Tourisme d'affaires : comment s'en sortir ?

La crise du coronavirus a fortement impacté les organisateurs de congrès, séminaires et teambuildings. Le printemps fut synonyme d'arrêt complet. Une reprise – lente, partielle, domestique – s'est ensuite enclenchée. Avant d'être perturbée par le second lockdown…

/ Jean-Christophe de Wasseige

"À l'heure actuelle, je reçois trois à quatre demandes par semaine pour des teambuildings. Quelques jours passent, puis ces réservations sont toutes annulées, parce que les règles sanitaires ont changé ou parce que les clients ne veulent plus prendre de risques… Résultat : tout un travail administratif tombe à l'eau et aucune recette n'est engrangée. C'est très démotivant…" Ainsi parle le patron d'une société d'événements. Et il n'est pas le seul dans le cas.

Olivier Daloze, directeur partenariats et commercialisation chez WBT.
© WBT - Olivier Legardien

"On peut dire que le tourisme d'affaires a pris de plein fouet la crise du coronavirus, confirme Olivier Daloze, directeur partenariats et commercialisation chez Wallonie Belgique Tourisme (WBT), l'agence de promotion du sud du pays. Près de 90 % de toutes les activités dans ce domaine Mice (meetings, incentives, conferences, exhibitions, NDLR) ont été stoppées durant les semaines de confinement. Et de nouveaux effets vont très probablement apparaître à la suite des mesures prises le 16 puis le 30 octobre pour contrer la seconde vague de l'épidémie. Ces mesures freinent les entreprises clientes ou les empêchent de se tourner vers certaines activités d'ici la fin de l'année."

La situation est particulièrement douloureuse pour les segments des congrès, de l'hôtellerie de luxe et des teambuildings. Spécialisée dans les conférences internationales, Bruxelles souffre beaucoup. La Wallonie qui est, elle, plutôt active dans les séminaires au vert et les animations en plein air, résiste sans doute un peu mieux. Et encore.

Cet été, certains hôtels ont pu compenser la perte des visiteurs professionnels par les touristes de loisirs, dont les réservations ont connu une hausse. De nombreux Belges sont en effet restés au pays. Les règles sanitaires édictées en juin, lors des phases 3 et 4 du déconfinement, ont quand même autorisé des événements : dans les séminaires (10 personnes ou plus, selon la superficie de la salle), les teambuildings (50 personnes), les conférences (200 personnes à l'intérieur). Les séminaires ont alors connu la relance la plus ferme. Mais le second lockdown est venu tout perturber avec, dans un premier temps, une interrogation sur le type précis de mesures à respecter. Le secteur Mice relève de plusieurs protocoles sanitaires (horeca, catering, événementiel, tourisme…)

Répercussions sur 2021

Dans ce contexte, les conséquences économiques devraient se prolonger. L'histoire montre que les pandémies ne disparaissent pas rapidement et connaissent plusieurs rebonds de moindre intensité. "Au final, les opérateurs risquent de subir une double voire une triple peine, poursuit Olivier Daloze. Primo, ils ont dû arrêter leurs activités au printemps et les freiner à l'automne. Secundo, ils vont devoir jongler entre les commandes reportées et les nouvelles réservations. Enfin, tertio, ils vont probablement accuser un nouveau choc en 2021. En effet, les entreprises clientes, elles-mêmes mises à mal par la crise, pourraient couper dans leurs budgets événementiels à l'avenir. Car c'est bien connu : le secteur Mice est, en soi, très sensible à la conjoncture."

