Ministre de la Fonction Publique, de la Simplification administrative et informatique, des Sports et des Infrastructures sportives, des Médias et de Wallonie-Bruxelles Enseignement.
22/04/25
La carrière politique de Jacqueline Galant a commencé par une victoire. En 2000, elle se présente aux élections communales de Jurbise. Elle réalise le deuxième score de sa commune derrière son père, Jacques Galant, qui lui laisse la place de bourgmestre à seulement 26 ans. En 2003, elle est nommée députée fédérale. C’est en 2014 qu’elle devient connue du grand public en devenant ministre fédérale de la Mobilité, chargée de Belgocontrol et de la SNCB au sein du gouvernement Michel. Prise à partie par l’opposition après deux polémiques liées à la sûreté des aéroports et un marché public, elle démissionne deux ans plus tard, en 2016, et devient députée du Parlement Wallon et de celui de la Fédération W-B. Le 15 juillet 2024, elle est désignée ministre de la Fonction Publique, de la Simplification administrative et informatique, des Sports et des Infrastructures sportives, des Médias et de Wallonie-Bruxelles Enseignement.
"36 CLASSEURS pour un permis, ce n’est pas possible"
Le 25 mars dernier, les ministres des gouvernements de Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles présentaient leur « choc de simplification administrative », un programme transversal censé faciliter la vie des citoyens, des entrepreneurs et des pouvoirs locaux, trop souvent écrasés par une tonne de démarches administratives chronophages et, parfois, carrément inutiles. Ce ne sont pas moins de 300 mesures qui ont été proposées par les ministres, le tout sous la coupole de Jacqueline Galant, appelée à agir comme courroie de transmission entre les différents secteurs et niveaux de pouvoir.
La thématique de la simplification administrative est particulièrement présente dans la Déclaration de Politique Régionale. Pourquoi est-elle devenue essentielle pour le gouvernement ?
C’est vrai que c’est un peu du jamais-vu. C’est la priorité des deux gouvernements et c’est assez inédit que dix ministres, de deux gouvernements, se soient mis en ordre de marche pour s’attaquer à la lourdeur de notre administration. Les entreprises ne demandent pas de l’argent, ce qu’elles souhaitent, c’est qu’on leur foute la paix pour qu’elles puissent travailler, créer de l’emploi et faire tourner l’économie. Aujourd’hui, elles doivent consacrer trop de temps à cette lourdeur administrative. Je vais prendre l’exemple de la dématérialisation du permis d’urbanisme. On ne peut plus entendre qu’aujourd’hui, en 2025, une entreprise doive venir avec 36 classeurs pour l’introduire. D’où notre volonté de mobiliser des moyens pour qu’on concrétise ce projet qui est dans les cartons depuis 15 ans. Un autre point ne va pas non plus. Ce sont les mêmes personnes à la tête des administrations depuis longtemps alors que ça ne fonctionne pas. La simplification administrative va donc aussi de pair avec la modernisation de l’administration.
Présentez-nous votre choc de simplification administrative.
C’est vrai que c’est un peu du jamais-vu. C’est la priorité des deux gouvernements et c’est assez inédit que dix ministres, de deux gouvernements, se soient mis en ordre de marche pour s’attaquer à la lourdeur de notre administration. Les entreprises ne demandent pas de l’argent, ce qu’elles souhaitent, c’est qu’on leur foute la paix pour qu’elles puissent travailler, créer de l’emploi et faire tourner l’économie. Aujourd’hui, elles doivent consacrer trop de temps à cette lourdeur administrative. Je vais prendre l’exemple de la dématérialisation du permis d’urbanisme. On ne peut plus entendre qu’aujourd’hui, en 2025, une entreprise doive venir avec 36 classeurs pour l’introduire. D’où notre volonté de mobiliser des moyens pour qu’on concrétise ce projet qui est dans les cartons depuis 15 ans. Un autre point ne va pas non plus. Ce sont les mêmes personnes à la tête des administrations depuis longtemps alors que ça ne fonctionne pas. La simplification administrative va donc aussi de pair avec la modernisation de l’administration.
Quelle mesure allez-vous instaurer en priorité ?
