Yvan Verougstraete

Président des Engagés, député européen, entrepreneur fondateur de Medi-Market co-fondateur de Prego
28/05/25

Il a officiellement pris la succession de Maxime Prévot le 13 avril dernier à la présidence du parti centriste, même s’il assurait déjà l’intérim. Jadis affilié au PSC et plus jeune conseiller communal du pays, à 18 ans, dans sa commune natale de Woluwe Saint-Pierre, Yvan Verougstraete a depuis écrit un parcours entrepreneurial des plus brillants. Fondateur de Divine Cuisine, de Tasty Food puis surtout de Medi-Market, il est élu « Manager de l’année » en 2019. Prego ! fait aussi partie de sa galaxie. Elu député européen en 2024, il aime à rappeler qu’il considère la politique comme un « bail à durée déterminée » et qu’il n’y officiera plus « dans dix ans ».

"La politique est plus dure et abîme plus que le business"

Il est un peu l’incarnation de la réussite entrepreneuriale. Particulièrement avec Medi-Market qu’il a fondé, parmi d’autres trajectoires dorées, avant de franchir le Rubicon politique en sautillant et de prendre les rênes des Engagés. Prolixe, avenant, Yvan Verougstraete déroule sa parole. Evidemment rodée mais qui garde une fraicheur certaine et aime entremêler « ses deux mondes ». Prendre le sel du premier pour assaisonner le second. Du moins essayer. Il est question de l’accord de Pâques, de simplification administrative, de start-up, de la lumière de la présidence et de ce qu’il en fait. Entretien.

  • Vous avez multiplié les brillantes casquettes entrepreneuriales avant d’en adopter une version politique et présidentielle. Pointez-vous des points de convergences entre ces « deux mondes » ?

    Oui clairement. Mais je dirais que c’est surtout un vécu, une compréhension de comment fonctionne l’économie comme moyen. Et de voir comment on peut essayer de la mettre au service d’une fin, d’un objectif politique et d’une vision de société. C’est un peu comme ça que je vois le trait d’union entre les deux. J’ai eu la chance d’apprendre comment fonctionne le business, voir quelles étaient les failles qu’on peut exploiter, comment développer l’activité… Je me suis dit que ça vaudrait la peine de mettre cette expérience-là au service de la vision de société que j’ai, puis au service du fonctionnement de l’État et de l’organisation, peut-être, de certaines choses au sein de l’État qui mériteraient d’être mieux organisées… Ça ne se gère pas comme une entreprise, mais il y a des similitudes. Il y a quand même des logiques d’efficience qui devraient pouvoir être mieux appliquées au niveau public.

  • Vous aviez dit, il y a quelques années, que c’était parfois plus facile d’être CEO d’une entreprise qu’homme politique. Maintenant que vous êtes président d’une formation politique, vous pensez toujours la même chose ?

    Oui. Je dis parfois parce que la vie dans une entreprise peut être très dure aussi. Développer des projets, c’est aussi beaucoup de sacrifices et quand on voit la réussite à la fin, parfois on croit que ça s’est fait en deux coups de cuillère à pot. Mais ce n’est pas la vérité… Il n’empêche que, globalement, la politique est plus dure et abime plus que le business.

  • Pourquoi ?

    Parce que ce qui est compliqué, c’est ce côté multidimentionnel. L’entreprise, c’est une équipe qui essaye de la développer. Certes, avec des concurrents mais c’est une seule équipe. En politique, on a déjà des coalitions avec des visions de sociétés et c’est très difficile d’avoir un seul chef car chacun garde ses visions. Et en plus en devenant concurrents dans maximum cinq ans. Donc, on doit cogérer le mieux possible sans avoir d’unicité de vision. Et en plus de ça, on n’a pas une unité d’intérêt parce qu’à la fin, il y a cette notion d’élection qui revient. Ce qui rend les relations et la gestion plus compliquées.

  • Tandis que quand vous êtes à la barre de votre navire, c’est vous qui définissez la direction ?

    Voilà. Et si le gars trouve que la direction qui est prise n’est pas la bonne, il n’a qu’à trouver une autre boite. Je ne dis pas qu’on était toujours d’accord mais on finissait toujours par trouver un accord et on le mettait en place pour le bien du business. Ici, en politique, c’est ‘je t’arrache un compromis’, mais à durée déterminée. Et ce compromis n’est pas ton objectif. Ça rend les dynamiques beaucoup plus complexes.

