La verdurisation du parc automobile se poursuit

1.165.845.

C'est le nombre de voitures immatriculées en 2023 en Belgique, selon les derniers chiffres de Mobia, le partenariat sur le transport individuel associant les trois fédérations de mobilité Febiac, Traxio et Renta. Parmi celles-ci, 476.675 étaient des voitures neuves et 689.170 des voitures de seconde main. Les dynamiques sont cependant bien différentes sur les deux marchés. Le premier connaît une progression de 30,1 %, contre seulement 7,3 % pour le second. Quand on analyse les volumes en détail, on constate que plus de deux voitures neuves sur trois (324.475 unités) immatriculées en 2023 l'ont été par des entreprises/leasing. C'est un record absolu, 25 % plus élevé que lors d'une année dite "normale". L' excellente santé du marché des voitures de société s'explique par un rattrapage dans la livraison des véhicules neufs ; par une hausse temporaire des véhicules hybrides rechargeables, en raison d'un changement de fiscalité intervenu le 1er juillet dernier ; mais également par la croissance continue du parc de voitures de société. Il est en effet intéressant de noter que le nombre de voitures immatriculées au nom d'une société a augmenté de 7 % en 2023 par rapport à 2022.

L'électrique progresse

Si 26 % des voitures de société immatriculées en 2023 étaient entièrement électriques, cette proportion est passée à 80 % pour celles commandées au second semestre 2023. La voiture de société reste donc la locomotive de la décarbonation du marché automobile en Belgique. Fortement influencé par ce contexte, le marché des voitures neuves a établi un nouveau record en matière d'électrification. En 2023, les motorisations thermiques (essence et diesel) traditionnelles ont continué de perdre des parts (-14,3 %) au bénéfice des motorisations électrifiées. Jamais les alternatives hybrides et électriques n'ont été aussi représentées dans les immatriculations annuelles de voitures neuves, près d'une voiture neuve sur deux embarquant une motorisation à batterie. On en est cependant encore loin pour le marché d'occasion, les voitures électriques y restant un phénomène marginal (1,8 %).

Neutralité technologique

Filip Rylant

Filip Rylant

Si la voiture électrique gagne sans conteste du terrain en Belgique, elle ne résoudra pas seule les problèmes d'émissions du parc automobile du pays. "L'Union européenne a imposé l'électrification du marché alors qu'elle aurait dû exiger la neutralité carbone et technologique avec une obligation de résultat. Aujourd'hui, l'Europe est en danger. On a été dépendant de la Russie et d'autres pour le pétrole, on va le devenir avec la Chine au niveau des batteries. C'est pourquoi nous plaidons pour une neutralité technologique", explique Filip Rylant, porte-parole de Traxio.

Il pointe par exemple le développement assez prometteur de l'hydrogène, probablement pour des engins plus importants comme les camions ou les bateaux. La fédération rappelle également que les voitures à moteur thermique existantes pourraient être utilisées avec de l'e-fuel, un carburant neutre en carbone fabriqué par procédé chimique à base d'énergie solaire et éolienne – à ne pas confondre avec du biocarburant. "Ce sont des moteurs que nous maîtrisons bien, que l'Europe peut facilement produire. Misons sur différentes solutions technologiques pour défendre notre indépendance. Cela permet aussi de laisser à tout le monde le choix de la technologie qui lui convient le mieux. Je rappelle qu'on a un parc automobile de six millions de voitures. Si on sait développer des carburants qui ne sont pas polluants pour ces véhicules, il ne faut pas inciter le Belge à s'en débarrasser", demande-t-il. En attendant que ces nouveaux carburants se démocratisent, Traxio, qui souligne que deux voitures sur trois rouleront toujours avec un moteur thermique en 2030, plaide pour la purification du parc actuel et a introduit à cette fin le label "Eco-Expert" pour les garagistes qui se sont spécialisés dans ce domaine.

