Entrepreneuriat féminin
Une baisse de revenus préoccupante

    Les femmes entrepreneures ont moins bien gagné leur vie en 2023 qu’en 2022. Une baisse inquiétante qui se traduit dans plusieurs indicateurs du dernier baromètre sur l’entrepreneuriat féminin d’UCM. Il est urgent que les autorités compétentes agissent pour favoriser l’entrepreneuriat féminin, sous peine de voir l’écart avec les hommes se creuser.

    Fermez-les yeux. Imaginez un ou une entrepreneur sur son lieu de travail. Comment l’imaginez-vous ? Quel est son âge, son métier ? Et, question qui nous intéresse particulièrement dans ce papier, quel est son sexe ? Avez-vous imaginé une femme ou un homme ? À l’occasion du 8 mars, qui marque la journée internationale des droits des femmes, le réseau d’affaires féminin d’UCM Diane a dressé un état des lieux de la situation de l’entrepreneuriat féminin en Wallonie et à Bruxelles. On y apprend que les femmes représentent 38 % des indépendants en Wallonie et 29 % à Bruxelles. Un résultat en constante hausse au cours des six dernières années. Côté francophone, c’est la région bruxelloise qui enregistre la meilleure progression (2,06 %) devant la Wallonie (1,47%). À titre de comparaison, la Flandre enregistre un taux de progression de 2,23 %. En Flandre, l’entrepreneuriat féminin est perçu comme une option de carrière plus naturelle. Les réseaux d’affaires y sont par ailleurs bien développés, ce qui ouvre de plus larges opportunités pour les femmes. Ajoutez à cela que le système éducatif flamand intègre la notion d’entreprendre dès le plus jeune âge et que les femmes y travaillent davantage, ce qui laisse supposer un glissement plus important vers une carrière entrepreneuriale, et vous comprenez ce meilleur résultat au nord du pays.

    Cette progression du nombre d’indépendantes dans nos régions cache cependant une réalité moins réjouissante : la part des entrepreneures à titre principal stagne en Wallonie (35 %) et à Bruxelles (25 %). Ce qui sous-entend un nombre plus important d’indépendantes à titre complémentaire ou actives après l’âge de la pension. Une tendance qui peut s’expliquer par un besoin de diversification des profils mais aussi une recherche de réponses à des contraintes économiques.

    L’inégalité se marque

    Autre point particulièrement marquant de notre baromètre : le revenu des femmes entrepreneures a drastiquement diminué. Si celui-ci avait progressé de plus de 30 % entre 2013 et 2022, force est de constater que l’année écoulée marque une rupture inquiétante. Les revenus des femmes qui entreprennent ont en effet baissé de 11,58 % entre 2022 et 2023, tandis que celui des hommes a « seulement » reculé de 9,32 % durant la même période. C’est en région bruxelloise que cette chute est la moins prononcée et que l’écart des revenus homme/femme est le moins marqué. Cela dit, toutes régions et tous secteurs confondus, les revenus des hommes restent largement supérieurs. Ils s’élevaient en effet à 30.609 euros nets annuels, soit 8.000 de plus que les femmes et leurs 22.060 euros. Quand on s’intéresse à la question des salaires, on constate que 60 % des répondantes à titre principale touchent moins de 2.000 nets par mois, avec plus de 8 % qui gagnent moins de 1.000 euros. À l’inverse, elles sont 10 % à se rémunérer plus de 3.000 euros mensuellement. 63 % des sondées à titre principal estiment en outre que leur activité n’est pas suffisamment rentable pour vivre décemment, c’est-à-dire pour assurer leurs besoins et ceux des personnes à leur charge.

    Les indépendants à titre complémentaire génèrent, elles, moins de 10.000 euros de chiffre d’affaires dans 75 % des cas. Plus de deux sur trois (68 % contre 53 % en 2023) combinent par ailleurs ce statut avec celui de salariée et un certain nombre d'entre elles le cumulent avec celui de demandeuse d'emploi ou d'incapacité/invalidité de travail, ce qui laisse penser à une dépendance financière vis-à-vis d'autres sources de revenus.

    Besoin d’agir

    Ce baromètre met en lumière des avancées notables mais aussi des défis persistants qui nécessitent une mobilisation forte des pouvoirs publics et des acteurs économiques. L’entrepreneuriat féminin ne pourra se développer pleinement qu’avec un engagement accru pour l’égalité des chances, la lutte contre les écarts de revenus et la création d’un environnement entrepreneurial inclusif et accessible à toutes les femmes, quelle que soit leur région. À la lecture de ces différents constats, il est impératif d’assurer que l’essor de l’entrepreneuriat féminin ne se fasse pas au prix de la précarisation. Si de plus en plus de femmes se lancent en tant qu’indépendantes, leur viabilité économique doit être garantie par un meilleur accès aux financements, un accompagnement renforcé et une valorisation accrue de leur contribution à l’économie.

    Derrière le niveau fédéral, les autorités régionales doivent intensifier leurs efforts pour favoriser un entrepreneuriat féminin durable et rentable. La Wallonie doit agir pour briser les freins culturels et améliorer la perception de l’entrepreneuriat comme un choix de carrière viable. Bruxelles doit répondre aux défis de la rentabilité et du soutien financier, tandis que la Flandre, malgré son avance, doit poursuivre son travail d’inclusion et d’égalité salariale.

    Et en Europe ?

    Prenons maintenant un peu de recul pour analyser la situation européenne. Le taux d’entrepreneuriat chez les femmes belges âgées de 18 à 64 ans était de 10,1 % en 2023. Cela signifie qu’un peu plus d’une femme sur dix âgée de 18 à 64 ans en Belgique déclarait exercer une activité indépendante en 2023. Il s’agit d’une baisse de 0,5 point de pourcentage par rapport à 2022 (10,6 %). Malgré cette diminution, la Belgique se maintient au-dessus de la moyenne européenne (9,3 %). Ce résultat nous place au même niveau que les Pays-Bas, mais bien devant nos voisins que sont la France (9,4 %), le Luxembourg (8,4 %) et l’Allemagne (5,5 %).

    La réaction d'Eléonore Simonet, ministre fédérale des Classes Moyennes, des indépendants et des PME

    « Le monde de l’entrepreneuriat, tout comme celui de la politique, demeure encore trop souvent une ‘affaire d’hommes’. Je suis déterminée à changer cette réalité et à me faire l’avocate des indépendantes. Il est inacceptable qu’en 2025, une femme rencontre davantage de difficultés à entreprendre qu’un homme, simplement en raison de son genre. Même si la femme entrepreneure bénéficie désormais du même niveau de pension qu’une salariée, son statut sera encore davantage renforcé durant cette législature. Je tiens, notamment, à aider les jeunes mamans, en activant la dispense de cotisations sociales pour le deuxième trimestre suivant l’accouchement (au lieu d’un seul actuellement), tout en garantissant qu'aucune de ces mesures ne pénalise leur pension ».