Ciney

V3-Manupal : "Tout le bonheur de la vie, c’est V3 qui me l’a apporté"

27/05/25

Entreprise de travail adaptée au spectre de compétences aussi impressionnant que ses infrastructures de pointe, V3-Manupal fait référence dans ses domaines. Avec, toujours, une volonté absolue de mettre l’humain au cœur de son processus de production. Découverte.

« Aujourd’hui, j’ai des enfants grâce au V3. Je suis marié grâce au V3. J’ai acheté ma maison grâce au V3. Tout le bonheur de la vie, c’est V3 qui me l’a apporté ». Percy, un sourire à illuminer la plus maussade des journées, en est touchant de sincérité. Un truc non feint, qui sort direct du cœur s’en s’embarrasser du calcul ou de la stratégie com’. Une histoire de vie cabossée qui épouse désormais la joie. Comme ses nombreux collègues d’ailleurs qui, plus qu’une entreprise ou un travail, parlent de « famille » quand ils évoquent V3-Manupal.

Posée dans les bucoliques contreforts de Ciney, l’entité est une entreprise de travail adapté (ETA) qui déroule son champ d’expertises dans six domaines bien distincts. Six PME reprises au sein d’une même entité. « Le premier domaine, c’est la paletterie et la caisserie, qui regroupe 60 % de notre personnel et engendre 80 % de notre chiffre d’affaires », expose Bernard Leboutte, son directeur. « Derrière ça, il y a quatre activités du bâtiment. La maçonnerie, la menuiserie, la ferronnerie et les parcs et jardins. Et puis nous avons une petite activité satellite, le conditionnement. Du stockage, des préparations de commandes et nous avons une ligne de lavage de gobelets pour l’évènementiel, mais pouvons laver tout type de contenants ». Les gobelets des Jeux olympiques de Paris y ont notamment pris un grand bain…

Fondée en 1968, l’entreprise a su construire un modèle économique durable en mettant en avant l’inclusion de chacun. Polymorphe, son savoir-faire est reconnu. Il se chante bien au-delà de l’imposante structure qui emploie « 140 personnes présentes au quotidien » et déroule dans ses espaces sans fin une absolue modernité. À l’image de ce bras robotisé qui s’affaire entre de multiples palettes. « Nous développons des machines spécifiques pour nos processus, adaptées à notre population », reprend le directeur. « C’est la machine qui doit s’adapter à l’homme et pas l’inverse. Je vous donne un exemple. Si on remarque que nos palettes sont trop lourdes une fois confectionnées, on met alors de la manutention en sortie de machine et on emploie notre personnel pour charger la machine et plus pour la décharger… Si vous n’avez pas les hommes pour régler les machines et les faire tourner, vous avez beau pousser sur le bouton, ça n’ira jamais. Pour faire une entreprise, il faut les deux. Des hommes et des machines. Et ils sont complémentaires », poursuit-il. C’est que, V3-Manupal emploie une majorité (70 % pour être précis) de personnes en situation de handicap, majoritairement physique.

D’ailleurs, et bien plus que dans les allées de l’entreprise où la chose est difficilement décelable au premier comme au second regard, c’est bien là que s’écrit une certaine différence. « Chez nous, tout est basé sur le travail de la personne », pose le directeur. « Une entreprise traditionnelle, elle va avoir un besoin, va trouver une solution et aller chercher le personnel après. Nous on part souvent du personnel pour développer nos activités. Et on a du mal à dire non, c’est un peu notre problème. » Son responsable RH, Antoine Limage, reprend : « C’est notre job de mettre la bonne personne au bon endroit en fonction de ses difficultés. Si tu te présentes et rentres dans nos conditions, que tu es motivé et bien élevé, c’est notre boulot de trouver le job qui te sera adapté ». Bernard Leboutte acquiesce. « Mettez-nous une personne avec un savoir-être, on lui trouvera un boulot. On va réussir. Vous avez vu la multitude de métiers qu’on a. Et les métiers dans les métiers. Une fois qu’une personne a un CDI chez nous, l’objectif, c’est de l’amener à la fin de sa carrière. C’est notre job, l’intégration par le travail. Et je dis toujours, la fainéantise n’est pas un handicap. Les ‘toursiveux’ (NDLR: Belgicisme qui désigne celui enclin à jouer des ‘mauvais’ tours), je n’en veux pas ici. »

