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Les entrepreneurs de travaux agricoles ont faim de reconnaissance

Les entrepreneurs de travaux agricoles souffrent de leur statut particulier. Pas vraiment agriculteurs, mais pas vraiment entrepreneurs « traditionnels » non plus, ils se battent aujourd’hui pour davantage de reconnaissance de la part des autorités. Une question de survie pour un secteur qui nous nourrit quotidiennement.

Connaissez-vous le métier d’entrepreneur de travaux agricoles ou horticoles ? Un job à ne pas confondre avec celui de leurs habituels clients : les agriculteurs. Les entrepreneurs de travaux agricoles sont des indépendants prestataires de services pour les agriculteurs. Comprenez qu’ils vont réaliser toutes sortes de tâches pour eux. À savoir le semis, la récolte, la pulvérisation, l’épandage d’engrais ou encore la récolte de l’herbe. Ces indépendants au profil particulier sont réunis au sein d’une même fédération : la Centrale Nationale Agro-Service. Ils y sont défendus et représentés, au même titre que leurs collègues entrepreneurs de pulvérisation, commerçants d’engrais et d’aliments de bétail.

Cette distinction entre l’agriculteur et l’entrepreneur de travaux agricoles est ténue mais bien réelle. Elle pose d’ailleurs beaucoup de problèmes à Agro-Services et ses membres qui se retrouvent souvent assis entre deux chaises. « Pour les autorités, nous ne sommes pas agriculteurs. On prodigue des services aux agriculteurs, mais nous sommes des PME. Sauf quand on leur demande quelque chose. Alors ils nous renvoient vers le ministère de l’Agriculture », explique Johan Van Bosch, secrétaire général de la fédération. Et sa collègue, Annie Van Landuyt, coprésidente en charge de la Wallonie, de donner un exemple concret. « En tant qu’entrepreneur de travaux agricoles, où peut-on s’installer ? On ne sait pas, il n’y a pas vraiment de place pour nous. On ne peut pas s’implanter en zone agricole. Dans les zonings, il faut souvent entre dix ou vingt salariés. Problème, nos membres ont rarement autant de personnel. Ils tournent plus fréquemment à deux ou trois travailleurs. Et pour celui qui a la chance d’être établi en zone agricole, généralement pour des raisons historiques, il doit à chaque fois demander des dérogations pour s’agrandir. On est donc un peu coincé. »

Concurrence déloyale

La taille d’Agro-Service, qui défend tout de même environ 750 membres, lui porte également préjudice. Spécialement quand on la compare à la population d’agriculteurs qui est encore d’environ 20.000 unités dans notre pays. Les entrepreneurs de travaux agricoles représentent cependant 50 % de chiffre d’affaires quand on parle d’achat de matériel agricole. Ce qui permet de nuancer cette « faible » représentation. Surtout quand on sait que les entrepreneurs de travaux agricoles font face à une concurrence qu’ils jugent déloyale de la part des agriculteurs. À cause, une nouvelle fois, de leur statut si particulier. « Les agriculteurs ont la possibilité d’acheter le même matériel que nos entrepreneurs grâce aux subventions agricoles wallonnes. Nous, on n’y a pas droit. Alors attention, ça ne veut pas dire qu’on est contre ces subventions. Mais elles devraient être les mêmes pour tout le monde. Nos soutiens à nous viennent du ministère de l’Économie. Il y a des primes à l’investissement, mais ce n’est pas du tout la même valeur. En particulier quand elles ne savent pas être payées par manque de fonds, comme ça a été le cas pour un entrepreneur qui nous a contactés récemment. On ne peut donc même plus compter dessus », pointe Johan Van Bosch.

Ajoutez à cela le prix dudit matériel agricole qui ne cesse d’augmenter, au contraire des tarifs des entrepreneurs de travaux agricoles dont la marge de manœuvre reste intimement liée au salaire des agriculteurs, et vous comprendrez que la situation n’est pas rose pour le secteur. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison qu’il a fortement encouragé le mouvement de contestation initié par leurs clients début 2024. « Sans agriculteur, il n’y a pas d’entrepreneur, c’est aussi simple que ça. Si on ne soutient pas un minimum les fermiers, ils ne pourront plus nous payer », conclut Annie Van Landuyt.

Du personnel qualifié difficile à trouver

Comme de nombreux autres métiers, le secteur est en outre victime d’une pénurie de main-d’œuvre structurelle qui freine le développement des entreprises. « C’est notre plus grand souci. On travaille avec les saisons, mais on ne souhaite pas employer de saisonniers. Les machines que conduisent nos travailleurs coûtent plus de 500.000 euros ! Si c’est pour cueillir des fraises, ce n’est pas un problème. Mais piloter un tel engin, ça ne s’improvise pas », souligne Johan Van Bosch. « On a aussi des problèmes de flexibilité. Au moment de la récolte, le travail doit être réalisé dans les dix ou vingt jours selon la culture. Et durant cette période, le personnel bosse plus de huit heures par jour. Heureusement, une bonne partie de notre main-d’œuvre est véritablement passionnée, ce qui lui permet de tenir le coup. Le recours à des flexijobs serait aussi intéressant pour soulager le travail et les travailleurs. »

 

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