Commerce : dynamiser le centre-ville face à la concurrence des mégashoppings

Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères et président du MR bruxellois
26/01/17

Ministre des Affaires étrangères depuis 2011, Didier Reynders est aussi président de la Régionale MR de Bruxelles et responsable de Beliris,

la cellule fédérale au service de la capitale.

Il pourrait être candidat ministre-président en 2019. L'UCM Bruxelles l'a interrogé sur deux dossiers chauds : le commerce et la mobilité.

 

 

- Quelle importance donnez-vous au commerce à Bruxelles ?

- Il est primordial pour la vitalité de la Région, l'activité et donc aussi l'emploi qu'il génère. C'est un élément essentiel du tissu économique et social. L'attractivité commerciale doit être une priorité. On ne la retrouve pas toujours dans les grands projets urbanistiques et c'est certainement une erreur.

 

- Comment soutenir le commerce indépendant de proximité ?

- Le gouvernement fédéral a pris une série de mesures en faveur des indépendants et des PME. Je souligne en particulier la baisse des charges sociales sur les premiers emplois, avec la dispense totale et à vie de cotisations patronales sur la première embauche. Cela rend la possibilité aux "petits" commerces d'engager à un coût raisonnable. Je pense aussi qu'il faut être très attentif à l'accessibilité et à la sécurité. Ce sont deux éléments indispensables au dynamisme. Et personnellement, je suis favorable à la possibilité d'ouverture des commerces en soirée et le dimanche.

 

- Comme ministre des Affaires étrangères, vous pouvez faire quelque chose ?

- Certainement. Les attentats terroristes ont durement touché Bruxelles. Partout où je vais, je m'efforce de faire passer le message que notre capitale est une ville accueillante, dynamique, qui offre une activité culturelle riche. Je contribue autant que possible à restaurer l'image, à ramener la confiance du grand public, à inciter les touristes à revenir.

 

- Docks est ouvert. Les projets Neo en Région bruxelloise et Uplace en périphérie progressent malgré les oppositions. La perspective de ces trois mégacomplexes inquiète les commerçants. Quelle réponse avez-vous ?

- C'est vrai qu'une très forte concurrence s'annonce. Dès lors, la question est de savoir comment l'on peut, par rapport à ces grands ensembles, dynamiser le centre-ville. Nous devons valoriser les atouts des quartiers, développer des spécialisations, des commerces de niche autour desquels l'activité peut prospérer, assurer au centre-ville la sécurité et le confort de tous ceux qui s'y rendent, amplifier encore l'activité culturelle. Comme ministre de tutelle du Théâtre de la Monnaie, de Bozar et de l'Orchestre national de Belgique, je constate l'importance que le dynamisme culturel revêt pour le commerce et le tourisme d'une ville. Il faut développer l'image de Bruxelles, ce que l'on appelle le city-marketing.

 

- Est-ce que l'instauration précipitée d'un piétonnier agrandi n'est pas un contre-exemple de ce qu'il faut faire ? Les commerçants ont subi des baisses de leur chiffre d'affaires...

- Un piétonnier est un élément positif dans les grandes villes. Je pense à Lille, à Bordeaux... : c'est un élément d'attraction favorable au commerce. Mais actuellement, le piétonnier de Bruxelles n'est pas comparable. C'est un endroit où l'on a interdit la circulation automobile, rien de plus. Avec Beliris, nous sommes prêts à investir pour l'aménager aussi vite que possible en fonction de ce qui sera autorisé. Le début du chantier est retardé par les recours introduits contre certains permis. Des travaux d'étanchéité vont débuter place de Brouckère. Des travaux d'aménagement suivront, ainsi qu'à la Bourse et à Fontainas, quand les permis auront été délivrés par la Région. Ces chantiers vont engendrer des difficultés temporaires, mais ils sont indispensables. Interdire la circulation sur des boulevards ne les rend pas attractifs. Il faut repenser tout l'aménagement, rendre les lieux conviviaux, apporter de la verdure, de la sécurité, du confort. Il faut valoriser les atouts que sont les commerces de niche, rue Dansaert, dans les quartiers Saint-Jacques ou Saint-Géry, renouer un dialogue avec tous ceux qui vivent et travaillent dans le centre de Bruxelles.