Évidemment, V3-Manupal fonctionne selon la logique classique de rentabilité. Elle propose d’ailleurs un chiffre d’affaires annuel de 15 millions d’euros. Mais pour autant, derrière cet impératif évident s’impose la ligne directrice de la société. Mieux, sa vocation. « Notre mission principale, et c’est parfois complexe, c’est la mise au travail de l’ensemble de nos travailleurs. Structurellement, on ne peut pas avoir du chômage économique. Vous savez, ce personnel-là est très attaché à l’entreprise. Il y a 20 %, et encore je suis gentil, qui ne prennent jamais une semaine de congé. Ils prennent un jour par mois, et encore parce qu’on leur dit », sourient-ils, en chœur. « Quand ils sont chez eux, ils s’ennuient, c’est leur existence ici. On a des gars qui pourraient être pensionnés depuis bien longtemps qui continent à travailler. Même des gars qui vivent en institution. C’est leur vie. Freddy, 45 années dans l’entreprise, toujours à la paletterie, il est à temps plein. Il pourrait être pensionné et vivre sa meilleure vie et non, il est ici, il vient avec le sourire. S’il est malade, il va venir. L’identité est énorme… Des exemples comme ça, il y en a plein. »

"Freddy, 45 ans dans l’entreprise, il pourrait être pensionné et vivre sa meilleure vie et non, il vient ici, toujours avec le sourire"

La paletterie, justement, l’activité principale de V3-Manupal. Les immenses stocks de bois et les bruits des clous qui résonnent sans discontinuité traduisent d’ailleurs la force de production de la société. « Nous sommes sur 220 références et plus si nécessaire. Avec des stocks minimums pour certaines, ce qui fait qu’on peut livrer en douze heures. Pour les palox, soit les caisses pour l’industrie de la pomme de terre, on va jusqu’à en produire 60.000 par an. Ça représente 120.000 tonnes de pommes de terre annuelles. Sachant que le palox qu’on produit a une durée de vie de minimum vingt ans… ».

Des productions qui se retrouvent en Belgique, forcément, mais pas que. « France, Allemagne, Pays-Bas. On se développe aussi un peu plus loin. Notamment au Sénégal, en Algérie, en Tunisie, au Maroc ou en Grèce. Le marché de la palette est à faible marge mais c’est le volume qui fait. Si on met toutes les machines en palette, on peut en sortir 4.000 par jour. Notre production est multisectorielle, nos palettes se retrouvent dans l’industrie du béton, dans l’agroalimentaire, dans l’énergie avec les pellets notamment… Nous sommes reconnus dans notre activité. On veut que le travail soit qualitatif. Ce n’est pas parce que nous sommes une ETA que nous pouvons fournir une qualité en deçà du marché. »

"Ce n'est pas parce que nous sommes une ETA que nous pouvons fournir une qualité en deçà du marché"

Active dans le bâtiment, pour des travaux de transformation, de rénovation, de gros œuvre, de maçonnerie, de construction et d’extension pour les bâtiments privés ou professionnels, V3-Manupal possède aussi des compétences dans la menuiserie. Du bâtiment, tels les bardages ou portes par exemple, mais aussi la menuiserie d’art. Elle produit et stocke, en outre, des chalets pour les villages de Noël, par exemple, avec la spécificité qu’ils sont pliables et sans visse. Côté ferronnerie, les escaliers qui équipent par exemple le site de conditionnement ont été réalisés en interne. V3-Manupal possède même une impressionnante machine de découpe par jet d’eau. Soit une coupe de très haute précision pour matériaux souples, pierres, tôles ou métaux.

Pour sa division parcs et jardins, qui travaille majoritairement en marchés publics, l’enchaînement de machines est totalement bluffant. « On ne va pas à la guerre avec des ronds de carotte », sourit le directeur. Grues, nacelles, tracteurs s’étirent dans le vaste parking couvert. « Et encore, on est en journée, donc il y a beaucoup de matériel qui est sur le terrain ». Pavage, élagage, travaux de terrassement, engazonnement, pose de clôtures… Une myriade de compétences donc.

"Pour l’industrie de la pomme de terre, on va jusqu’à produire 60.000 caisses par an"

Enfin, au niveau du lavage, la ligne « qui ressemble à un gros lave-vaisselle » peut nettoyer bien des contenants. « Nous avons une cadence de 8.000 gobelets par heure », expliquent les deux dirigeants. Fêtes de sociétés, festivals, grandes manifestations sportives… « Ce sont souvent de gros volumes mais ponctuels puisque liés à l’événementiel. Et on n’aime pas ça. Pour bien faire, il faudrait travailler sans pause mais nos gars ne sont pas faits pour ça. Donc, nous travaillons en horaire de jour et pour lisser la charge de travail, on lave d’autres formats que les gobelets. Des contenants pour la boucherie, la boulangerie… ».

