Saint-Valentin
Daisy Flowers voit la vie en roses

À la Saint-Valentin, nombreux sont ceux qui se pressent chez les fleuristes. C’est particulièrement vrai chez Daisy Flowers à Huy, véritable institution dont le patron, Pascal Willlem, est aussi intense que les bouquets qu’il compose. Et pas que de roses rouges même si elle reste la star absolue de la fête des coeurs.

Pascal Willem

Pascal Willem (Daisy Flowers)

Elle symbolise, dans l’éclat de ses pétales d’un rouge coup de foudre, cet amour incandescent. Cette passion vivace, absolue, à envoler la raison, à frissonner les émotions. Une fleur, un bouquet, tout est dit. Épris. Conquis, souvent aussi. La rose rouge, c’est l’art de la sémantique sans le moindre mot. Et, forcément, c’est la reine autoritaire de la fête des amoureux, cette sacrosainte Saint-Valentin qui s’érige comme la journée folle des fleuristes. « C’est la plus grosse journée », expose Pascal Willem, solaire comme sa boutique est chamarrée, enivrante de couleurs et senteurs.

À la tête de l’institution qu’est Daisy Flowers depuis 1999, un point de repère aussi connu à Huy que la Grand Place ou le Mur, il maîtrise évidemment les trucs pour éviter les épines de pareille échéance. « En termes de période, ce n’est pas la plus grosse car, par exemple, Noël s’étire sur tout le mois de décembre, avec les gens qui viennent acheter de la déco’, préparent leurs cadeaux. Mais la Saint-Valentin, c’est une journée, point. Avant, c’est pas l’heure, après c’est plus l’heure. Du coup, il y a une file dehors qui peut faire 1h30… À la limite, le lendemain, on vend encore pour celui qui n’était pas là ou celui qui voyait sa femme ce jour-là et sa maîtresse le lendemain (large éclat de rire). »

L’homme rigole mais, évidemment, il y a parfois des situations cocasses. « Ah ça… J’ai déjà eu des personnes qui m’ont fait envoyer des fleurs en me disant ‘livre un peu ça à ma copine’. Et la dame m’a appelé par la suite en me demandant : ‘vous savez me dire de qui ça vient. Il avait une moustache ou pas ?’. Lui s’était dit, elle saura mais en fait, non… Elle ne voulait pas se planter sur qui elle allait remercier… », s’esclaffe-t-il. À la grande majorité, c’est la gent masculine qui y fait un saut à cette occasion si particulière. « Oui, à 99% », reprend-il, sans se départir de cette bonhommie communicative. « C’est une clientèle d’hommes, elle est moins regardante. Il veut faire plaisir, il prend (vaste sourire). Ce n’est pas un client compliqué. Et la rose rouge reste car elle est symbolique dans la tête des gens. Neuf fois sur dix, c’est la rose rouge. Ça se compte en milliers… »

Ce qui, forcément, dans un marché qui fluctue au gré de l’offre et de la demande, a un énorme impact. A fortiori vu la nature même des fleurs. À l’inverse du magasin de lingerie, un autre classique de la fête des cœurs qui peut enquiller ses stocks divers, audacieux et variés durant des mois, l’éclat des roses est compté. Du coup, pas question d’amasser en amont, ce qui rend le métier aussi intense que stressant. « Oui, c’est stressant car on est toujours tenu avec des marchandises périssables à court terme. Donc, c’est toujours un jackpot. Si on fait une bonne journée aujourd’hui, elle est bonne. Si on fait une mauvaise demain, la bonne d’aujourd’hui est passée dedans parce qu’on ne sait pas stocker des fleurs. On travaille le frais et je suis vraiment intransigeant avec l’hyper frais. La gestion doit être optimale. Après, j’ai cette chance d’avoir une maison établie depuis des années. On a un petit peu l’habitude, on a un grand débit et on sait comment on doit acheter. Mais ça reste un stress quand même », explique Pascal Willem, alors que les clients s’enchaînent et les bouquets colorent la scène de plaisirs visuels. « C’est un métier difficile, intense, exigeant mais aussi super agréable car c’est de la créativité, de la composition, c’est toujours différent, on ne sait pas s’en lasser », sourit-il d’une sincérité aussi évidente que Daisy signifie marguerite en anglais. Soit le nom de la boutique qui vient, à la base, du… yorkshire de la famille.