La demande numéro un du monde entrepreneurial c’est la dématérialisation des permis d’urbanisme et des permis d’environnement. Des échéances ont été fixées en 2027 pour le premier et en 2026 pour le second Je pense aussi à la réforme de l’administration. On souhaite qu’il y ait un mélange de profils privés et publics qui accèdent aux postes de top managers. Et que comme dans le privé une partie variable de leur salaire soit liée à des résultats via des évaluations. S’ils ne sont pas bons on passe à quelqu’un d’autre. Il y a un autre élément que je n’ai pas encore abordé c’est la confiance. Combien d’indépendants me disent qu’ils ont parfois subi dix contrôles sur la même semaine. Il faut partir du postulat qu’on fait confiance aux entrepreneurs. Évidemment des contrôles doivent toujours être organisés Mais cela doit être mieux réalisé. Il faut arrêter de prendre tous les indépendants pour des fraudeurs. L’administration doit être présente en soutien et établir une relation de confiance avec les entrepreneurs. Pour ça il y aura besoin d’un véritable choc culturel du côté de l’administration.
L’administration se rend-elle compte qu’un tel changement est nécessaire ?
Un fonctionnaire quand on lui dit qu’il doit faire comme ceci ou comme cela il applique la réglementation qui lui est imposée D’où la nécessité d’un choc culturel dans l’administration pour qu’on arrête de dire qu’on a toujours fait comme ça. On va désormais partir du postulat qu’on fait confiance à l’indépendant tout en organisant les choses de manière plus intelligente et rationnelle Il y a aussi un manque et ce n’est pas forcément volontaire de compréhension entre les secteurs publics et privés. D’où le besoin de créer des ponts avec des acteurs privés pour qu’ils viennent instaurer cette culture. J’aimerais d’ailleurs lancer un appel si vous êtes entrepreneur ou chef d’entreprise et que vous revendez votre affaire votre expérience pourrait être utile dans le secteur public. C’est vraiment essentiel que les deux mondes cohabitent pour apporter cette expérience qui n’existe pas encore dans le public.
Comment comptez-vous évaluer concrètement l’amélioration de cette relation entre l’administration et son client ?
Il y aura un monitoring permanent et une évaluation de tout ce qui est mis en place de toutes les simplifications. Il y a d’ailleurs déjà eu des simplifications très concrètes. Par exemple le jour où on a présenté le choc de simplification administrative François Desquesnes NDLR Ministre wallon du Territoire des Infrastructures de la Mobilité et des Pouvoirs Locaux a passé une note avec une diminution de nombreux formulaires qui ne servent à rien mais que le citoyen ou l’entreprise doivent tout de même introduire. Je le répète mais on souhaite que l’administration soit vraiment orientée client. Quand je le dis ce n’est pas un gros mot. Parce que quand je suis arrivée avec cette notion au sein de l’administration c’était à la limite une injure. Mais quand vous êtes un citoyen une entreprise et que vous payez des taxes c’est normal que vous bénéficiiez d’un service de qualité. Nous visons l’excellence.
On souhaite que l’administration soit vraiment orientée client. Quand je le dis ce n’est pas un gros mot. Parce que quand je suis arrivée avec cette notion au sein de l’administration c’était à la limite une injure.
Ce choc va-t-il seulement s’étaler sur cette législature ou les indépendants doivent-ils s’attendre à une temporalité plus longue ?
Notre choc est prévu pour cette mandature. On espère faire plus que prévu, mais le travail commence seulement. Chaque jour, un ministre différent m’apporte une proposition de simplification. Certains points peuvent être assez vite mis en place, mais pour d’autres, quand il faut passer par des décrets par exemple, ça prend plus de temps. Mais on va faire notre maximum pour que ça bouge sous cette mandature. On souhaite vraiment qu’à la fin de celle-ci, on puisse se dire : « Waouh, on voit une réelle différence dans le fonctionnement de tous les services. »
Beaucoup de chantiers ont été mis en avant sans que les moyens pour les réaliser n’aient été présentés. Quelle est votre approche sur ce sujet ?
Il y a 17.500 fonctionnaires dans l’administration en comptant les OIP (NDLR : organisme d’intérêt public comme l’Institut géographique national, par exemple). On va rationaliser tout cela pour la rendre plus efficace. Il y a parfois trois ou quatre fonctionnaires qui contrôlent le même document. Ça ne sert à rien. On va simplifier les procédures, ce qui va dégager des moyens conséquents, car on rationnalise. Je veux aussi diminuer le nombre de chefs dans l’administration, car le tout est très hiérarchisé. Nous allons par ailleurs fixer des priorités, notamment pour toutes les questions de dématérialisation. On se rend, par exemple, compte que le SPW-Digital travaille actuellement sur 98 projets, sans aucune priorisation, donc finalement il n’avance sur rien. Le citoyen a, par exemple, besoin d’une porte d’entrée unique quand il entre en contact avec la Région wallonne. Ses données antérieures doivent être retenues. Tout doit être beaucoup plus moderne dans la manière dont les dossiers sont traités. Des services de l’administration, qui sont parfois voisins, s’envoient des recommandés. La Région wallonne dépense huit millions d’euros en timbres, juste parce qu’il est écrit que le document doit être envoyé par recommandé alors que c’est pour le bureau d’à côté. Il n’y a pas besoin de plus d’argent, juste de mieux l’utiliser.
