Protection sociale : trois priorités

Retraite, fin de carrière et arrêt forcé sont les principales sources d'inquiétude pour les indépendants.

Thierry Evens

Chaque année, UCM interroge les clients de sa Caisse d'assurances sociales sur leurs attentes. Que faut-il améliorer pour une protection sociale efficace des indépendants ? Les réponses à cette enquête déterminent les revendications qui seront portées auprès des responsables politiques et les positions défendues dans les instances de gestion.

Le montant minimal de pension des indépendants égale enfin celui des salariés. Mais pour le montant maximal, la même proportionnalité avec les cotisations versées ne sera atteinte qu'en… 2066 !
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Les années passent mais la préoccupation première des indépendants en activité ne varie pas : le montant de la pension est jugé trop faible par 83 % des répondants. C'est un chiffre impressionnant, même s'il diminue un peu avec les années. L'alignement avec le montant minimal accordé aux salariés a été le premier objectif atteint. Depuis 2021, le calcul de la retraite est devenu identique et donc le maximum de pension sera lui aussi aligné… en 2066, vu la règle des quarante-cinq ans de carrière.

Certes, au fil des ans, les sommes octroyées deviendront peu à peu proportionnelles aux cotisations versées, mais c'est lent, très lent et insatisfaisant. UCM demande un correctif rétroactif.

Il nous faut être lucides : ce sera posé sur la table du prochain gouvernement en 2024. Celui-ci ne modifiera plus les paramètres des pensions puisque la réforme qu'il ambitionnait s'est muée en une mini-réforme, qui a pour ainsi dire laissé les indépendants de côté (voir UCM Magazine n° 47 de septembre). Les ajustements opérés n'ont pas rassuré sur l'avenir du système : 61,5 % des personnes sondées ont des doutes sur la capacité de l'État à payer les retraites.

Logiquement, près d'un indépendant sur quatre (24 %) souhaite pouvoir payer davantage pour se constituer une pension complémentaire. Relever les plafonds sera donc une revendication UCM. Il faudra aussi et avant tout rester très attentifs à conserver le statut fiscal avantageux des différentes formules proposées. En période de disette budgétaire, le risque de rabotage augmente…

"La retraite à 67 ans ! Et si je ne tiens pas le coup ?"

Depuis 2019, la question de l'aménagement de la fin de carrière préoccupe de plus en plus les indépendants clients UCM. L'âge du départ à la pension est aujourd'hui un souci pour plus d'une personne sur deux (53 %). Cette proportion a doublé en quatre ans.

L'explication est évidente. L'heure de la fin de carrière sonne à 65 ans. En 2025, ce sera 66 ans et en 2030, 67 ans. Beaucoup d'entrepreneurs exercent un métier physique et pour eux en particulier, le cadre actuel apparaît trop rigide. Des aménagements existent pour les fonctionnaires et les salariés, qui ont des possibilités de temps partiel, de préretraite, voire des périodes de chômage ou d'incapacité de travail pendant lesquelles ils continuent à se constituer un droit de pension. Les indépendants qui ne cotisent pas ont des trimestres non valorisés pour leur retraite et les départs anticipés sont quasiment impossibles.

Cette inquiétude quant à la fin de carrière ne concerne pas que les travailleurs manuels. La crise actuelle amène 37 % des indépendants – un chiffre jamais vu – à douter de l'avenir de leur entreprise.

En cas de maladie, invalidité ou droit passerelle (naguère assurance faillite), l'indemnité devrait être calculée selon la perte de revenu. Ce n'est actuellement pas le cas.
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Indemnités : une couverture trop fine

Depuis le début de la sécurité sociale des indépendants (1968), les revenus de remplacement sont forfaitaires. Cela a commencé à changer, trop lentement, pour la pension. C'est toujours un montant fixe, lié à la situation de famille, pour la maladie, l'invalidité ou le droit passerelle (naguère assurance faillite).

Longtemps, les enquêtes UCM ont indiqué que cette situation était acceptée. La pandémie et les confinements, qui ont confronté deux indépendants sur trois à la réalité du droit passerelle, ont modifié cette perception ou cette indifférence. À présent, près de 60 % des personnes sondées souhaitent l'octroi d'une "indemnité en lien avec la perte de revenu", autrement dit proportionnelle aux cotisations versées, comme c'est le cas pour les salariés.

La pension complémentaire, il faut y penser… tôt

Un indépendant retraité, isolé, reçoit 1.532 euros par mois pour une carrière complète de 45 ans. Les personnes qui ont cotisé au plafond ou près du plafond peuvent recevoir un peu plus. Mais en règle générale, les pensions sont inférieures car il est rare de travailler sans interruption de 20 à 65 ans.

Il est donc prudent de cotiser, dès le début de sa carrière, à la pension libre complémentaire (PLC). Les versements sont fiscalement déductibles. La formule est plus avantageuse que l'épargne-pension car il n'y a pas de taxes sur les versements et le prélèvement sur le capital à l'échéance est minimal.

Il existe deux versions de la PLC : ordinaire et sociale. La cotisation maximale est respectivement de 8,17 % et 9,4 % des revenus nets imposables, avec des plafonds à 3.447 ou 3.967 euros. Dans tous les cas, le capital et un taux d'intérêt minimal sont garantis.

Attention : les primes versées ne sont déductibles que si l'indépendant est en ordre de paiement de ses cotisations sociales obligatoires, trimestrielles.

La PLC peut être cumulée avec d'autres formules d'épargne déductibles (épargne-pension, assurance vie, engagement individuel de pension), mais elle est à souscrire en priorité car c'est la plus avantageuse. La version sociale permet de cotiser davantage. En cas d'invalidité ou de maladie grave, une rente mensuelle est versée en plus de l'indemnité légale et le paiement des primes est pris en charge. Un trimestre est également offert lors d'une naissance. Les proches bénéficient d'une rente supplémentaire en cas de décès de l'assuré(e) avant l'âge de 67 ans. Si la situation financière de l'indépendant se dégrade, un versement minimal de 100 euros par an permet de conserver ces avantages.

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Payer plus, c'est non

Les cotisations sociales des indépendants (20,5 % des revenus de l'année) sont plafonnées. Le maximum est de 4.480 euros par trimestre. Sachant que les indemnités sont forfaitaires et la pension le plus souvent à moins de 1.500 euros par mois, il faut constater que ceux qui gagnent bien leur vie sont mal payés de leurs efforts. Chiffres en main, la solidarité entre indépendants est supérieure à celle demandée aux salariés.

Néanmoins, régulièrement, des voix s'élèvent pour réclamer le déplafonnement. Pour les indépendants, c'est non, radicalement non. L'enquête UCM indique que 10,5 % d'entre eux seulement sont disposés à payer plus par solidarité ou pour améliorer leur protection. À l'inverse, 35,9 % tirent la langue pour arriver à payer leurs cotisations et le contexte actuel pousse évidemment ce chiffre à la hausse.

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