Incubateur technologique : transformer l'ingénieur en entrepreneur

L'incubateur wallon WSL des sciences de l'ingénieur fait partie du trio de tête européen. Agnès Flémal le dirige depuis 18 ans, elle bénéficie d'une expertise internationale dans le secteur.

Isabelle Morgante

Depuis vingt ans, les spin-offs et start-ups wallonnes trouvent en l'incubateur technologique régional WSL (Will Stretch your limits) le parfait terreau entrepreneurial. À l'image d'une couveuse de haut vol principalement consacrée aux métiers de l'ingénierie, WSL a élargi progressivement, et assez naturellement, son portefeuille du secteur spatial à d'autres domaines.

Il est aujourd'hui dans le top 6 mondial. "95 % des jeunes pousses passées par WSL sont devenues de “vraies” entreprises. Elles ont d'abord été sélectionnées, puis accompagnées au sein d'une équipe qui connaît le processus sur le bout des doigts. Plus du tiers d'entre elles enregistrent 20 % de taux de croissance", définit Agnès Flémal, directrice générale de l'incubateur depuis 2002.

Ses premiers pas professionnels se posent à Charleroi. Un début difficile qui s'apparente davantage à la prise en charge contrainte et forcée d'une entreprise paternelle moribonde. "J'avais 23 ans et 60 personnes à diriger. J'étais l'aînée de la fratrie, il était inconcevable qu'il en soit autrement."

Capitaine au long cours de WSL, Agnès Flémal encadre de jeunes entrepreneurs doctorants ou porteurs de projet avec expérience maturée. Un itinéraire qui sort des sentiers battus de l'entrepreneuriat classique. "Lorsque l'entreprise est commercialisable, il faut établir un business plan pour rémunérer les entrepreneurs, transformer la structure et la rendre la plus viable possible. En gros, si l'incubateur prend en charge le dossier, c'est qu'il y a des chances de réussite et des aides à rassembler, des moyens suffisants potentiels pour développer l'idée. Nous aidons ainsi les ingénieurs à endosser leur chemise d'entrepreneur et à vendre leur technologie."

De là à dire qu'il faille modifier le cursus d'ingénierie pour sensibiliser les étudiants à l'entrepreneuriat, il y a un pas que la directrice du WSL ne franchit pas. Ou pas totalement. "Notre métier est aussi de créer des binômes entre les porteurs de projet et un partenaire à la fibre entrepreneuriale. Être une “agence matrimoniale” et chercher les opposés, apporter de la valeur pour qu'un et un fassent trois. Ils ne doivent pas devenir amis et boire une bière ensemble le vendredi soir, ils doivent avant tout travailler", résume Agnès Flémal.

Et demain ?

À l'aube de l'été, l'incubateur a présenté ses – excellents – chiffres 2019. L'ensemble des start-ups a affiché une croissance de 25 % du chiffre d'affaires global et une augmentation de 20 % en termes d'emplois. Soit un total de 1.041 équivalents temps plein (ETP). Un bulletin de premier de classe que le coronavirus n'a pas mis sous certificat médical. "Plus de 80 % des entreprises incubées ont fait le gros dos et 20 % ont même saisi des opportunités. Nous allons clôturer 2020 en atteignant nos objectifs qualitatifs et quantitatifs", conclut la directrice générale.

À noter enfin que WSL se dote d'un "CRL Booster" qui va aider à accélérer la maturité commerciale des projets en dopant leur chiffre d'affaires.

Gérer l'anxiété du patient et du personnel soignant

Oncomfort est l'une des entreprises nées au sein du WSL. Aujourd'hui installée à Wavre, elle développe la sédation digitale par réalité virtuelle, utilisant des sessions d'hypnose clinique digitalisées pour soulager la douleur et l'anxiété des patients confrontés à une intervention chirurgicale ou à un traitement médical.

Cette méthode non invasive, considérée comme l'une des plus novatrices, a aussi été mise à disposition des membres du personnel soignant pendant la crise sanitaire, pour calmer leur anxiété et atténuer leurs angoisses.

Mario Huyghe est CEO d'Oncomfort depuis septembre 2018, période charnière durant laquelle la start-up a évolué de "proof of concept" vers une entreprise active et reconnue dans la production et la commercialisation de dispositifs médicaux pour la thérapie digitale.

"Nos produits, dont les techniques sont validées scientifiquement, permettent de mieux gérer l'angoisse et la douleur des patients, en dissociant le patient de l'environnement médical angoissant. Plus de 30.000 interventions ont ainsi été menées sous sédation digitale dans une centaine d'hôpitaux, permettant de réduire, voire de remplacer, le recours à la sédation médicamenteuse et aux antidouleurs", détaille le CEO.

L'entreprise développe actuellement la version 3.0 de son dispositif médical Sedakit, et déploie l'exportation de son savoir-faire dans une douzaine de pays à l'horizon 2023. Oncomfort a dû s'adapter à la réalité du Covid-19. "Sentant arriver la crise, nous avons organisé une réunion une semaine avant le lockdown pour tenter d'en quantifier l'impact et de garantir la continuité de l'innovation et l'évolution du produit. Maintenir le contact proche avec WSL pour évaluer des options et écouter les besoins des hôpitaux nous a permis d'accélérer des processus innovants." Les hôpitaux étant en état d'urgence, il n'était pas évident d'utiliser le produit pour (notamment) aider les malades du Covid-19, mais le Sedakit a été, temporairement, détourné de son objectif premier (la gestion de l'anxiété et de la douleur du patient) pour cibler le stress et l'anxiété des soignants.

"Tout le monde a cherché ce qu'il pouvait faire face à cette crise. Notre personnel a été mis en télétravail et une bonne gestion de projet a permis d'accélérer le développement de nouveaux produits qui sortiront en avance de quelques mois. Ce fut une expérience positive, qui a révélé une souplesse et une facilité d'adaptation de nos collaborateurs et de l'entreprise en général. Cela a également permis de développer des méthodes de travail plus efficaces et plus agiles, tant au niveau de l'équipe qu'au niveau de la relation avec les clients", conclut Mario Huyghe.

[ oncomfort.com }

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