L'industrie s'y met aussi

Outre les voitures de société, les outils de travail des entrepreneurs deviennent de plus en plus verts. L' offre de camionnettes électriques se développe, par exemple, et semble séduire davantage d'entrepreneurs malgré quelques freins administratifs, en ce qui concerne le poids notamment. Mais le secteur de la construction, et ses engins impressionnants, se tourne lui aussi vers l'électrique. "Cela se voit au niveau des grandes machines de chantier. La révolution a également commencé dans ce secteur. On voit par ailleurs que, pour ces gros outils, on travaille aussi sur de l'hydrogène et des carburants synthétiques et bio", pointe Filip Rylant. Il donne l'exemple des chariots élévateurs et des générateurs : "Ces derniers fonctionnent traditionnellement avec du diesel pour produire de l'électricité. Mais il existe désormais des conteneurs de batteries sur lesquels on retrouve des panneaux solaires car il y a des chantiers où on ne peut plus utiliser les anciens moteurs, jugés trop polluants. Donc, même pour les entrepreneurs, cette transition est visible et rapide".

Quid des bornes de recharge ?

La question de l'électrification du marché pose également celle des bornes de recharge. Si de plus en plus d'entreprises investissent pour installer des bornes à destination de leurs employés sur leur parking, de nombreux particuliers craignent de ne pas trouver une borne facilement lorsqu'ils se déplacent. À l'heure actuelle, l'Europe souhaite que soit implantée une borne pour dix voitures électriques. Or, d'ici 2030, la Belgique devrait accueillir environ deux millions de véhicules électriques. Contre 400.000 aujourd'hui. "On aura donc besoin de 200.000 points de recharge accessibles au public en 2030", calcule Philippe Gheeraert, mobility advisor chez Traxio. "Pour y arriver, on devrait installer dix points de recharge accessibles au public par jour".

 

La voiture de société est de plus en plus souvent électrique.

La voiture de société est de plus en plus souvent électrique.

"On est confronté à une problématique de puissance"

Loïc Lempereur

Loïc Lempereur

La société Owa6 s'est spécialisée dans la fabrication de bornes de recharge
innovantes pour les entreprises.

Loïc Lempereur, son directeur général, fait le point sur la situation en Belgique.

Plus d'infos : https://owa6.be/

  • Quelle est l'histoire d'Owa6 ?

    Pour résumer en quelques mots, on a été créé en décembre 2022. On a pour objectif de commercialiser, de produire et de fabriquer des bornes de recharge durablement, que ce soit dans le temps ou au niveau des composants et de la conception. Owa6 a été fondée par trois acteurs : la société BSP Construction, l’entreprise de travail adapté Jean Del’Cour qui fabrique et assemble nos solutions, et moi-même. On fait en sorte de créer des produits innovants qui permettent d'optimiser la recharge. Comme une borne avec quatre prises que nous sommes les seuls à élaborer.

  • Quel est votre public cible ?

    On ne collabore qu'avec des entreprises. Pour l'instant, on travaille beaucoup avec des installateurs qui achètent nos solutions et que nous venons configurer ensuite sur site. Après, pour les plus grosses entreprises, on travaille en direct. Mais on ne fait pas d'installation. Nous n'avons pas d'électriciens en interne qui tirent les câbles.

  • Y a-t-il de plus en plus de demandes ?

    Ce qu'on voit surtout, c'est que les demandes deviennent plus ciblées. On a commencé avec une borne de recharge deux prises placée sur le parking d'une entreprise. Il n'y avait besoin de rien d'autre. Maintenant, comme le parc évolue très vite, on a une autre problématique qui arrive : celle de la puissance. Vu qu'il y a de plus en plus de véhicules qui chargent, il faut davantage de puissance disponible et des infrastructures plus conséquentes. Nos logiciels de gestion doivent également être de plus en plus performants.

  • Combien de temps faut-il pour recharger une voiture moyenne sur une borne de quatre prises ?