 

 

La mobilité passe par de grands chantiers

 

- Le problème de mobilité est majeur à Bruxelles. Vous avez une solution ?

- C'est plus qu'un problème, c'est un échec. Charles Picqué lui-même (NDLR : ancien ministre-président bruxellois) l'a reconnu. Avec le fonds Beliris, utilisé pour les investissements du gouvernement fédéral dans la capitale, nous avons quelques leviers. Nous investissons dans la mobilité et les infrastructures à Bruxelles. Après Schuman-Josaphat et la rénovation de la station Arts-Loi, nous investissons dans l'offre de transport, avec notamment 50 millions d'euros alloués chaque année pour étendre le métro vers le nord et le début des études pour l'extension vers le sud. Encore faudrait-il que les autres acteurs, Région et communes, aillent dans le même sens. Il y a un manque d'investissements et d'entretien. Quand des tunnels (Stéphanie, Cinquantenaire...) sont fermés pendant des mois, cela crée d'énormes difficultés. Il faut aussi éviter de freiner l'accès à Bruxelles, comme au rond-point Louise, à Schuman ou à l'avenue Franklin Roosevelt.

 

- Comment décourager la voiture ?

- Ce n'est pas ma priorité. Le centre doit être accessible en transports en commun et en voiture. Les parkings ne sont pas saturés. Je préfère un message positif plutôt que de décourager tel ou tel mode de transport.

 

- Un message positif, cela suppose des investissements...

- Bien sûr. La mobilité à Bruxelles passe par de grands chantiers. Le métro vers le nord, pour l'essentiel, ce seront des travaux souterrains invisibles, mais la construction de sept stations à Schaerbeek et à Evere va avoir un impact sur les quartiers. Les études vont débuter, enfin, après dix ans de tergiversations, pour un métro vers le sud, entre Albert et Uccle. Il faut aussi améliorer l'offre de trains, rendre utile et efficace la liaison Schuman-Josaphat. Il faut enfin exploiter le potentiel des gares RER situées dans la Région. C'est un enjeu pour tous les niveaux de pouvoir, qui doivent travailler ensemble. Il y a de quoi nourrir le travail d'une communauté métropolitaine autour de Bruxelles, au moins sur les sujets de mobilité.

 

- Précisément, la ville Région qu'est Bruxelles est-elle encore gérable dans le cadre institutionnel actuel ?

- Oui. Peut-être moins facilement que d'autres entités mais c'est avant tout une question de volonté et de vision. Quelle ville voulons-nous demain ? Comment va-t-on attirer et aider ceux qui apportent de la croissance, qui créent des emplois ? Quel dialogue instaurer avec les habitants et les forces vives ?

La Belgique est complexe, mais, avec de grands projets, il est possible d'avancer. Si chacun peut faire les efforts dans ses compétences, il y a des ressources pour changer les choses.

 

- Vous êtes optimiste pour l'avenir de la Région ?

- Dans la sixième réforme de l'État, Bruxelles a reçu un refinancement, mais aussi des compétences en matière de tourisme, de formation, d'emploi, d'économie, de sécurité, de propreté, d'urbanisme... Il appartient au gouvernement régional de faire vivre ces nouvelles compétences, d'opérer les bons choix en matière de mobilité, de création d'emplois, etc. Bruxelles connaît des pôles de développement intéressants : il y a la zone du canal, le site de Tour & Taxis, celui de Delta, les institutions européennes, les universités, etc. Comme pour la mobilité, il faudrait un dialogue avec les autres Régions au niveau d'une communauté métropolitaine, c'est-à-dire de l'ancien Brabant. Les études le démontrent, c'est à ce niveau-là qu'il y a une interaction très forte. Bruxelles mérite que l'on y investisse...