Carrément Bon La GALETTE qui couronne l’artisanat

Florence Fernémont, cofondatrice de Carrément Bon.
Un peu comme l’arbre est jugé à ses fruits, le boulanger l’est à ses pains. Et à sa galette des rois, véritable taulière de ce début d’année au sein d’un secteur artisanal qui doit partager le… gâteau avec la grande distribution. Même si ledit gâteau, son goût, son attrait, n’ont rien à voir.
À l’Épiphanie, elle a beau distribuer sa couronne cartonnée par milliers aux veinards dans une magnanimité faite de pâte feuilletée et d’amandes, elle n’en reste pas moins la reine du moment. Et au pouvoir absolu tant cette tradition de la galette des rois qui se savoure dans l’insolent bonheur de la frangipane est inscrite comme Noël a son sapin. Le plus difficile, finalement, restant d’arriver à la couper sans décapiter le santon ou Elsa de la Reine des neiges, c’est selon… Justement, sa popularité faisant, cette galette se décline un peu partout, autant dans les boulangeries que dans les grandes surfaces. Avec un plaisir visuel et gustatif plutôt inégal.
Chez Carrément Bon, boulangeries majoritairement namuroises qui respirent les valeurs de tradition et d’authenticité, cette préparation culinaire à la dorure incandescente vient terminer une séquence charnière. « Après Noël et le Nouvel An arrive tout de suite la galette. C’est un essentiel à la fin d’une grosse période. On joue son année sur ce mois-là », expose Florence Fernémont, cofondatrice et directrice des sept boulangeries-pâtisseries.
Le nombre de galettes sorties des ateliers de Suarlée restera secret mais, assurément, il est conséquent. Enfin, à l’échelle de l’artisanat tant tout différencie son produit décliné en trois versions de ce qui peut se trouver en supermarché. « C’est incomparable, en termes de structure, de coût, de goût et de modèle. La philosophie est différente. Et le clivage de plus en plus marqué », poursuit celle qui vient de fêter les vingt ans de l’aventure Carrément Bon. « Nous les vendons 24 euros pour les traditionnelles et 26 pour la création. Comment fait-on par rapport aux prix cassés de la grande surface où certaines sont proposées à sept euros ? On reprend nos valeurs et on essaye de les faire partager pour qu’il y ait ce supplément d’âme et que nos clients continuent à nous donner leur confiance. Mais c’est clair qu’en termes de goût, il n’y a pas photo. Dans la grande distribution, ça a certes la forme d’une galette mais après… Ce n’est évidemment pas un achat durable. C’est bourré d’additifs et de matières premières vachement démocratiques sans quoi ce n’est pas possible. Et ils en sortent combien de l’usine où tout est mécanisé ? 100.000, 200.000 ? Nous ne pouvons évidemment pas jouer sur ces économies d’échelle. Nous restons dans la philosophie d’un artisan qui doit gagner honorablement sa vie. J’essaye d’avoir un prix juste qui correspond à notre secteur d’activité dans sa réalité même si je comprends évidemment très bien que ce prix peut réduire l’accessibilité tout en sachant que la manière dont le monde évolue a pour effet que le marché est en train de se morceler. Et ce sera de moins en moins accessible à une frange de la population. »
Honnêteté et transparence
Dans une passion aussi communicative que l’odeur du pain frais enivre les sens quand il sort du four, Florence Fernémont poursuit son explication. Posant une réalité qui sort de l’exemple galette pour englober l’ensemble de son quotidien. « Notre plus grand concurrent, aujourd’hui, c’est la grande surface et son concept de ‘one stop shopping’. Un vrai argument d’attractivité que, nous, artisans, ne pouvons pas avoir. Comment faire pour que le jeune de vingt ans s’arrête, dans une boulangerie, pour acheter son pain ou ses viennoiseries ? À nous, donc, de nous réinventer pour voir où vont être nos points forts, de différenciation et réinventer l’histoire de l’artisanat authentique. Faire la différence entre le 'faux bon' et le 'vrai mauvais' car le consommateur est malmené. La grande distribution exacerbe le côté authentique et en utilise tous les codes dans sa communication. Le mot 'artisan' en devient galvaudé et c’est la confusion avec une sorte de ‘food greenwashing’ si je peux dire où le consommateur est un peu en peine de trouver le vrai du faux. »
« C’est la vision de l’entreprise qui fait que ça va être bon ou moins bon »
Évidemment, afficher en plan large une photo d’une usine aseptisée où s’enquillent machinalement les pains dans un rayon pâtisserie n’a rien de racoleur. Un boulanger toque vêtue qui s’affaire devant son four en vieilles pierres sur poster sépia, nettement plus. Même s’il n’a fait que convoquer les réflexes du consommateur et n’a aucun lien avec la réalité. « Derrière l’authenticité, il y a l’honnêteté et la transparence », reprend la directrice, dont le slogan de ses établissements est ‘Retrouvons le goût des bonnes choses’. « On vient d’entendre, par exemple, sur Facebook, que c’était la fin de la modération (NDLR : aux États-Unis). Il n’y a plus d’esprit critique sur le vrai, le correct. On peut tout dire sans authenticité, sans vrai. Or, dans mon métier, ces valeurs sont essentielles. Quand on dit que tout est fait chez nous, c’est vrai. Mais on pourrait tout autant le dire et que ce ne soit pas tout à fait le cas. Tout dépend des valeurs que vous voulez porter. Et comment peut-on prouver l’authenticité ? Par le goût. »
Cet attachement à la tradition, à l’harmonie des saveurs et à l’origine des matières premières, Florence Fernémont le doit aussi à son histoire. « Mes grands-parents étaient agriculteurs, j’ai toujours eu accès à ce bien manger. C’est comme ça aussi que ma maman a toujours cuisiné. Ça fait partie de mes fondamentaux. J’ai cette passion du bon. » Pour autant, qui dit artisanat ne dit pas établissement unique, dépourvu de modernité. Le poster sépia susmentionné, en substance. Pour la patronne de Carrément Bon, l’artisan doit épouser son époque. Et le fait que ses boulangeries-pâtisseries occupent 35 personnes et génèrent un chiffre d’affaires de trois millions d’euros annuels ne change rien à l’idée d’authenticité. « Avoir construit un bâtiment ici à Suarlée, avoir plusieurs boutiques peut faire que la frontière est vite dépassée. Je veux dire par là qu’on peut vite se dire que ça devient industriel. C’est quelque chose que je conteste depuis des années. On peut produire du bon à plus grande échelle. L’artisanat alimentaire, dans l’économie actuelle, a besoin d’avoir une certaine taille. Mais plus que cette taille, ce qui détermine, c’est une question de valeurs, on y revient. De transparence, de fondamentaux, de goût. Donc, ça n’exclut pas la modernité. J’ai toujours pris la comparaison avec l’agriculteur. Avant, il avait un cheval de trait. Maintenant, il a le tracteur. Le tracteur ne l’empêche pas de faire une bonne agriculture, ça dépend de sa philosophie de travail. Pour nous, c’est exactement la même chose. C’est la vision de l’entreprise qui fait que ça va être bon ou moins bon. » Ou carrément bon…
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