Sur le terrain, nombreux sont ceux qui partagent une même conclusion : "Nous avons été un des premiers secteurs économiques à fermer et nous serons un des derniers à reprendre…" Il y a quand même des lueurs d'espoir. "À la suite de mois et de mois passés à faire du télétravail, l'envie sera grande chez les salariés de retrouver leurs collègues dans un autre cadre, enfin détendu. Le tourisme d'affaires pourra alors en profiter." Dans le futur…

Les congrès se mettent au digital

Bientôt des congrès par vidéoconférence ? Pas sûr.
© Bram Goots

À Bruxelles, le tourisme d'affaires pèse lourd. Il prend surtout la forme de congrès, de conférences et de salons. Selon l'UIA, l'Union of International Associations, 961 réunions se sont ainsi tenues l'an dernier dans la capitale (minimum un jour et 50 participants). Ces visiteurs professionnels constituent la moitié des nuitées recensées dans les hôtels et logements bruxellois (9 millions en 2019). Ici, l'impact de la crise du coronavirus a pu être chiffré. "Pour les huit premiers mois de 2020, le nombre de ces nuitées a chuté de 49 %, précise Jeroen Roppe, le porte-parole de visit.brussels, l'agence de promotion touristique de la Région. Toutes les grandes villes européennes ont subi le même choc. À Rome ou à Barcelone, la baisse a même été pire. Bruxelles est dans la moyenne."

Pour éviter le naufrage de ce pan crucial de l'économie, la Région et visit.brussels ont mis sur pied, à partir de juillet, deux soutiens spécifiques au secteur Mice. "Le premier est un subside aux organisateurs d'événements B2B pour la location de leur lieu de rassemblement. Il va jusqu'à 50.000 euros par événement éligible. Le second est la création d'un label de sécurité sanitaire à décrocher par les opérateurs. Son nom est le Brussels Health Safety Label. Il sert à rassurer les touristes, ce qui est crucial dans la situation actuelle."

Sur le terrain, les opérateurs se sont adaptés en poussant à l'organisation de rassemblements "hybrides", c'est-à-dire comprenant une partie physique, dans une salle, et une partie digitale, via vidéoconférence (lire par ailleurs).

Teambuilding à l'arrêt

Teambuilding organisé par WeVentures… avant le coronavirus.
© WeVentures

Lors du déconfinement de mai-juin, les teambuildings (activités de cohésion de groupe) et les incentives (récompenses) ont en théorie pu reprendre. Avec un nombre de participants limité à 50 par événement, comme pour les activités sportives. Cependant, cela n'a pas réactivé la demande. "Dans notre segment, la reprise a tardé à se concrétiser, raconte Arne Schellemans, fondateur et gérant de WeVentures, une société d'événements installée à Stavelot, à Bruxelles et au Luxembourg. Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, les autorités n'ont absolument pas communiqué sur cette règle des 50 participants autorisés alors pour les rassemblements gérés par les professionnels. Le grand public n'a donc gardé en tête que les groupes de 10 personnes, comme dans les restaurants. Ce déficit d'information nous a causé du tort. Ensuite, les entreprises clientes n'osent pas prendre le risque de tenir des teambuildings, vu la situation sanitaire toujours préoccupante et les nouvelles restrictions. Ici, c'est compréhensible car elles risquent gros en cas de contaminations. Enfin, se pose la question des budgets des clients pour de telles animations. Ils vont probablement être revus à la baisse pour les mois à venir."

Comment se présente le futur dès lors pour ces opérateurs qui proposent de multiples choix, de l'atelier cuisine au challenge aventure ? "Nous espérons un redémarrage dans le courant de 2021. Lorsqu'un vaccin aura été trouvé, cela soulagera les esprits et libérera les réservations. Je crains que rien ne se passe avant."

Les séminaires se font autrement

Au Point Centre à l'Aéropole de Gosselies, l'auditorium, plus vaste, est utilisé pour les séminaires.
© Point Centre

En ce qui concerne les réunions de travail, une reprise s'est amorcée à partir de juin, dans les dernières phases du déconfinement, et s'est confirmée à partir de septembre, lors de la rentrée. Avant de plonger dans une incertitude à la suite des nouvelles mesures anti-Covid d'octobre. C'est ce qu'a constaté le Point Centre (complexe de huit salles de conférence, dont un auditorium de 180 places) situé à l'Aéropole, le parc d'activités high-tech de Gosselies (Charleroi). "Les locations de salles ont, un temps, bien repris, explique Isabelle Geuzaine, de l'équipe d'encadrement. En restant toutefois au-dessous de leur niveau d'avant-crise. Pour cette fin d'année, on ne sait pas comment la situation va évoluer…" Toutes les règles sanitaires ont évidemment été suivies : nombre de participants limité, sièges espacés dans les salles, port du masque imposé ou recommandé (selon la superficie), mobilier régulièrement désinfecté, gel hydroalcoolique à disposition… Toutes ces mesures sont bien connues et les visiteurs s'y sont habitués. Par contre, elles nous réclament un surcroît de travail."