  • Mais vous semblez apprécier la chose, si complexe soit-elle…

    C'est en effet une casquette qui me plait. Elle a vraiment de l’impact pour les gens et les leviers sont juste hallucinants. Entre bien gérer ou mal gérer ce pays, ce sont des millions de personnes qui sont impactées. Donc, c’est juste, je le redis, hallucinant comme responsabilité, comme importance. Et quelque part, il y a un prix à payer pour avoir l’honneur de pouvoir essayer d’améliorer la vie des gens.

  • Un parti politique, ça se gère comme Medi-Market ?

    Non, pas du tout car les êtres humains qui font partie de l’équipe font aussi partie du produit. Si tu es Coca-Cola, ton produit c’est la cannette et les êtres humains qui sont autour sont là pour la vendre. En politique, les êtres humains font partie du produit lui-même. Ça change la logique de gestion. En plus, le produit est intangible. On parle de valeurs, de vision… et, puis, le KPI (indicateurs clés de performance en version sous-titrée) c’est l’élection. Et elle ne reflète pas toujours la qualité des choix pris, si je peux me permettre. C’est peut-être un peu péjoratif pour la démocratie mais c’est la réalité. Le faire-savoir est parfois en politique aussi important que le savoir-faire parce que le bulletin, ce sont les élections. Ce n’est pas la santé économique du pays. Ni à court, ni à long terme. Ce qui change la donne.

  • Vous avez évoqué, lors de votre entrée en politique, la question du sens. Soit la thématique qui a animé la réception annuelle d’UCM il y a quelques semaines. Que voulez-vous dire par là ?

    J'estime avoir eu de la chance et pour moi, il y a une responsabilité de rendre une partie de cette chance que j’ai eue. Et je pense que ça donne de la responsabilité. Avoir été nommé Manager de l’année, qu’est-ce que j’en fais ? Si c’est juste pour mon orgueil, ça ne sert pas à grand-chose. J’ai la possibilité d’en faire quelque chose qui va faire avancer la société. Ou essayer en tout cas. Le sens, ce n’est pas l’argent. Ce n’est pas mon ‘driver’. C’est se dire qu’on doit donner le meilleur de soi-même, ça fait partie de l’ADN des Engagés, la notion de participation à l’effort est vraiment quelque chose auquel on croit. Et chacun, en fonction de qui il est, du parcours qu’il a eu, à une responsabilité qui est en proportion. Je cite souvent cet exemple : je coachais l’équipe de mes enfants au hockey, ils font une mi-temps de m… Je leur dis ‘on va arrêter, si ce n’est pas pour donner le meilleur de vous-même’. À la fin de la deuxième mi-temps, ils perdent mais ils sont fatigués et heureux. L’effort rend heureux. Donner le meilleur de soi-même rend heureux, sans préjuger du résultat. Gagner un match 20-0 n’a jamais excité grand monde. Je crois vraiment qu’aller au-delà, avoir le plus d’impact possible, ça fait partie de ce qui me rend heureux. Donc, c’est aussi très égoïstement que ça me rend heureux d’essayer de donner le meilleur de moi-même.

  • Qu'importe l'issue ?

    Disons que c’est important dans la nuance de dire que ce n’est pas seulement le fait d’avoir réussi qui est valorisant. On doit vraiment insister sur ce point auprès des entrepreneurs car c’est aussi le fait d’avoir tout donné. La mi-temps en question, ils l’ont perdue. Mais ils pouvaient être fiers d’eux. Il y a des entrepreneurs qui vont rater. Parfois, la tartine tombe du bon côté, parfois on a fait les mauvais choix. Ce n’est pas grave. J’ai de l’admiration pour celles et ceux qui donnent tout pour quelque chose auquel ils croient. Pour moi, c’est ça le sens.

