Liège | Tôleries de Sclessin (TDS)Puiser dans le passé les richesses du futur

Les Tôleries de Sclessin, en bord de Meuse liégeoise, revivent sous l'impulsion de quatre acteurs économiques. Un savoir-faire ancestral, mis au service des technologies actuelles. Et ça fonctionne !
Il est de ces belles histoires qui portent à croire que le meilleur reste encore à venir dans le bassin sidérurgique liégeois. Après des décennies d'activités et une faillite en 2015, les Tôleries de Sclessin (TDS) reprennent vie.
Rétroacte : c'est en 1946 que sont créées les Tôleries de Sclessin, dont l'objet social est le travail de la tôle. Très vite, l'entreprise se spécialise dans la fabrication d'armoires vestiaires pour ensuite étendre sa production au mobilier de bureau, passant ainsi d'un atelier artisanal à l'entreprise TDS proprement dite. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'entreprise sera aussi en charge, de manière très ponctuelle, de la fabrication des cercueils métalliques blindés qui rapatrieront les corps des soldats américains tombés sur le sol belge.
TDS connaît un développement constant, qui va crescendo jusqu'en 1981, date à laquelle l'entreprise rachète Acior, son concurrent direct. Créée au milieu du XVIIIe siècle sur les fondations d'une imprimerie, Acior fabrique ses propres meubles de bureau depuis 1934. TDS devient TDS Acior.

La fusion des deux entreprises entraîne la création des bureaux d'étude et de design, tandis que les années 90 marquent l'arrivée de TDS Acior sur le marché de l'exportation, atteignant 15 % du chiffre d'affaires.
En 2004, l'entreprise, qui emploie toujours 170 personnes et présente un chiffre d'affaires de 28 millions d'euros, devient TDS Office Design pour asseoir son rôle de leader dans le secteur... Mais au fil des années, les difficultés arrivent et la faillite guette. Elle sera prononcée le 19 octobre 2015, laissant 80 personnes sans emploi.
"Ma passion a été de créer mon entreprise", résume d'emblée Patrick Deroanne, l'un des chefs d'entreprise aujourd'hui à la manœuvre et patron du groupe Deroanne à Grâce-Hollogne (fournitures et mobilier de bureau, 11 millions d'euros de chiffres d'affaires). "Mon premier travail, c'est de vendre de la fourniture et du mobilier de bureau jusqu'à présent, sans jamais en avoir fabriqué. J'ai appris la faillite de TDS Office Design par les médias et très vite, nous avons proposé une formule de reprise de 42 employés, qui s'est avérée financièrement trop basse. Je ne suis pas issu du monde industriel et nous étions en concurrence avec d'autres repreneurs, mais en associant les capacités et le savoir-faire de différents chefs d'entreprise, nous avons gagné la confiance du curateur." Outre Patrick Deroanne, les acteurs de la reprise sont Alain Vandegar, ancien ingénieur chez TDS Office Design aujourd'hui à la tête de Vandegar Technical Services (en duo avec Benoit Boonen), le groupe Tende d'investissement industriel représenté par Sylvain Rizzo (Balteau), et le levier liégeois de fonds publics Meusinvest.
Mentors
Une fois la reprise actée, le quatuor s'est adjoint les services de l'ancien directeur général et administrateur délégué de TDS Office Design, Jean-Marie Onclin. L'homme a occupé ce poste pendant plus de 40 ans ; il était consultant au moment de la faillite. "Jean-Marie est notre ambassadeur, nous travaillons en parfaite confiance. Il me savait en intéressé par le développement de mes activités mobilier de bureau, même si ma volonté n'était pas de devenir industriel. Lui, de son côté, était toujours passionné par TDS. Chacun apporte son expérience dans son domaine respectif, déclare Patrick Deroanne. Jean-Marie est la personne qui porte la bonne nouvelle, qui assure les contacts grâce à son fabuleux carnet d'adresses. C'est un renard des sables, qui nous aide notamment à débusquer de nouveaux clients. À lui seul, il incarne l'esprit de l'entreprise et cette volonté de travailler ensemble." À Jean-Marie Onclin est venu se joindre Franco Liparoti, directeur de production durant 38 ans chez TDS Office Design. Tous deux sont les mentors de l'aventure.

Location d'espaces
La nouvelle formule de TDS, ce sera TDS commercial, basée dans les bureaux de l'entreprise Deroanne, dans le zoning de Grâce-Hollogne, tandis que la production ne bougera pas des bâtiments de Sclessin en bord de Meuse, là où les trésors de guerre, ces machines d'exception, ont pu être préservées et remises à neuf à 75 % grâce à Alain Vandegar.
Au sol, le quatuor dispose de 18.000 m². C'est beaucoup trop. Ils seront partiellement loués à d'autres entreprises proches du secteur de TDS, cette dernière se réservant 6.000 m². Le site de Sclessin pourrait, par exemple, accueillir des entreprises de menuiserie, de modèles réduits ou d'imprimerie. Les chefs d'entreprise resteront très attentifs et sélectifs sur le choix des locataires partenaires. "Nous pourrions, par exemple, demander à la menuiserie de travailler pour TDS mobilier de bureau et de nous fabriquer des meubles que nous pourrions présenter dans un catalogue spécifique, mettant en valeur le savoir-faire, la proximité de l'entreprise et le caractère haut de gamme de la production."

Portée sur les fonts baptismaux depuis quelques jours à peine, TDS peut déjà compter sur une équipe de six personnes. "La bonne nouvelle de la reprise de TDS est déjà parvenue à nos anciens clients qui reviennent nous voir. C'est aussi là que Jean-Marie est précieux : c'est lui qui intervient avec son bâton de pèlerin. Le chemin sera long car il nous faut reprendre la clientèle bruxelloise. Nous allons établir un cadastre de ce que qui existe pour ne pas faire de vaines promesses, nous réorganiser dans un autre espace et avons décidé de placer le showroom au siège de Deroanne, car l'idée est de libérer un maximum de place à Sclessin pour la location."
Offre sur mesure
Les prémices de la nouvelle génération se mettent à peine en place que les contrats sont déjà là et assurent la production, notamment dans des marchés spéciaux. Ce sera le cas, par exemple, pour un projet de distributeurs de costumes de princesses pour le compte d'une célèbre souris américaine ! "L'idée est de répondre à ces demandes spécifiques et de continuer à faire du mobilier de bureau. Nous sommes en lice pour obtenir le marché des pare-soleil qui garniront la Place Saint-Étienne de Liège. Nous voulons nous distinguer par la qualité, le design engagé et d'avant-garde de TDS", dévoile Patrick Deroanne.
Et si la "concurrence bas de gamme" vient principalement des pays de l'Est, TDS présentera bientôt son propre catalogue à ses clients. Elle pourra aussi se démarquer de grands distributeurs par la faisabilité de projets plus intimistes comme la personnalisation, via logo, de meubles et de chaises de bureau. "Les délégués commerciaux de TDS vendent dès à présent, tandis que les délégués Deroanne complèteront leur choix de catalogues avec des articles TDS. Ils seront bientôt sensibilisés aux gammes et seront les seuls à proposer les produits en Belgique, avant la mise en place de leur exportation", termine Patrick Deroanne.