Étalée sur 90.000 m², la société multitâche entend poursuivre son évolution. Un restaurant social est d’ailleurs dans les cartons. Mais l’expansion doit brider son envie. « Nous travaillons avec une enveloppe fermée. Nous avons une subvention pour 90 personnes (voir ci-contre). Ici, nous avons déjà plus de quinze personnes pour lesquelles nous n’avons pas de subsides. Donc, se développer, c’est compliqué à partir du moment où nous ne voulons pas le faire en nous automatisant. C’est malheureux, on a de la demande, plein de métiers, on peut continuer… Ce qui bloque, ce sont les subsides. Dix personnes en charge propres, ça passe. Plus c’est trop marqué dans les résultats. Et je le répète, nous avons une obligation de résultat. Nos hommes doivent avoir leur salaire. Nous avons, aussi, la volonté de les payer au-dessus des barèmes. On veut qu’ils aient le même salaire que dans une autre entreprise. C’est très important pour attirer les compétences. » Sans oublier la PNR, la prime non récurrente, 20 % des bénéfices redistribués aux entreprises. « Le petit miracle, ils reçoivent le fruit de leur travail… »

Mais plus que cette adjonction de chiffres, même si elle est évidemment essentielle à la pérennité de l’entreprise, ce qui anime véritablement les deux hommes, ce sont les chemins de vie qui, parfois cahoteux, trouvent un nouveau souffle. « On réalise des choses magnifiques, on a de très belles réussites. Une personne qui était à la rue, qu’on a reprise ici, qui s’épanouit et reconstruit une famille… ». « Je pense aussi à David », reprend Antoine Limage. « Il n’avait pas le permis, ce qui est compliqué pour les parcs et jardins. Il a passé le permis de conduire grâce à son salaire chez nous, s’est acheté une voiture. Là, il vit en appartement, avec sa compagne. Il développe sa vie. On lui a donné, il nous le rend de l’autre côté. Un gars sur deux, ici, c’est comme ça… ». La différence est une forme de singularité qui met en avant d’autres qualités insoupçonnées. L’auteur est inconnu. V3-Manupal en est par contre la parfaite illustration.

Des subsides essentiels

La Wallonie recense 52 entreprises de travail adapté (ETA). Dont V3-Manupal donc. En tant qu’ETA, elle possède un agrément avec l’Aviq (Agence pour une vie de qualité) pour obtenir des subventions. « Sans, ce ne serait pas possible », explique Bernard Leboutte. « Le subside qu’on reçoit est proportionnel à la perte de rendement sur son poste de travail. Il y a toute une grille d’évaluation mise en place par l’Aviq.

Dans la construction, par exemple, le déplacement pour se rendre sur le chantier n’est pas associé à du temps de travail. Pour nous, par contre, il l’est. Ce qui veut dire que si le chantier est à une heure aller et une heure retour de l’entreprise, on parle de deux heures de travail pour nous. » Là où, pour une entreprise dite classique, ce n’est donc pas le cas. L’idée des subsides, c’est donc de réduire cet écart, de le compenser financièrement.

"Françoise, c'est un miracle"

70 % du personnel est en situation de handicap, selon, là aussi, les critères de l’Aviq. « Les autres peuvent être dans l’encadrement ou même du personnel de production », poursuit le directeur qui compte, dans son personnel, une assistante sociale, Françoise. « C’est une obligation de l’Aviq et, vu que c’est une mission qu’on ne retrouve pas dans une entreprise dite traditionnelle, elle est subventionnée à 100 %. Françoise, c’est un miracle. Elle accompagne les personnes et la forte identité de l’entreprise, c’est aussi grâce à elle. Que ce soit au niveau professionnel ou privé, elle est présente. Elle va jusqu’à écrire des demandes de stage pour l’enfant d’un ouvrier de chez nous. Sa fille a perdu son boulot, il est inquiet et ça le ronge dans son travail. Françoise aide donc sa fille, même si elle n’est pas employée. Elle aide à libérer quelque chose chez lui. »

CARTE D’IDENTITÉ DE L’ENTREPRISE

V3 - Manupal

Votre accompagnement UCM

« Nous avons rejoint UCM en 2024 et la collaboration se passe magnifiquement bien. D’une part on voit les outils digitaux qui sont très performants. Et d’un autre côté, on a aussi tous les rapports et statistiques qui aident plusieurs secteurs de l’entreprise, que ce soit aux ressources humaines, à la comptabilité de l’entreprise », explique Antoine Limage, le responsable des ressources humaines. « Je suis seul pour faire la paie, la gestion administrative du personnel. Historiquement on encodait encore de manière manuelle. Nous avons alors changé de secrétariat social et dans les conversations qu’on a eues, UCM nous a vraiment recommandé d’automatiser ce travail. Pourquoi ? Deux raisons : diminuer le risque d’erreurs et gagner du temps. Le développement s’est fait directement entre les experts UCM et les experts de notre logiciel de pointage. UCM nous a présenté la solution, sans qu’on doive intervenir. On va dire qu’avant on mettait un jour ou deux pour la paye, maintenant c’est une demi-journée pour l’exécuter. Un gain de temps non négligeable. Niveau comptabilité aussi, l’outil nous aide énormément, celui qui s’en occupe gagne un fameux temps via les données qui ressortent en deux clics. Pour nous, qui avons six départements, six PME chez nous, l’outil nous aide à vraiment déterminer le coût de chaque travailleur. Et puis on a accès à tous les outils RH, absentéisme, statistiques au niveau des maladies… Avant on se passait de ces outils parce qu’on ne les connaissait pas. Maintenant, on ne saurait plus s’en passer. »

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