Le recours à la vidéoconférence pour ces séminaires n'est guère répandu. "Nos clients exploitent cet outil au sein de leur propre entreprise. Quand ils viennent chez nous, c'est justement pour bénéficier de salles plus grandes leur permettant de tenir des réunions physiques en toute sécurité. À ce titre, notre auditorium est régulièrement loué. On y place une personne tous les quatre sièges. Notre rentabilité s'en ressent mais nous n'avons pas le choix."

Flexibilité accrue dans les hôtels

L'hôtel Van der Valk de Liège a dû compenser l'arrêt du Palais des congrès voisin.
© Van der Valk

Dans le secteur de l'hébergement, la pandémie a aussi des répercussions. Vu l'annulation des meetings, toutes les réservations de chambres faites par les participants tombent à l'eau. Il est donc nécessaire de compenser. C'est ce que fait par exemple l'hôtel Van der Valk de Liège (219 chambres), situé juste à côté du Palais des congrès. "Toutes les manifestations y ont été annulées depuis mars jusqu'à décembre et, dans certains cas, jusqu'au premier trimestre 2021, indique Caroline Pierre, la responsable commerciale pour Van der Valk province de Liège. Heureusement, nous avons gardé la clientèle provenant de l'aéroport de Bierset, ainsi que celle liées aux événements sportifs (Standard, Liège-Bastogne-Liège…). Nous nous sommes aussi tournés davantage vers les touristes de loisirs. Nous avons tenté de les attirer en semaine et plus seulement le week-end. Cela a bien fonctionné durant l'été mais, pour arriver à ce résultat, il a fallu réduire nos tarifs."

Autre mesure instaurée : tous les clients peuvent annuler gratuitement leur réservation jusqu'au jour d'arrivée communiqué. "Ces “last minute” sont une réponse aux évolutions imprévisibles de la situation sanitaire. Ils sont devenus un passage obligé, car, pour le moment, on sent bien que les gens sont réticents à s'engager. Ils ont peur…" Un dernier changement a consisté à dynamiser le restaurant, du moins avant le second lockdown. "Pour nous, tout cela constitue un surcroît de travail mais il est très important de rester actifs et imaginatifs."

L'e-congrès fait une percée

Dans le segment des salons et des congrès, les éditions digitales se sont multipliées depuis cet automne. Elles ont permis de ne plus devoir annuler les rendez-vous comme en début d'année. On parle de "solutions hybrides" quand les organisateurs mêlent des présences physiques et des réunions par vidéo. Il y a aussi des événements 100 % digitaux. Ils passent alors par un site internet spécifique, sur lequel les participants se connectent. Ceux-ci ont alors accès à des conférences enregistrées, à des sessions de discussion, voire même – mais c'est beaucoup plus rare – à des visites de stands virtuels. L'e-congrès présente deux grands avantages. Un : les participants s'épargnent des frais de déplacement, logement et restauration. Deux : ils peuvent revoir les conférences plusieurs jours ou plusieurs mois après leur diffusion.

Mais il y a aussi des inconvénients. Ces mêmes participants ne peuvent pas pêcher autant d'informations ni multiplier autant les rencontres que dans la réalité. Ils y perdent aussi beaucoup en qualité de contact.

Alors, les écrans remplaceront-ils demain les poignées de main ? Réponse des opérateurs : "L'e-congrès va probablement décoller mais dans la même mesure que l'a fait le télétravail. Il ne remplacera pas tout."

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