Cité ardente
Le tram doit mettre Liège et ses commerces sur de bons rails

Le 28 avril, le tram va transporter ses premiers passagers au coeur de Liège. Et insuffler, avec ces tours de
roue, l’espoir d’une véritable transformation du coeur ardent.

Sa grande inauguration est prévue pour le 28 avril. Enfin glisseront certains, tant le tram liégeois a cultivé bien malgré lui cet art délicat de se faire désirer. Au point d’en franchir la limite et de transformer l’envie en courroux dans certains esprits perdus dans cette attente qui s’étire comme dans ces travaux qui ont transformé la ville en chantier erratique. Multiples reports et péripéties, déviations qui s’enquillent et s’enlisent, embouteillage à en poser une définition et, de facto, une ville qui perd son souffle, ses badauds, ses commerces, sa folie… Après six ans de pelleteuses, de poussière et de panneaux orange, le retour du tram en Cité ardente doit marquer un renouveau. « Ce chantier a étouffé la ville, il l’a vidé de ses commerces qui ne savaient pas survivre. Résultat ? Une belle ville en Lego… mais quand vous partez de zéro, vous ne pouvez que tout reconstruire… », glisse dans un sourire Valérie Saretto, Secrétaire générale UCM Liège. « On n’a pu et ne peut que constater les dégâts qui ont eu lieu à cause de la gestion de ce chantier depuis des années. Et les commerçants le subissent, c’est juste dommage », poursuit Olivier Etienne, Président UCM Liège.

Nombreuses sont les grandes chaînes qui ont déserté la ville. Pour prendre un simple exemple ô combien parlant, il n’y a plus un seul H&M en ville, ils tous ont migré vers les galeries en périphéries, autre problème majeur s’il en est. Certes, le cas du commerce est structurel mais les travaux ont appuyé là où ça faisait déjà mal, pour reprendre l’expression. « De nombreuses locomotives sont parties et placer une plaque ‘commerces accessibles’ sur un chantier qui ne l’est pas n’a pas aidé. Le chantier non anticipé, sa gestion et la relation entre la ville et les commerçants ont été compliqués », poursuit Valérie Saretto, qui avait du reste alerté les autorités et tiré la sonnette d’alarme il y a trois ans déjà.

Un échevin de l’attractivité commerciale, une proposition UCM

Pour autant, et parce qu’il y a toujours plus de surface pour regarder dans un pare-brise que dans un rétroviseur de tram, envie et espoirs s’imposent désormais. « On a la liberté de relancer l’activité, de réattirer de nouveaux commerces. Il faut désormais réunir les conditions. Maintenir ce qui existe et proposer un terreau pour de nouvelles choses. La ville a désormais un échevin de l’attractivité commerciale (NDLR : Fabrice Drèze), c’est très bien. D’abord, cela montre que le politique nous a écoutés puisque c’était l’un des points de notre mémorandum local (NDLR : le projet de société(s) pour demain d’UCM). Mais il faut qu’il ait les outils pour encourager les enseignes à réinvestir le cœur de la ville. La ville s’est embellie, il faut capitaliser là-dessus, et sans traîner. Le beau attire le beau mais l’inverse fonctionne aussi… ».

Et Olivier Etienne, par ailleurs lui-même commerçant, de poursuivre : « La brique aura toujours une vraie attirance. L’expérience client dans un centre urbain comme à Lille ou à Maastricht, par exemple, est magique. Mais l’offre y est plus intéressante. À Liège, elle est devenue un peu triste. Il y a très peu de commerces indépendants or, c’est en améliorant l’offre que les gens vont revenir. La mobilité est un point essentiel mais ce n’est pas le seul. »

Réécrire l’envie d’entreprendre, l’attractivité et se servir, donc, du tram pour attirer du monde au cœur de la ville. « UCM est et restera le partenaire des commerçants. Le tram doit être le catalyseur des nouveaux usages, rendre la ville plus moderne. Pourquoi pas avec des click&collect aux stations par exemple. Au politique désormais d’impulser… » Avec ses parkings de délestage à prix cassé (voir P. 15), l’offre se veut en tout cas alléchante.

Reste désormais à (re)trouver l’habitude, le ‘réflexe ville’. Et surtout à profiter de cette formidable lumière de la transformation pour capter le plus de brillance. « La ville doit séduire, il faut un évènement costaud pour marquer le coup, de la communication aussi. Pourquoi ne pas proposer un ou deux jours gratuits ? Une vraie fête populaire autour de cette inauguration pour que les gens adhèrent au projet. Je suis étonné de ne rien voir… », conclut Olivier Etienne. À raison, du reste.