    C'est une bonne question à laquelle il est dur de répondre. Surtout qu'il y a deux types de bornes. Les premières sont les rapides qu'on appelle bornes en courant contenu qui vont pouvoir fournir beaucoup plus de puissance au véhicule parce qu'elles injectent la puissance directement dans la batterie sans passer par le convertisseur de la voiture. Les autres sont des bornes qui distribuent du courant alternatif. Comme son nom l'indique, ce courant arrive par phase alors que la batterie, elle, travaille en continu. Le véhicule doit donc transformer le courant alternatif en courant continu lui-même. Pour y parvenir, il a un petit boîtier, le transformateur. La difficulté, c'est que ce boîtier a des limites de puissance. Nous, on travaille en courant alternatif car la grosse problématique des entreprises est d'avoir suffisamment de points de recharge pour les véhicules. Idéalement, il faut un point de recharge par véhicule pour éviter les rotations. C'est-à-dire de demander à Pierre d'échanger sa voiture avec Marc une fois qu'elle est chargée. Et vu que les entreprises n'ont pas assez de puissance, nous installons des systèmes de gestion qui vont répartir eux-mêmes la puissance selon les besoins des utilisateurs.

  • Comment fonctionnent ces systèmes ?

    Il y a généralement deux profils en entreprise. Ceux qui arrivent à 08h et partent à 17h – eux ne bougent pas et leur voiture peut donc charger n'importe quand –, et puis les autres comme les commerciaux ou les dirigeants qui se garent, chargent, et repartent. Nos logiciels de gestion vont permettre d'incorporer des variables en fonction du profil des utilisateurs. Pour éviter que toutes les voitures ne chargent en même temps à une puissance très faible, certains profils sont considérés comme prioritaires. Une fois leur charge finie, on va donner la puissance aux autres.

  • Existe-t-il des incitants pour les entreprises qui installent une borne ?

    C'est quelque chose qui existe en effet depuis plusieurs années. Les entreprises qui installent une borne semi-publique, c'est-à-dire accessible pendant les heures d'ouverture ou de fermeture, bénéficient d'une déduction fiscale supplémentaire sur l'ensemble de l'installation. L'année dernière, elle atteignait 200 %.
    Elle est passée à 150 % cette année et va encore diminuer l'année prochaine.

  • On dit souvent qu'il n'y aura pas assez de bornes de recharge dans le futur. Qu'en pensez-vous ?

    C'est sûr qu'on n'aura pas un point de charge par véhicule, mais ce n'est pas nécessaire non plus. La plupart des études montrent qu'un point de charge pour six ou huit véhicules, c'est largement suffisant. Surtout que la plupart des gens ne rechargeront pas leur voiture quotidiennement. Après, qu'on parle du nombre de bornes ou du réseau, il ne faut pas oublier que Rome ne s'est pas faite en un jour. On n'a pas eu nos routes asphaltées du jour au lendemain. Je pense par ailleurs que tout le monde ne passera pas à l'électrique. Ces véhicules composeront de 20 % à 30 % du parc, et, le reste, ce seront des carburants alternatifs.

Un nouvel événement va remplacer le salon de l'auto.

Un nouvel événement va remplacer le salon de l'auto.

Un premier Brussels Auto Show

Il y a du changement pour les habitués du salon de l'auto en 2024. La Febiac, la Fédération de l'Industrie de l'Automobile et du Cycle, a en effet décidé de ne pas l'organiser cette année. À la place, elle a annoncé la première édition de "l'Automotive eMotion Summit" qui aura lieu en février. Ce nouvel événement sera largement dédié aux évolutions de l'industrie et aux nouvelles technologies, et spécifiquement orienté vers les professionnels. Il comprendra aussi une importante section B2G (business to government), en parallèle au volet B2B.
Les particuliers amateurs de voitures pourront cependant assister au Brussels Auto Show, du 17 au 21 janvier à Brussels Expo. Lancé par l'organisation néerlandaise 402 Automotive, cet événement se décrit comme "le plus grand événement automobile du Benelux avec pas moins de six palais (60.000 m²) remplis de spectacles automobiles. Plus de 400 voitures, motos et camions, ainsi que plus de 150 entreprises seront présents." Le Brussels Auto Show sera donc bien différent du salon de l'auto tel qu'on l'a connu. On est ici plutôt dans une fête de l'automobile avec de nombreux divertissements.

https://www.brusselsautoshow.com/fr