances, en payant aussi des gardiens. Piximate safe fait la même chose mais de manière automatisée."

Hyper réactive, la petite entreprise de La Hulpe a développé un produit adapté à la crise du Covid-19 en seulement quinze jours, entre l'idée et le premier client comptabilisé. En chômage partiel, l'équipe de cinq personnes s'est remise au travail à temps plein.

"Pour la première fois, j'ai demandé le soutien du conseil d'administration, non pas au niveau décisionnel mais bien dans l'aide que ses membres pouvaient nous apporter pour ouvrir des portes et activer des réseaux." Séduite, la chaîne de magasins bio Färm a déjà installé le Piximate safe dans huit de ses points de vente, tandis que d'autres clients finalisent leurs commandes. L'outil est proposé dans une formule d'abonnement.

"Nous sommes convaincus d'avoir mis sur le marché un produit utile et rassurant. Nous avons détourné notre expertise et notre savoir-faire pour assurer la sécurité et éviter les sentiments de crainte."

Le Piximate safe, qui va évoluer dans le temps et s'enrichir d'options, devrait, selon les projections, permettre à la PME de doubler son chiffre d'affaires.

[ piximate.net }

Pérenniser un nouveau produit

Solution de dépannage de qualité, le "kit de survie" de Lili Bulk est composé de produits secs et bio sucrés ou salés.

Lili Bulk est une start-up bruxelloise qui commercialise des repas dans des bocaux en verre consignés. Les "kits de survie" qu'elle a conçus durant le confinement vont rester dans sa gamme.

Florence Posschelle et Aurélie Manzi sont les cofondatrices de Lili Bulk. Née voici un peu plus de trois ans, l'entreprise propose des bocaux zéro déchet renfermant des ingrédients secs et bio, pour cuisiner un repas complet ou un en-cas sucré. La gamme est disponible dans 160 points de vente en Belgique, essentiellement magasins bio et vrac. Les produits sont assemblés en ETA (entreprise de travail adapté).

"Lorsque le confinement a été annoncé, nous avons pris quelques jours de recul, pour nous organiser et pour observer le marché. Si les ventes internet augmentaient, les ventes en magasin stagnaient. Puis, nous avons listé les coûts à alléger, les ressources à maintenir et enfin mis notre programme de croissance en France entre parenthèses. Il nous fallait réduire la voilure, pour distinguer l'essentiel du superflu", explique Florence.

Le contenu des bocaux Lili Bulk a le grand avantage de se conserver presque indéfiniment.

Très vite, la machine s'est remise en route. La start-up a travaillé pour créer des coffrets de bocaux, appelés "kits de survie". "Nous avions déjà envisagé de commercialiser ces kits mais l'urgence du moment a été le déclencheur. La taille de notre petite équipe se révèle une force car ensemble, en réfléchissant dans la même direction, nous avons pu trouver rapidement une solution résiliente." Les kits sont proposés en livraison dans les dix-neuf communes bruxelloises. Résolument inscrits dans le segment des coffrets repas, ils vont survivre à la crise du Covid-19 et rejoindre les points de distribution de la marque. Composés de produits secs, ils ont une durée de conservation quasi illimitée, une des valeurs de la jeune entreprise. Cerise (confite) sur le gâteau : Lili Bulk reverse solidairement un pourcentage de la vente des kits à une association venant en aide aux sans-abris de la capitale.

"Pour continuer à produire, le management de l'ETA avec laquelle nous travaillons a été obligé de prendre le relais de son personnel, en confinement. Nous avons aussi remis la main à la pâte et travaillé plus calmement, sereinement. Ça m'a fait beaucoup de bien de ressentir à nouveau les impressions du début de l'entreprise", conclut Florence.

 

L'après-coronavirus : un nouveau départ

Bruno Nortier accompagne les entrepreneurs au sein du service de Développement économique UCM.
© Luc Léonard

Aux nombreux entrepreneurs qui ont été contraints de suspendre, en tout ou partie, leurs activités, UCM livre des pistes pour redémarrer du bon pied…

 

Si la première phase de déconfinement a permis un retour progressif au travail, des mesures d'accompagnement sont conseillées, voire nécessaires.

Il convient tout d'abord de rassurer les collaborateurs en proposant, par exemple, une mise à disposition de protections sanitaires. Il faudra remobiliser les équipes pour éviter un taux d'absentéisme important mais aussi communiquer vers l'externe sur la présence de l'entreprise. Pour cela, il est essentiel de mettre en place des actions de notoriété, travailler la visibilité de l'entreprise sur le web, réactiver les réseaux. UCM met ses experts au service d'entrepreneurs désireux de la démarche.

Le choc de la pandémie absorbé, prendre de la hauteur et examiner l'entreprise peut être salvateur, pour être capable de se repositionner, se remettre en question et s'adapter au marché. En effet, une partie de la population (dont les clients) pourrait consommer différemment. Prendre le temps d'écouter ses clients pour détecter de nouveaux besoins signifierait des retombées bénéfiques pour l'entreprise avec l'ouverture de nouveaux marchés, surtout si un nouveau produit est venu enrichir la gamme pendant le confinement.

À ce propos, UCM compte un service spécialisé dans les circuits courts ; c'est une piste non négligeable.

Trésorerie

Qui dit campagne de notoriété dit dépenses, alors que la trésorerie est peut-être déjà tendue. Il est vivement conseillé d'avoir un suivi régulier de sa trésorerie, mois par mois, et de suivre ses créances en faisant rentrer du cash et en limitant/retardant les sorties. UCM peut aider l'entrepreneur à y voir clair via des formations et/ou la mise en place de tableaux de bord de gestion. À noter qu'UCM est agréée en Wallonie pour le dispositif des chèques-entreprises et offre ainsi un accès aux services à des tarifs préférentiels.

Cette (longue) période de réflexion pourrait mener à une adaptation, voire refonte, du business model. Raison pour laquelle UCM a conçu un "quick scan". Ce diagnostic d'entreprise s'envisage en deux phases. La première permet de s'assurer que l'entrepreneur a bien activé toutes les aides possibles. La seconde consiste à passer en revue les contrats actuels avec les clients et fournisseurs, avec possibilité de les redéfinir. L'impact de la santé financière des fournisseurs et clients est analysée lors de ce "quick scan".

Cet examen s'articule autour d'un plan d'actions (sur devis) qui peut, par exemple inclure, un tableau de trésorerie jusqu'à fin 2020, une adaptation du business model, un plan de relance…

Précisons encore que des initiatives locales ont vu le jour, comme la plateforme intelligente Copenvid (voir l'article en page 25).

Enfin, il est très utile de consulter les juristes UCM Mouvement et de se procurer le guide UCM consacré au retour au travail.

 

[ ucm.be }

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