"Le tram va révolutionner les habitudes"

->Du côté de la TEC, Daniel Wathelet, responsable communication Tram de Liège.

Son téléphone prend un coup de chaud ces derniers jours. Logique. Daniel Wathelet, le responsable communication Tram de Liège enquille les coups de fil avec une cadence plus folle encore que le 48 aux heures de pointe. Le B2, pardon, puisque ce sera la nouvelle dénomination de la fameuse ligne universitaire dans quelques mois, du coup, autant se mettre à la page. « Le tram à Liège va révolutionner les habitudes », expose le Liégeois depuis le cœur de la Cité ardente où sont situés ses bureaux. « Ça va évidemment forcer à des adaptations et des changements ce que les gens n’aiment pas toujours mais il va y avoir un gain de vitesse, de confort, de qualité et d’accessibilité. C’est un progrès incroyable. En termes de mobilité, nous parlons de 40.000 personnes par jour, avec des projections à 90.000. En termes de capacité, c’était nécessaire et, concernant la hiérarchie du réseau, c’est la première fois depuis la fusion qui a amené la création du TEC qu’on pouvait faire autre chose que des aménagements à la marge. »

Réparti sur 23 gares et 11,7 kilomètres, le tram se veut la colonne vertébrale des transports en commun au cœur de la ville, avec un système de rabattement puisque les lignes de bus n’arriveront plus au centre, elles s’arrêteront au premier contact avec le tram, sauf entre la station Général Leman et la Gare des Guillemins. De quoi désengorger la ville, donc. Une ville qui, du reste, poursuit sa mutation et se verdit, grâce d’ailleurs audit tram puisque 450 arbres ont été plantés et plusieurs voies sont recouvertes d’herbe. Avec des connexions complètement repensées avec les bus venant des périphéries et une nouvelle nomenclature du réseau (Busway, Connect, Urbaines, Interurbaines et Express).

Et donc, une accessibilité améliorée pour les commerces de la ville, notamment. Des commerces comme un cœur de cité qui ont souffert ces derniers temps, le covid, les habitudes de consommation et le… chantier du tram étant passés par là. « C’est vrai mais l’accessibilité aux parkings du centre-ville, bien que changeante, a toujours été maintenue », reprend Daniel Wathelet. « Après, nous avons été confrontés à une résistance au changement par des gens qui refusent d’abandonner leur voiture. Pour certains, c’est indigne de monter dans un bus ou, bientôt dans un tram… mais je suis certain qu’ils vont tous craquer tellement ça va être facile de circuler en ville avec le tram. Liège va commencer à devenir très séduisante. D’ailleurs les touristes ne s’y sont pas trompés, même pendant les travaux. Il y a un effet d’attractivité. Un phénomène d’entraînement et immanquablement une revitalisation commerciale. »

« Revitalisation commerciale »

Une revitalisation commerciale qui, évidemment, n’échappe pas aux problèmes structurels. « Oui, ça ne change rien au fait qu’un certain type de commerce était déjà en voie de déclin car il ne correspond plus à la demande d’aujourd’hui ». Ou aux habitudes de consommation. Sans oublier certains investisseurs qui profitent de « l’aubaine tram » pour racheter des surfaces commerciales puis augmenter les loyers. « On comprend vite que si tout le monde veut tirer le jus trop vite, ça n’ira pas. Mais, clairement, les gens qui disent que la ville est morte sur Facebook, pour ne pas le citer, ce sont des gens qui sont déjà partis de Liège. Aujourd’hui, il y a un énorme pouvoir d’attractivité », souligne Daniel Wathelet.

À terme, ce sont 95% des habitants de l’agglomération liégeoise qui seront à moins de 500 mètres d’une ligne de bus et plus de 50% à moins de 500 mètres du tram, d’un Busway ou d’une ligne Connect. Et, avec, surtout, une fréquence grandement améliorée par rapport à ce qui existait jadis. « On arrivera en journée à 4 minutes 30 entre chaque tram. Ce qui veut dire, donc qu’on n’a plus besoin de regarder l’horaire… Même avec le bus 1, qui tourne en ville, nous n’étions pas à pareille fréquence ».

Des parkings P/R en bordures, à Bressoux et au Standard (avec tarif préférentiel) permettront en outre de laisser sa voiture et de profiter librement des charmes de Liège et de ses commerces sans se malmener avec la recherche d’une (coûteuse) place au centre.