Ce choc s’applique à l’ensemble des ministres des gouvernements de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui vous place en position de chef d’orchestre. Comment se passent les collaborations ?
Je pilote en effet l’opération mais chaque ministre reste évidemment responsable dans ses compétences. Il y a une réelle volonté commune d’avancer, donc tout se passe très bien. Je suis aussi en charge de la simplification administrative pour les deux gouvernements, ce qui rend ma tâche plus facile. Je le disais, on a organisé une conférence de presse avec tous les ministres. Cela montre l’implication de chacun. Il n’y a pas de concurrence, de personnalité qui tente de s’accaparer la gloriole par rapport aux autres. Chacun reste compétent dans son département et il y a une vraie unité et transversalité.
Et la relation avec Eléonore Simonet, Ministre fédérale des indépendants et des PME ?
Le gouvernement fédéral vient seulement de s’installer, mais j’ai demandé un rendez-vous avec chacun des ministres pour qu’on avance ensemble. C’est d’ailleurs dommage qu’il n’y ait pas encore de gouvernement bruxellois, car je vais aussi lancer des contacts avec mes homologues flamands pour qu’on avance tous ensemble. Il faut savoir que, parfois, les bases légales se chevauchent. Il arrive donc qu’on ne sache pas avancer sans le fédéral ou l’inverse. D’où l’importance d’avoir de bons contacts avec tout le monde.
Ne serait-il pas intéressant d’ancrer le principe du Only Once (NDLR : principe de la collecte unique de données) dans un décret wallon ?
Ce sera une des premières mesures concrètes à la suite du choc. Il faut aussi savoir qu’on en parle depuis pas mal d’années au sein de l’administration. C’est un processus long. On ne peut pas décréter d’un coup que le Only Once sera là, même si on l’arrête dans une base légale. Il y a toute une démarche IT derrière qu’il faut prévoir. Ce sont toutes des ramifications qui prennent du temps, mais on va le faire. Le nouvel espace citoyen, cette porte d’entrée unique à l’administration, sera vraiment une étape très importante. À l’heure actuelle, il y a trop de plateformes différentes, on ne s’y retrouve pas. À chaque fois que vous rentrez en contact avec la Région, vous devez tout réintroduire. Ça ne peut plus exister à notre époque.
À l’heure actuelle, il y a trop de plateformes différentes, on ne s’y retrouve pas. À chaque fois que vous rentrez en contact avec la Région, vous devez tout réintroduire.
Comment comptez-vous gérer la digitalisation tout en évitant la fracture numérique ?
Je prends toujours l’exemple de ma mère qui a 83 ans. Elle ne sait pas se servir d’un ordinateur et il faut donc penser à cette partie de la population. Des guichets physiques seront toujours disponibles pour eux. Après, soyons de bon compte, les entreprises, même les TPE, sont de plus en plus modernes. Par contre, il faut vraiment leur faciliter leur vie par rapport à toutes les procédures de marché public qui sont devenues trop compliquées avec des plateformes compliquées et des délais de paiement qui sont assez longs. C’est un changement qui doit être initié au fédéral, d’où l’importance d’avoir un bon contact avec tout le monde. Je vais vous donner un exemple : je suis bourgmestre depuis 25 ans dans une commune de 10.800 habitants. Il n’y a quasiment plus d’entrepreneurs qui remettent de prix tellement c’est devenu compliqué. C’est vraiment dommage.
Que souhaitez-vous dire aux indépendants qui craignent que la situation ne s’améliore pas rapidement, qu’il s’agit de promesses qui ne se concrétiseront pas ?
Nous partons du postulat qu’il faut faire confiance aux entrepreneurs et aux citoyens. Je demande donc qu’ils nous l’accordent en retour car cette volonté des deux gouvernements et de l’ensemble des ministres est vraiment inédite. On a également une majorité plus ou moins miroir au niveau fédéral, ce qui facilite les contacts pour qu’on avance dans la même direction. Il y a aussi ce changement dans l’administration avec la fin des statutarisations, ce changement dans le top management. Ce sont des choses inédites qui sont mises en œuvre. L’ouverture des nouveaux mandats passera par une toute nouvelle procédure et ça, c’est inédit. C’est une révolution dans l’administration.
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