  • Il y a un clou sur lequel UCM tape au point d’en fendre le bois, c’est la simplification administrative. Quelque chose qui doit forcément vous parler vu votre parcours entrepreneurial…

    Bien sûr. Éviter d’avoir 36.000 fois les mêmes papiers, répéter chaque année les mêmes trucs… Il y a des papiers, des permis, pourquoi ne pas envoyer un PDF plutôt que 22 copies du même document ? Il a des trucs qui sont hallucinants. Mais il y a aussi, dans la simplification administrative, une posture du contrôleur. Le contrôle doit servir à quelque chose, il n’est pas un métier en soi. Il est là pour faire avancer les choses. Si c’est juste pour remplir des « check-lists » et que quand tu es très bon pour remplir ces listes, tu fais n’importe quoi derrière et tout le monde s’en fout, franchement, c’est débile. Donc plutôt que d’avoir un contrôle a priori qui va chercher la petite bête pour faire ch… le mec mais qu’à l’inverse on pouvait arriver avec une mentalité de contrôle où on laisse le droit à l’erreur mais quand il y a des gens qui se foutent de notre gu…, on les punit très fort. Ça serait plus efficace, on passerait moins de temps à faire du papier et plus de temps à progresser.

  • Une administration client, qui fonctionne à la confiance, pour reprendre les propos de Jacqueline Gallant dans son interview dans UCM Mag’ du mois d’avril…

    Sur ce coup-là, je pense qu’elle a vraiment raison. Moi, je l’ai vécu avec des contrôles de l’Afsca. J’ai eu des contrôleurs Afsca qui étaient des mecs qui disaient ‘la check-list je vais la mettre de côté, on va aller sur le terrain mais tu ne vas pas te foutre de ma gu…, tu vas vraiment me montrer le truc’. Et le gars, il m’a fait progresser. Il m’a dit ‘j’ai vu ça, là c’est pas nickel, si ce n’est pas réglé dans quinze jours, on va avoir un problème Yvan’. Mais, du coup, j’avais une vraie transparence avec lui. Le suivant, il me faisait ch… pour n’importe quoi, je le noyais sous le papier, il n’a jamais rien vu. Il ne m’a servi à rien, je ne lui ai servi à rien à part à remplir des armoires. Je n’ai pas progressé et il n’a rien trouvé. On a tous perdu du temps et on a tué des arbres... C’est une question de mentalité.

  • Et elle n’y est pas, cette mentalité, pour le moment ?

    Il ne faut pas être naïf, les contrôleurs sont là pour contrôler. Mais la confiance n’empêche pas le contrôle. Partir d’un a priori de confiance avec un contrôle qui est efficace et qui permet à l’un et à l’autre d’avancer, je crois que c’est une mentalité qui manque très très fort dans certaines administrations et sur laquelle il faut revenir. Là, on avancerait beaucoup plus vite. Pareil au niveau fiscal.

  • On reste dans le monde de l’entreprise. Quand vous êtes devenu président du parti, vous avez évoqué une transformation de « la start-up Les Engagés en une entreprise solide ». Concrètement, ça veut dire quoi ?

    On sait très bien qu’en mode start-up, c’est une, deux ou trois personnes qui font un peu tout, ce qui crée une dynamique qui peut être très positive mais à un moment, ça s’essouffle. Ce mode de fonctionnement n’est plus adapté à une structure qui grandit, qui a plus de rentrées ou plus d’élus pour un parti.

    On doit donc changer le mode de management. Consolider les bases, mettre plus de structures et des descriptions de jobs plus claires. Un peu plus de rigidité donc, mais cette rigidité est aussi une solidité. La chance que l’on a chez Les Engagés, contrairement à la start-up d’un Emmanuel Macron, c’est que l’on a les deux pieds dans la glaise dès le départ. Le parti se base sur un tissu local, rural, qui nous permet d’avoir un ancrage. Ce qui est clé, c’est de renforcer cette assise-là, cette base, là où Macron devait non seulement consolider mais aussi tout construire pour soutenir son assise. Nous, on a les piliers mais il faut qu’on les renforce et qu’on continue à les développer. Et il faut aller le plus vite possible.

  • Et donc, aujourd’hui, Les Engagés, c’est quoi ? Une start-up ou, déjà, une PME ?

    Pour moi, c’est le chiffre d’affaires d’une PME mais avec une structure qui est encore trop proche d’une start-up.

  • Et c’est là qu’avec votre casquette managériale…

    (Il enquille directement) C’est là où je pense que je peux jouer un rôle, bien sûr.

