Environnement | Observer la nature pour un développement durableLe biomimétisme ou comment s'inspirer du vivant...

Avec près de 4 milliards d'années d'évolution et d'adaptation, la nature est le premier laboratoire R&D du monde,

une source inépuisable de génie et d'inspiration pour les entreprises.

 

L'innovation est la clé du succès pour les entreprises. Peu de chercheurs ont eu l'idée d'examiner le fonctionnement des organismes vivants et les écosystèmes naturels. L'intérêt grandit, à mesure qu'il faut trouver des alternatives énergétiques, optimiser l'utilisation des ressources, développer des nanotechnologies, chercher des innovations disruptives et des approches collaboratives. Le vivant n'est plus considéré comme un simple fournisseur de ressources ou parfois même comme une contrainte. C'est, au contraire, un champ d'excellence et de haute technologie que les entreprises, particulièrement les PME, doivent cultiver allègrement. Il ne s'agit plus de maîtriser et de contrôler la nature, mais de s'en inspirer pour développer des systèmes productifs et technologiques performants, déjà éprouvés avec succès.

Ainsi, créé en 1941, le velcro s'est inspiré des fruits de bardane. Le velours, couvert de minuscules boucles de plastique, reproduit le poil des animaux et les crochets, les fruits de bardane. Velcro est d'ailleurs la contraction des mots "velours" et "crochet".

Un autre exemple est le système d'écholocation des dauphins. L'animal émet un son et analyse l'écho qui lui revient pour localiser les obstacles. C'est en copiant ce phénomène que sont nés les sonars et les radars. De même, la tête du train à grande vitesse japonais est calquée sur le bec du martin-pêcheur. Par mimétisme, l'aérodynamisme permet au train d'atténuer considérablement les vibrations acoustiques, tout en maintenant une rapidité prodigieuse. La structure hydrophobe de la surface des feuilles de lotus, à l'origine de la formation de gouttelettes ruisselant à leur surface, est également à l'origine de la conception de vitres, parois de douche et autres peintures autonettoyantes. Plus récemment, des scientifiques se sont penchés sur l'étude de la piqûre de moustique, indolore à l'acte proprement dit. Ils ont ainsi développé un prototype d'aiguille, qui fera le bonheur des enfants et des douillets, affolés à l'idée d'une prise de sang.

La liste des applications du biomimétisme est longue, le potentiel de développement est sans fin. Les entreprises doivent s'approprier les leviers d'innovation des transferts de la biologie à la technologie afin d'anticiper la pénurie de certaines matières premières, les conséquences du réchauffement climatique..., de créer un paradigme économique basé sur l'usage et la valeur plutôt que sur la croissance et les volumes.

 

 

 
Gauthier Chapelle (© Julie Grégoire)

 

Interview : Gauthier Chapelle, expert en biomimétisme 

- Quels problèmes peut-on, par exemple, résoudre par biomimétisme ?

- Pour produire de l'énergie, il est évident et urgent de s'inspirer de la photosynthèse. En ce qui concerne les panneaux photovoltaïques, on a misé sur la silice, avec les conséquences néfastes que l'on connaît en termes de durabilité, alors qu'il est plus judicieux de s'inspirer du carbone. En matière de rejet des eaux usées, voyons comment les écosystèmes les épurent et imitons-les de manière directe ou assistée, par le développement des principes de lagunage.

 

- Y a-t-il des recherches en cours proches d'une mise en application concrète ?

- Oui, notamment en matière d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. En fait, c'est la production à l'échelle industrielle qui coince. Les producteurs sont frileux. Il faudrait des investissements très importants alors que le conventionnel garantit une rente confortable.

 

- Imiter la nature peut s'appliquer à la gouvernance d'une entreprise ?

- Bien sûr. Nous devons dépasser le stade de la concurrence et de l'individualisme. Les écosystèmes démontrent l'importance des relations d'interdépendances et des mécanismes de collaboration. La forêt millénaire est un exemple frappant de stabilité, de coopération et d'optimisation des compétences de tous les agents qui la composent.

 

- Comment encourager le biomimétisme au sein des PME wallonnes ?

- Cela passe d'abord par la formation au sein des universités et des grandes écoles. Les étudiants ingénieurs ne sont pas sensibilisés à la biologie. Il faut l'intégrer dans les cursus à part entière. Quelques progrès ont été faits, mais c'est très timide au regard de l'intérêt croissant porté au biomimétisme par les nouvelles générations.

 

- Y a-t-il des impulsions publiques ?

- Il y a de l'argent, oui, au niveau tant européen que régional, pour les projets de recherche. Il existe un centre européen d'excellence en biomimétisme (Ceebios) en France, qui est véritablement le pôle fédérateur européen en la matière. Mais ce que l'on fait en Europe est presque insignifiant par rapport aux budgets alloués aux États-Unis, par exemple.