Fédération
Les huissiers, au-delà des a priori

Axel de Donnea

Parfois associée à un "profiteur", voire un "croque-mitaine" pour reprendre les termes de la chambre nationale des huissiers de justice, cette profession souffre d'une certaine méconnaissance. Elle est pourtant essentielle dans le maintien de l’État de droit et de la cohésion sociale, et nécessaire à l’économie de marché.

Bon, on ne va pas se mentir, à la simple évocation, il provoque rarement un bonheur irradiant ou même une esquisse de sourire, ce métier. Sans même forcer le trait, la profes­sion d'huissier de justice serait plutôt à placer dans la catégorie des mal-aimées, celle qui provoque un frisson d'effroi à la simple idée de devoir, un jour, composer avec l'un de ses 591 représentants en Belgique. Pourtant, cette association mentale est complètement falla­cieuse. En tout cas grandement réductrice de leurs tâches, multiples. Des accords à l'amiable à la surveillance d'un concours ou d'une lote­rie, par exemple, sa palette de fonctions est large. "Nous sommes le bras armé de la jus­tice au niveau civil", explique Axel de Donnea, huissier de justice basé à Gembloux. "Nous exécutons les jugements que nous obtenons. Mais c'est vrai que si les gens ne réagissent pas, il faut prendre des mesures pour obtenir satisfaction après une condamnation. Nous pouvons alors effectuer des saisies sur salaire ou sur le mobilier, par exemple. Cependant, nous essayons toujours de dialoguer avec les citoyens pour tenter d’arriver à un accord qui convient à chaque partie."

Pour autant, pas question d'agir "comme dans les films", de débarquer à l'improviste façon "Les trois frères". "Quelle horreur", sourit le représentant de la justice à cette simple évo­cation. "Ce n'est en rien comme cela que ça se déroule. Il y a évidemment une multitude de phases avant d'arriver à la saisie. Et, si on y arrive, nous réalisons l'inventaire puis on laisse un voire deux mois aux personnes concernées pour trouver une solution. S'il y a versement d'un acompte, la vente est suspendue. La sai­sie, c'est vraiment le dernier recours. On pense souvent qu'on embête les pauvres petites gens mais il faut savoir qu'il y a énormément de protections qui existent pour les débiteurs. Les gens en situation difficile et de bonne foi sont pris en charge. À côté, oui, nous devons appli­ quer des décisions de justice chez des gens qui ne peuvent ou qui ne veulent pas gérer leurs finances. C'est plus sympa d'acheter le dernier iPhone que de payer une facture de clinique."

Contact humain

Officier ministériel et public qui exerce sa fonction sous statut de profession libérale, l'huis­sier de justice a, pour schématiser, reçu de l'état une partie de l'autorité publique. Pour autant, il n'est pas payé par celui-ci, il gagne sa vie comme un indépendant "classique" mais son intervention est réglée selon un tarif légal. Ses compétences sont définies par le Code judiciaire. Mais pas seulement. "Bien sûr, il faut parfois être péda­gogue, avoir le sens de la psychologie. Le contact humain est très important", explique le juriste de formation. "On sent vite si les gens sont de bonne ou de mauvaise foi. Nous sommes l'intermédiaire entre le créancier et le débiteur. Nous maintenons la paix publique en apaisant les tensions entre les deux parties".

Dix télévisions

Forcément, il arrive parfois que l'huissier soit face à des situations, disons, particulières. "Je me suis déjà rendu chez des gens où il y avait dix télévisions… J'en laisse une, voire une autre aux enfants mais pas plus. Dans les faits, on ne touche pas aux affaires des enfants. Sauf si le gamin à quinze Nintendo évidemment… Tout cela est cadré, il y a dans le Code judiciaire toute une liste de choses qui ne peuvent pas être sai­sies." Il y a parfois d'autres "surprises", comme, par exemple, une maison remplie de NAC, des serpents, des araignées, des lézards… Et puis des histoires plus touchantes, comme cette vieille dame escroquée par son propre fils.

Profession protégée, ce qui signifie que c'est la loi qui détermine le nombre d'huis­siers de justice pouvant être nommés, elle est plutôt méconnue des étudiants en droit. "Un concours pour la profession a été instauré, c'est peut-être ça qui effraye les candidats même si j'ai plutôt la sensation que ça fonctionne par vagues." Une chargée de communication a, du reste, été engagée. Des approches, via des "jobs days" et des visites dans les universités, sont également au programme pour ce métier ô combien central et important dans le fonc­tionnement du système judiciaire. Après tout, pour beaucoup de gens, l'huissier est le pre­mier contact avec la justice, "toujours prêt à l’expliquer, à écouter et à tenter d’apporter des solutions adaptées à chaque situation."

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