« À la Saint-Valentin, le prix de la rose rouge explose. On est à plus de fois trois en une semaine »

Mais, pour en revenir au symbole de l’amour fou qu’est la rose, à l’approche de la mi-février, la demande s’envole. Et le prix, fort logiquement, suit la même ascendance. « Deux semaines avant, le cours explose », expose le patron de l’établissement hutois. « Une semaine avant l’échéance, c’était déjà, pour moi, presque hors de prix. D’ailleurs, on ne peut pas marger l’augmentation. On devrait alors vendre la rose à neuf euros…. On réduit la marge. C’est un choix personnel mais tous les fleuristes ne font pas ça. Maintenant, si vous avez un petit jeune qui vient à la Saint-Valentin, il me prend cinq roses, il va payer trente euros. Au mois de juillet, il va ailleurs et verra que c’est peut-être deux euros la rose… Il se dira “il m’a bien eu celui-là”. Il ne va pas faire le rapport mais ce n’est pas nous qui augmentons, c’est l’offre et la demande qui ont fait que le prix augmentait. Et il explose vraiment pour la Saint-Valentin. On est à plus de fois trois de différence en une semaine. Deux semaines après, il est divisé par trois. C’est juste de la spéculation. »

La précieuse marchandise, il la reçoit la veille et l’avant-veille de la « grande fiesta ». « Il y a des fleuristes qui achètent une semaine avant et qui mettent en chambre froide mais je refuse ce principe. Donc, on travaille les nuits précédentes pour préparer », assure celui qui fait tourner une équipe de huit personnes. « On va vendre la grande rose rouge aux alentours de cinq euros. C’est élevé pour une période normale, pas pour une Saint-Valentin chez un fleuriste. Certains vont la vendre beaucoup plus cher… Mais ça partira quand même. La personne pourrait se dire, ‘pour une fois’… Ou l’homme ne vient jamais de l’année, il va trouver ça normal. Il vient parce qu’il est obligé et qu’il veut avoir la paix le restant de l’année… ». Nouvel éclat de rire, qui provoque la moue mi-amusée mi-désespérée d’une jeune cliente au comptoir, un somptueux bouquet chamarré dans les mains.

Car, et c’est aussi ce qui caractérise et démarque Daisy Flowers, cette proximité avec ceux qui rentrent dans sa boutique est évidente. Le « tu » utilisé à maintes reprises tant Patrick Willem sympathise avec ses clients, « parfois sur trois générations ». « Je les connais presque tous. Beaucoup en tout cas. Du coup on connaît un peu leur vie. La dame juste avant vous était déjà cliente de mes parents, elle vient de perdre son époux. Du coup, ça permet de donner un petit peu d’humanité… c’est comme ça que je conçois le commerce.»

Ce métier, Pascal Willem l’exerce avec la passion, l’éclat de la flamme qui danse sur la bougie. La chose se ressent directement. Malgré tous les sacrifices que pareille profession peut impliquer. Dont un horaire particulier, à tout le moins. « Je me lève tous les deux jours à trois heures du matin pour la criée, à Bruxelles ou en Hollande », expose-t-il, comme si c’était naturel. « Disons que je suis né là-dedans… J’avais dit que je ne ferais pas ça car je n’ai pas beaucoup vu mes parents qui bossaient comme ça tout le temps. Je m’étais dit que je ne commettrais pas les mêmes erreurs… et puis j’ai fait pareil donc. Et ça me va très bien. Maintenant, quand j’ai demandé à mes deux enfants s’ils voulaient reprendre le magasin, ils m’ont dit ‘non, on ne veut pas de ta vie’. Je leur ai dit : vous n’avez quand même manqué de rien. ‘Non, jamais d’un vélo, d’un téléphone ni même d’une voiture… mais quand même souvent d’un papa’. Là on prend une claque. Je crois que c’est la plus grosse claque que j’ai prise dans ma vie… ». Dans la même sincérité, Pascal Willem étouffe ses émotions. Peine à les retenir. C’en est aussi touchant que ses fleurs, dans son étal, sont magnifiques…

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