En Mouvement
« Négocier ? Oui, mais avec une partie responsable qui ne part pas en grève tous les 13 du mois »

Ce mois de février promet d'être particulièrement important pour la concertation sociale. Il marque en effet le début de la messe biennale consacrée aux négociations salariales. Les discussions s’annoncent compliquées, tant la marge de manœuvre est très faible, voire tout simplement inexistante. Mais d’autres sujets tout aussi essentiels doivent encore être négociés entre syndicats et patrons. Petit tour d’horizon avec Matthieu Dewevre, expert de la question au service d’études UCM.

Quel est l’état de la concertation sociale en Belgique ?

Il y a deux niveaux de lecture. Le premier est le supérieur, celui du "Groupe des 10" (qui réunit les représentants patronaux et syndicaux, NDLR). Là, il faut reconnaître que la situation est difficile, voire très difficile. Nous sommes pour le moment en attente du rapport du Conseil central de l'économie qui définit tous les deux ans la norme salariale. La version grand public est escomptée pour le 19 février. On saura ce jour-là dans quelle mesure les salaires pourront évoluer au maximum. Il reviendra ensuite au Groupe des 10 de déterminer quelle sera la norme effective, entre zéro et ce maximum. Tout cela en plus de l’indexation et des augmentations barémiques qui restent garanties. Mais la situation est compliquée.

Des accords ont-ils tout de même été négociés ces dernières années ?

Oui, on a quand même trouvé quelques accords. Par exemple, une déclaration sur la mobilité. Il y avait des propositions intéressantes. A suivi une réflexion sur l’innovation, la productivité et la réindustrialisation du pays. Mais là, on est face à un blocage. En plus d’attendre le rapport dont je parlais précédemment, le contexte politique actuel est tendu. Les syndicats répètent que la future majorité qui devrait sortir des négociations dites Arizona sera orientée « pro-entrepreneur », en favorisant avant tout les grandes entreprises, mais en emmenant les plus petites dans leur sillage. Les syndicats ne sont donc pas contents et c’est pour ça qu’ils ont créé un nouveau type de grève : la grève du 13. Cela troublerait leur message d’annoncer qu’ils ont trouvé un accord avec le banc patronal alors que la veille ils étaient tous dans la rue pour protester contre les propositions du gouvernement.

Cela sous-entend-il que le dialogue social sera compliqué pour les cinq années à venir ?

Les choses ne seront pas simples. Après, on sort de deux législatures où tout n’était pas facile non plus. Sous la période Suédoise, les syndicats étaient déjà assez forts en opposition contre le gouvernement avec, déjà, la NVA à l’époque. Puis, sous la Vivaldi, c’était cette fois le banc patronal qui était plutôt opposé à certains points du gouvernement qui avait sorti des mesures un peu abracadabrantesques, comme le "Federal Learning Account" ou la possibilité d'être malade sans certificat médical. On s’est battu à chaque fois pour que les petites entreprises soient les moins exposées possible. Avec certaines réussites. Ça, c’est l’échelon supérieur. Il ne faut ensuite pas nier que dans les étages inférieurs, moins exposés à la fièvre médiatique, il y a encore des rencontres qui sont organisées et des accords qui se concluent. J’entends toujours beaucoup de commentateurs qui disent que la concertation sociale est morte. On l’annonce dix fois par jour mais ça dépend du niveau auquel on regarde. Si le nouveau supérieur est bien bloqué, les niveaux inférieurs le sont moins.

Vous parliez de la norme salariale. Devrait-elle être fixée à 0 % ?

On prend en effet cette direction. Ce serait une grosse surprise que ce ne soit pas le cas. Comme je l’expliquais, on se dirige vers un grand moment de négociation biennal qui repose en grande partie sur ces discussions sur le salaire. Mais, sachant qu'il n'y aura probablement rien au niveau des salaires, il sera difficile de dynamiser les débats et d’avancer sur d’autres points. C’est pourtant important de conserver un certain nombre de leviers de négociation au sein de la concertation sociale pour éviter que tout parte au gouvernement. S’il y a un blocage systématique avec un refus de dialoguer, tout passera par le gouvernement. Et une fois qu’il prendra la main, il ne la rendra pas.

D’autres éléments de discussion doivent pourtant encore être discutés avec les syndicats…

À condition d’avoir en face une partie responsable qui ne part pas en grève tous les 13 du mois pour nous mettre une carabine dans le dos et nous forcer à discuter. Quel est notre intérêt à trouver des accords dans ce cas, hormis éviter que les salariés fassent grève ? Dans la dynamique actuelle, le statut du droit de grève change complètement et devient la condition nécessaire de la négociation. Après, il y a en effet d’autres thématiques dont on doit discuter. Je pense particulièrement à l’harmonisation des statuts ouvriers-employés, notamment au niveau du salaire garanti ou du système de vacances annuelles. Autre dossier super important : celui des commissions paritaires. Il y en a 162 d’actives à l’heure actuelle, parfois pour une quarantaine de travailleurs. À l’inverse, la CP 200 représente 650.000 travailleurs et 50.000 entreprises. Entre ces deux extrêmes, il y a place pour une rationalisation. Du côté de certaines organisations syndicales, il y a le rêve plus ou moins exprimé de donner le meilleur de chaque commission paritaire à tous les salariés. Évidemment, tous les salariés seraient assez contents. Mais cela mettrait les employeurs que nous représentons en grande difficulté. Ce serait même une menace existentielle pour de très nombreuses petites entreprises qui n’ont pas les mêmes moyens que les grandes. On est très attentif à cela.

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