Enfin, il n’y aura pas de différence de tarification entre le tram et le bus. Même ticket et, avec le City Pass Liège, une possibilité flexible et économique de jongler avec les moyens de transport pour 6,80 euros pendant 24h. Soit, à l’heure actuelle, moins que trois heures au parking Saint-Lambert, par exemple…

"J'ai l'impression que ça redémarre"

->Du côté des commerçants, Manon Counet, Paloma l’atelier

Au cœur de la ville, à une enjambée du nouveau tracé du tram sur le Boulevard d’Avroy, Paloma est un atelier de créations florales qui compose « des bouquets et des décors de fleurs, sauvages et poétiques, qui sentent bon l’air du temps. À s’offrir ou à offrir, pour un jour ou pour toujours », glisse tout en couleurs Manon Counet, la propriétaire du lieu enivrant situé rue Saint-Remy et ses pavés charmeurs. Elle aussi, comme bien des commerces de la Cité ardente, a évidemment senti les effets du chantier du tram. « J’ai ouvert pendant le confinement, en janvier 2021. Avec un gros boom car l’activité de fleuriste a très bien fonctionné durant cette période. Donc, ça a très vite pris de l’ampleur puis c’est vrai que j’ai senti un ralentissement après la première année. Et les travaux ont joué sur la baisse de la fréquentation, c’est clair et net. C’est surtout en discutant avec les clients ou les gens de mon entourage que j’ai entendu énormément de "Liège, moi je n’y vais plus jamais depuis les travaux, c’est hors de question". Ce genre de réflexion, je l’entends encore tout le temps. C’est malheureux mais ce chantier a un impact ultra fort. »

"Flâner en ville"

Une antienne, mais qui, pour autant, s’étiole au rythme d’une ville qui recouvre son souffle. « Oui, j’ai l’impression que ça redémarre », sourit-elle. « Le pire, c’était vraiment il y a un an, quand il était très compliqué de circuler à Liège. Les gens reviennent, retrouvent leurs habitudes. Et une habitude, ça peut vite se reprendre. De mon côté, comme je le disais, j’ai toujours gardé une croissance. Mais je ne vis pas que des ventes en boutique, j’ai aussi le créneau événementiel, mariages ou encore les ateliers floraux. Alors, oui, les gens doivent venir au magasin pour les ateliers, ils ont des soucis pour se garer mais c’est différent. Ils ont ce créneau, ils se réjouissent. Ce qui a vraiment été impacté, c’est le côté ‘flâner en ville’. Là, c’est terrible. Certains jours, il n’y avait pas un chat. »

La commerçante liégeoise résume en fait les points compliqués avec lesquels le centre-ville doit composer en trois grandes lignes. « Les problèmes liés aux travaux et les embouteillages qui en découlent. Vous mettez Waze et vous voyez que vous avez 40 minutes de bouchons, vous ne venez pas chez Paloma. Ça a dégoûté énormément de personnes. Le manque de places de parking, ensuite, et la tolérance zéro avec les ‘scancars’. Et, enfin, ce qui revient très souvent aussi, ce sont les problèmes liés à la toxicomanie et la mendicité. C’est un gros résumé des réflexions. Souvent, les clients nous disent qu’ils vont plutôt à Maastricht car tout y est propre, qu’il n’y a pas un seul SDF… ça nous fait évidemment une belle jambe. »

"Beaucoup d’optimisme"

Pour autant, et malgré ces écueils, Manon Counet a gardé l’envie d’entreprendre dans l’hypercentre. D’ailleurs, elle va tout prochainement déménager vers la rue Cathédrale, côté rue Souverain Pont. « C’est bien la preuve que j’y crois », reprend-elle. « Il y a, globalement, beaucoup d’optimisme. Je pense que c’est ça qui a fait tenir énormément de commerçants. Je ne pense pas que le premier jour du tram, Liège sera bondée. Plutôt que les habitudes vont se réinstaller et que de nouvelles vont s’installer. Comme l’usage du tram et des parkings de délestage, ce qui peut solutionner beaucoup de choses. Après, je pense que ce serait un piège de se dire qu’il y a le tram et, donc, basta. J’espère que la ville va mettre des choses en place, des initiatives pour redynamiser le centre. La braderie, qui a lieu début juin, a par exemple vu son périmètre agrandi. C’est une très bonne chose… Liège a un énorme potentiel, je suis certaine que ça va aller », conclut la fondatrice de Paloma, dans un élan aussi rayonnant que les bouquets qu’elle compose.

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