  • Vous êtes président des Engagés. On sait qu’il y a un autre président de parti qui occupe beaucoup la lumière, Georges-Louis Bouchez pour ne pas le citer. Comment voyez-vous votre rôle de président ? Avec autant de tumultes, de petites phrases, de lumière ?

    Je ne vais pas m’exprimer sur lui ou sur quelqu’un d’autre, je vais juste vous donner la manière dont je vois ma présidence. Je n’ai pas besoin de lumière. J’ai suffisamment de cheveux blancs, mon ego… (il coupe). Je n’ai pas besoin. Après j’ai quand même un rôle d’identification à jouer et il faut quand même que je puisse cristalliser une partie de ce que nous sommes, mais je n’ai pas besoin d’omniprésence médiatique. Je ne la cherche pas et ça ne me rend pas plus heureux. Je vais le faire car pour le parti, en termes d’identification, c’est plus simple de l’incarner. C’est pour ça que je suis obligé de prendre de la place médiatique. Pour les valeurs que nous portons. Pas ma personne. J’ai envie de pouvoir dire, à travers moi, ce qu’est une partie des Engagés. Mais je n’ai pas besoin d’être moi, Yvan, connu. Je veux juste incarner les Engagés et après, je me retirerai. Je n’en ai pas pour quarante ans en politique. Dans moins de dix ans, j’aurai arrêté. Le parti est plus important que moi. Certains diront que c’est ce qui me différencie d’autres… Deuxième élément, je ne crois pas en un pouvoir centralisé. J’ai toujours délégué dans les entreprises, pour essayer de les faire grandir. Mon objectif premier, c’est que je sois encore moins indispensable que je le suis aujourd’hui.

  • Donc, les commentaires acerbes et sentences insidieuses, ce n’est pas trop votre truc…

    Je ne suis pas sûr que ça fasse vraiment avancer les choses, avancer nos projets ou avancer le pays. Ce n’est pas trop mon style. Dans l’ordre c’est : nos idées, le mouvement qui les porte et celui qui les représente, c’est-à-dire moi. Pas dans l’autre sens…

  • Le parti, justement. Les Engagés, la dénomination a changé, avec le succès qu’on connaît. Ce changement de nom, c’est l’Alpha et l’Oméga ? C’est évidemment une question plus que prégnante pour Ecolo ou le PS, par exemple…

    La recette de la transformation des Engagés, c’est d’abord d’avoir repensé le projet et puis d’avoir trouvé le moyen de le communiquer. Pas l’inverse. On n’a pas inventé une nouvelle couleur puis on s’est dit, on met quoi derrière ? C’est un moyen.

  • Du coup, les autres veulent un peu « copier » la réussite des Engagés ?

    Oui, je pense qu’on a fait un peu des émules à droite et à gauche, si ce n’est que garder le même contenu et changer le nom, c’est peut- être créer une petite dynamique mais ce n’est pas un changement fondamental. Nous, on a pris le temps de repenser notre projet de société.

  • Vous avez le sentiment que la politique est comprise du monde entrepreneurial et du grand public ? En gros, une fois qu’elle est sortie de son « microcosme » ?

    Je me rappelle d’un point qui m’a énormément frappé au début, quand je faisais des conférences comme Manager de l’année. Je partageais une vision, parfois un peu politique, sur le sens. Puis j’ai donné les mêmes conférences avec ma casquette politique et j’étais devenu un con. Forcément un con… Les mêmes gens qui me donnaient une bouteille pour me remercier, qui me disaient que c’était chouette d’avoir partagé cette vision, me disaient alors que je n’étais qu’un politique venant vendre ma sauce. Forcément, on est suspect, on n’a rien compris… En ce sens, c’est parfois difficile, oui.

  • Quand vous étiez entrepreneur, ça vous arrivait de pester sur les hommes politiques ?

    Bien sûr, mais encore aujourd’hui ! Il y a encore plein de choses qu’on pourrait faire beaucoup mieux. On parlait de la simplification… Mais c’est dur de faire bouger les choses parce que c’est le fruit d’un compromis. Et certainement au niveau européen, le fruit d’intérêts divergents.

  • Du coup, cet art du compromis ne vous fatigue pas un peu ?

