L'huissier de justice évolue avec son monde. Davantage de numérisation, une nouvelle façon de travailler et de traquer les impayés. Dans un contexte de crise qui redistribue les cartes.
Pour Axel de Donnea, avoir un sens humain et social, faire preuve d'écoute, d'empathie et de respect pour l'interlocuteur sont indispensables dans l'exercice de la profession d'huissier de justice.
Pas toujours simple d'être huissier de justice car on est souvent qualifié d'oiseau de mauvais augure. Mais aujourd'hui, face à une situation sanitaire et économique inédite, ce professionnel de l'apurement de dettes revoit ses codes et sa manière de travailler. "Les difficultés croissantes d'une partie de la population sont l'un des aspects de notre travail quotidien. Notre formation permet d'appréhender le stress de nos interlocuteurs. La crise sanitaire a un impact énorme sur notre profession, d'autant que les moratoires mis en place mettent les créanciers, eux aussi, en difficulté", résume le Namurois Axel de Donnea, membre honoraire du comité de direction de la Chambre nationale des huissiers de justice et rapporteur adjoint au conseil de la Chambre des huissiers de justice de Namur. "Il est clair que nous n'allons pas saisir à tout crin. Nous enregistrons 73 % de saisies en moins depuis le mois de mars. Il n'y a eu que huit saisies la première quinzaine de novembre. Au lieu de saisir, nous proposons des alternatives et sommes plus que jamais médiateurs, en demandant le déploiement accéléré de la plateforme nationale de communication avec les CPAS. Cela permet d'identifier les plus fragiles d'une part, et d'éviter au maximum les procédures d'exécution judiciaire dans les secteurs de l'horeca et de la culture d'autre part, afin de ne pas provoquer un bain de sang social."
Le terrain, Axel de Donnea le connaît : cela fait plus de vingt ans que ce professionnel de la dette exerce. Licencié en droit (une condition d'accès au métier) à une époque où les perspectives de carrière au barreau étaient minces, il a accompli des stages dans plusieurs études avant d'être nommé à Gembloux, en 2009. "Avec le temps, on se rend compte du rôle social de notre profession. Nous sommes en première ligne pour expliquer le principe du recouvrement aux personnes démunies. C'est du cas par cas, il nous arrive même d'abandonner la créance avec la confiance du créancier car s'acharner entraîne des frais inutiles."
En cette période difficile pour tant d'activités, "certaines études tournent sur leurs réserves et “tirent la langue”, notamment par le fait que les tribunaux ont peu ou pas fonctionné depuis des mois. Nous sommes une entreprise comme une autre."
Affiliée chez UCM, la Chambre nationale des huissiers de justice se compose d'un comité de direction (chargé de la gestion quotidienne) et de l'assemblée générale. Portée sur les fonts baptismaux en 1954, elle compte actuellement 266 membres en Flandre, 207 en Wallonie et 94 à Bruxelles.
Pour devenir huissier de justice, "il y a un chemin à parcourir, une nomination par le Roi et des compétences juridiques à prouver. Nous sommes assermentés et accrédités, respectons un cadre de déontologie, ce qui nous distingue intrinsèquement des entreprises de recouvrement. Nous sommes en quelque sorte le bras armé de la justice et devons rendre des comptes au Procureur du Roi, notre chef de corps."
Si l'huissier de justice accomplit toujours son métier sur le terrain et connaît le catalogue des bruits de sonnettes par cœur, il est aussi entré dans l'ère du numérique dans une optique d'amélioration des services. Grâce notamment à la signification électronique ou l'accès à des bases de données, des outils financés par la corporation permettant de mener des enquêtes de solvabilité plus rapidement et dans de meilleures conditions. "Nous souhaitons également moderniser la législation actuelle en matière de constats et convertir concrètement la plateforme en ligne des ventes judiciaires", conclut l'homme de loi. Car à l'instar de l'outil "Biddit" des notaires, tout est prêt du côté des huissiers de justice.