Les ateliers Jadoul d'Achêne

Menuiserie et ébénisterie patrimoniales

Réparer les accidents de l'Histoire

12/01/21

Les ateliers Jadoul d'Achêne (Ciney), c'est la clinique esthétique du patrimoine belge. Les témoins en bois de notre Histoire, c'est à eux qu'on les confie. Pour que le temps ne soit qu'un détail mineur.

Isabelle Morgante

Fabian et Baudouin Jadoul sont issus d'une famille nombreuse. S'ils ne se ressemblent guère physiquement, leur ADN se rejoint en une passion commune pour la menuiserie et l'ébénisterie. Mais pas n'importe lesquelles : celles qui ont une âme et ont traversé l'histoire de ce territoire du nord de l'Europe, qui allait un jour de 1830 devenir la Belgique. Ce sont leurs compétences respectives qu'ils ont décidé de mettre à profit dans une entreprise, un matin de 2012… Et ils ont bien fait.

L'atelier de menuiserie est vaste (plus de 600 m²), lové dans un zoning industriel namurois. On entre dans cet espace par une grande porte métallique, l'un des rares éléments modernes de l'entreprise. Forcément, il n'y pas de chauffage, sinon un grand poêle alimenté par les chutes de bois auxquelles les frères ne trouveront pas de destin professionnel. Car le reste du stock, exclusivement en essences indigènes, sera minutieusement utilisé pour effacer les affres du temps qui ont rongé portes, châssis et autres impostes d'antan.

"Les chênes, frênes, érables, platanes et séquoias arrivent en planches dans notre atelier d'Achêne. Ce sont des essences particulières, pour des demandes qui le sont tout autant", résume Fabian (39 ans).

Avec des parents d'éducation classique, la bienséance demandait que le jeune Namurois effectue des études de niveau similaire. Il essaie, d'abord en musicologie, guidé par ses huit ans de solfège, flûte traversière et guitare classique. C'est un échec. Il bifurque vers l'architecture, mais la grille horaire de son cursus d'humanités en latin-grec comptait trop peu de maths. Réorientation. Il est alors admis au concours de l'Institut supérieur de musique et de pédagogie, mais ne s'imagine pas prof de musique. "Je ne voulais pas d'un métier alimentaire, j'étais habile de mes mains. Mes amis m'ont calé dans un divan et suggéré d'exploiter ce don en entamant une formation de menuiserie ébénisterie."

À 24 ans, Fabian se lance dans l'apprentissage de la restauration, qu'il complète d'un long stage chez un ébéniste. Les ateliers Jadoul naissent sur une surface de 60 m² louée à Loyers. "J'ai pris la décision de déménager de cet endroit lorsqu'un escalier réalisé pour un château de Profondeville n'est pas passé par la porte !"

De solo en duo

L'équipe de Fabian Jadoul s'étoffe au fil des années et accueille en 2012 son frère Baudouin.

Ancré dans les maths, Baudouin, de huit ans cadet de Fabian, avait entamé des études d'ingénieur à Louvain-la-Neuve. Après la première, la deuxième avait coincé. Le jeune homme avait pris des jobs d'étudiant… et décroché totalement. "L'évidence de rejoindre Fabian s'est imposée à moi, ce fut un soulagement", dit-il aujourd'hui. Baudouin a alors repris des cours à l'IFAPME. "Cela apporte du rythme dans un milieu ordonné, ça remet les choses en place et redonne un but."

En 2012, il est stagiaire de son frère, écoute, suit et accomplit de nouveaux gestes. Son autonomie grandit deux ans plus tard, lorsqu'il trouve sa place au sein du duo. "Aujourd'hui, nous sommes complémentaires. Fabian coordonne la restauration, et moi j'apporte les notions numériques. Nous sommes des artisans, dans la version la plus classique mais nantis de numérisation, ce qui nous donne une longueur d'avance. Je constate que tous les jours, j'utilise ma formation cartésienne d'ingénieur", confie Baudouin.

"En fait, nous sommes capables de très vite bifurquer du modèle artisanal vers l'industrie. Nous utilisons les machines jusqu'au bout de leurs capacités et nous complétons à la main. D'ailleurs, le meilleur technicien est celui qui sait travailler de ses mains. La machine fait ce qu'on lui demande, nous la guidons et décidons de la suite", explique le tandem.

Artisanat et méthodologie

Si Fabian Jadoul se charge de la structure, étudie les teintes de restauration et s'assure de la stabilité du projet grâce à son expertise d'artisan, Baudouin fournit les compétences techniques et dialogue avec les architectes ingénieurs dans leur langage. Il est aussi à la base du document sanitaire, qui retracera la ligne du temps et de vie de l'objet. Ensemble, les frères Jadoul décortiquent le dossier.

Les clients des ateliers gèrent le patrimoine public, mais aussi les belles bâtisses privées, petites ou grandes.

Aujourd'hui, les ateliers Jadoul comptent six artisans, et l'équipe pourrait s'agrandir, s'il ne fallait regretter l'absence de candidats aux postes ouverts et le coût d'un engagement dans la commission paritaire 124. "Ce qui nous intéresse, c'est l'ouverture d'esprit et pas les diplômes. La sensibilité et la réflexion. On a essayé de travailler avec des gens qui sortaient de l'école. En vain. C'est même handicapant. Nous, on cherche la polyvalence, apprendre en permanence… et on aime se poser, se casser la tête et travailler en équipe."

La crise sanitaire a bouleversé l'agenda des frères, ils s'excuseraient presque d'avoir eu du travail. Leurs journées, très chargées, ont nécessité des organisations particulières, passant par des voyages en camionnette en solo, des chantiers retardés ou encore des pauses pour garder les enfants quand les épouses travaillaient. Mais les Jadoul ne s'en plaignent guère, ils sont heureux de la place qu'ils occupent. Leur jeune entreprise est tout à fait dans la veine des PME de demain.

Carte d’identité de l’entreprise

Ateliers Jadoul - ATFJ sprl

rue du Cercle de Tir 4
5590 Achêne (Ciney)

Baudouin : 0472/ 04 80 06
Fabian : 0496/ 32 55 54

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