"Défendre les indépendants, c'est dans l'ADN libéral"

Denis Ducarme (MR), ministre des Indépendants et des PME
14/09/17

Après Sabine Laruelle et Willy Borsus, un troisième MR est en charge des indépendants et PME au gouvernement fédéral.

Rencontre avec Denis Ducarme...

- Défendre les hommes et les femmes qui entreprennent, c'est une motivation à la base de votre engagement politique ?

- Oui, vraiment. Bien sûr, le MR est un parti transversal, généraliste. Mais il n'y a rien à faire, pour moi, la libre entreprise, l'engagement individuel pour créer son emploi et celui des autres, c'est dans l'ADN libéral. Porter ces valeurs, c'est un honneur et il faut en être digne. Mon ambition est de porter des réformes qui améliorent concrètement la vie des indépendants et des PME.

 

- Il y a trois mois, vous ne pouviez pas imaginer vous retrouver dans le fauteuil de Sabine Laruelle et Willy Borsus...

- J'ai amené mon propre fauteuil !

 

- Mais vous reprenez leurs responsabilités. C'est lourd à porter ?

- Je suis déterminé à relever le challenge. Je ne découvre pas les dossiers. D'une part, je suis parlementaire depuis 2003 et chef de groupe depuis 2014. D'autre part, je viens d'un arrondissement, Thuin, où la vie socio-économique repose sur les petites et très petites entreprises.

 

- Vous croyez faire passer facilement vos propositions au gouvernement ?

- Il faut toujours convaincre. Mais il est clair que cette équipe – au vu de ce qui a été acquis depuis trois ans – est sensibilisée au fait que la création d'emplois et de richesses partagées se fait en grande partie grâce aux indépendants et aux PME. La mesure zéro cotisation sur le premier emploi cartonne : 16.393 primo-employeurs en ont bénéficié en 2016 (+ 54 %). Les entreprises de moins de cinq personnes représentent 9 % des salariés, mais 13 % des 43.994 postes de travail supplémentaires créés entre 2015 et 2016. Le nombre d'indépendants ne cesse d'augmenter, au fil des améliorations du statut social et de la baisse du taux des cotisations.

 

- La presse flamande parle d'un gouvernement de "chamailleurs". Ce n'est pas votre perception ?

- Très sincèrement, j'ai ressenti beaucoup de chaleur dans l'accueil et une envie de collaborer et de travailler en équipe. Plus que je l'imaginais. Je n'ai ressenti que des ondes positives.

 

"Une chance de collaborer avec la Wallonie"

- La majorité a changé à la Région wallonne et le MR est le parti dominant. C'est l'occasion de développer des synergies ?

- Je le crois. D'autant que le ministre-président, Willy Borsus, occupait mes fonctions. Nous avons un peu plus d'un an et demi pour développer des politiques cohérentes, avec un gouvernement régional qui n'utilise plus son positionnement pour s'opposer au fédéral.

 

- Ça allait aussi loin que ça ?

- Bien entendu. Sur le plan politique, c'était la confrontation perpétuelle. Et il leur arrivait de reprendre d'une main ce qu'on donnait de l'autre. Quand on voit la nouvelle déclaration de politique régionale, il est clair que nous allons pouvoir travailler de concert sur des dossiers comme les jeunes entrepreneurs, le financement de la croissance des PME, la protection du commerce de proximité, l'accès des PME aux marchés publics, etc. J'ajoute un dossier magnifique, laissé par mon prédécesseur, à travailler avec les Régions, c'est celui des groupements d'employeurs. Engager à plusieurs un salarié est une pratique qui a du succès en France parce qu'elle simplifie la vie des plus petites entreprises.

 

- Donc, le 19 juin, le président du CDH Benoît Lutgen a bien fait de retirer la prise du gouvernement wallon ?

- Il a fait le constat qu'il a fait. Je pense que la Wallonie, avec Willy Borsus comme ministre-président, peut trouver un élan nouveau. Même si le temps est court, je suis convaincu qu'on sentira concrètement les effets positifs d'une orientation socio-économique qui tranche avec les socialistes.

 

 

Chapeau aux commerçants

- Vous avez une proximité personnelle avec les indépendants ?

- Beaucoup de mes amis le sont. Et ma femme a été commerçante. Je suis extrêmement attaché à la défense du "petit" commerce. Je viens d'une zone semi-rurale où la vie des patelins tient à ces magasins, à ces personnes qui décident de créer de la richesse en offrant un produit, mais aussi un service. C'est passionnant. C'est fort comme démarche et je veux mettre tout en œuvre pour soutenir ces gens.

 

- Le vol à l'étalage leur empoisonne la vie. Pourrait-on les décourager via une transaction automatique, une amende, comme aux Pays-Bas ?

- C'est mon objectif. Nous négocions d'ailleurs un protocole avec mes collègues de la Justice et de l'Intérieur. J'espère faire avancer ce dossier, avec l'appui notamment de l'UCM et de l'Unizo.

 

- Il y a un débat sur la date des soldes. Faut-il les retarder de quinze jours ?

- C'est une question hypersensible. Mon prédécesseur a réalisé un sondage qui indique en tout cas qu'il faut préserver la période de soldes. Je ne ferai donc rien qui risque de la remettre en cause. Il ne faut pas modifier les règles s'il y a un risque pour le "petit" commerce.

Statut social : un chantier ouvert

- Le statut social des indépendants est en boni structurel et dispose de quelque deux milliards d'euros de réserve. Qu'allez-vous faire avec cet argent ?

- D'abord je dis : tant mieux. La bonne santé financière est une garantie. Elle a permis à la fois de réduire les cotisations de 22 % à 20,5 % en trois ans et d'améliorer la protection sociale des indépendants. Le gouvernement vient encore de décider cet été de réduire les cotisations demandées aux starters pendant les deux premières années, d'indemniser les incapacités de travail après deux semaines et non plus un mois, et d'ouvrir le deuxième pilier de pension aux indépendants en personne physique. Le chantier reste ouvert...

 

- Aujourd'hui, il est difficile d'adapter à la baisse le versement de ses cotisations sociales parce qu'il faut passer sous l'un des deux seuils existants. Allez-vous créer de nouveaux seuils ?

- Le système mis en place en 2015 apporte plus de souplesse. Il n'a pas compromis les recettes, c'est un constat qui plaide pour aller un pas plus loin dans la réforme avec des seuils supplémentaires. Cela répondrait à des difficultés créées par les variations de revenus.

 

- On peut espérer quelque chose dès 2018 ?

- On n'avance pas seul dans un dossier comme celui-là. Vous avez un Sioux devant vous. Je ne ferai pas de promesse avant d'avoir du concret. Ce que je peux vous dire, c'est que je travaille à des pistes et que je souhaite vraiment avancer concrètement.

 

 

 

 

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