    Ce n’est pas tant de le trouver. Ce qui me fatigue le plus, ce sont les dilemmes du prisonnier. C’est de se dire qu’à un moment, il y a un gars qui va dire ‘mon avantage il est plutôt là’ plutôt que de regarder l’intérêt commun. Le clientélisme… Moi je n’en ai rien à faire. Je vais prendre cet exemple : l’Irlande a certainement raison d’un point de vue individuel d’avoir un ISOC (Impôt des sociétés) le plus faible de tout le Vieux Continent. Au déficit de toute l’Europe mais si on est purement irlandais, elle a raison. Mais la question qu’on doit se poser, c’est ‘est-ce que ça crée le plus de bien-être globalement’. Et si je reprends mon exemple sur l’Irlande, au niveau européen, se faire une compétition fiscale, c’est débile. Quand gauche et droite se disent que le seul objectif, c’est que l’autre ne fasse pas son projet, ben non… je crois qu’on a besoin de réformes en fait, on ne va pas fonctionner comme ça.

  • En parlant de l’accord de Pâques, vous avez dit « On ne peut pas se permettre une Vivaldi 2 ». Que voulez-vous dire par là ?

    Si on regarde avec un peu de recul, l’objectif de certains membres de la Vivaldi a été de se dire ‘comment est-ce que je peux bloquer l’autre et ses réformes ?’. Et donc on a préféré la paralysie. Deux forces de même intensité mais de direction opposée, du coup, la somme c’est zéro. Et donc rien ne bouge.

    Le pays, les régions ne peuvent plus se le permettre. On est au bord du précipice, il faut faire des réformes. On ne plus se permettre de dire ‘on va tout paralyser pour éviter le pire’. Il faut avoir le courage d’entamer ces réformes pour prendre ce tournant nécessaire. À tous les niveaux. C’est en ce sens que je veux qu’on incarne, en tant qu’Engagés, l’art du compromis. Quand un point n’est pas dans notre programme, certains disent directement ‘vous êtes des menteurs, ce n’est pas dans votre programme’. Non, ça c’est une vision des extrêmes. Si on avait 51 %, vous pourriez me le dire mais là, non. J’accepte et je pense que c’est courageux d’y aller même si on n’a pas la totalité de notre programme.

  • Même sur des mesures qui sont polémiques, comme la limitation de la durée du chômage, catégorisée de « drame social » par les syndicats…

    C'est une question de vision en fait.

  • C'est-à-dire ?

    Je crois vraiment que c’est un drame social de laisser quelqu’un se faire enfermer dans le chômage à durée indéterminée. De le proposer comme horizon sans fin plutôt que comme tremplin. C’est vraiment tout sauf social… Là où je peux entendre une critique, c’est si on fait en sorte qu’on limite mais qu’on ne permet pas aux personnes d’avoir un tremplin, que c’est juste un toboggan sans fin, je comprends. Ce qui est important, c’est qu’on puisse réformer correctement le Forem, qu’on permette le droit au rebond, qu’on puisse faire mieux évoluer la carrière pour avoir des trajectoires moins linéaires, des allocations de chômage plus élevées au début quand on prend le choc pour éviter d’ajouter du stress au stress… Je pense vraiment que ceux qui disent que c’est un drame social créent le drame social. Plutôt que gérer les conséquences, comment faire pour ne pas avoir le problème ? Mettre un coussin pour le mec qui tombe ? Autant essayer d’éviter qu’il tombe…

  • Avec ce fameux droit au rebond, notamment ?

    On va se parler deux minutes entre gens qui ont fait du business. Quand vous n’êtes pas bien dans un job mais que vous n’avez pas la possibilité d’en sortir parce que vous n’avez aucune sécurité si vous le faites, vous ne pouvez pas prendre le risque. Et à un moment donné, vous tombez en maladie car vous n’êtes plus heureux dans ce job. Payé un peu plus d’un mois par l’entreprise et puis tout le monde il est content… Vous êtes enfermés dans votre truc, avec votre protection, votre indemnité, vous êtes prisonnier de ça. Alors que si on veut permettre aux uns et aux autres de participer à la société sur le long terme, il faut donner une sécurité, permettre à la personne de démissionner sans perdre son filet de sécurité. Sans quoi on reste coincé dans un truc qui n’a plus de sens, ça termine en burn-out et c’est payé par la société. Ben non, ce n’est pas intelligent en fait…

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