Marc Hoogmartens

Secrétaire général du CSIPME
16/02/24

Marc Hoogmartens est secrétaire général du CSIPME depuis 1998. Sa carrière professionnelle l’a mené dans divers cabinets ministériels. Il fut également assistant de recherche, conseiller communal puis échevin de la ville de Tongres. Licencié en sciences politiques de la KUL, complété d’une licence en droit constitutionnel et administratif à la VUB, il est secrétaire général du CSIPME depuis 1998.

Plus personne ne peut passer à côté des PME

Le CSIPME (Conseil Supérieur des Indépendants et des PME) est l’organisme fédéral qui porte la voix des indépendants et des PME auprès des organes politiques de notre pays. Créé en 1951, il est le premier observateur de l’évolution du monde entrepreneurial. Marc Hoogmartens en est le secrétaire général, le gardien en quelque sorte. 

Isabelle Morgante

  • Marc Hoogmartens, comment le CSIPME représente-t-il les PME ?

    Nous ne travaillons pas directement avec les entreprises ou les citoyens, mais bien avec les organisations professionnelles et interprofessionnelles, et leurs membres de manière indirecte. Nous sommes un peu en retrait car nous nous occupons surtout du contenu des projets de loi et d’arrêtés royaux, dont l’impact sur le terrain est direct.

  • De qui dépendez-vous ?

    Nous sommes logés dans le bâtiment du SPF économie à Bruxelles mais sommes indépendants. Le conseil est un organisme autonome, avec un statut spécifique. Nous sommes gérés par des indépendants (le CA), bénéficions des locaux, d’un budget (provenant du SPF économie), le tout couvert par un statut spécifique qui garantit notre indépendance. Cette indépendance nous autorise une libre expression, pour vraiment "parler" indépendant.

  • Au fil des décennies, le CSIPME a changé de nom et sa mission a évolué, pour coller à la réalité des PME. Quels sont les changements majeurs ?

    La crise Covid a été sans précédent, elle a pris beaucoup d’énergie. De nombreux secteurs ont soit fermé, soit se sont réorientés. Tous ces événements ont été intenses, y compris pour le Conseil Supérieur. Plus globalement, et depuis longtemps, le monde politique et la société prennent conscience de l’importance des PME, et c’est tant mieux. D’autant que la crise Covid, puis énergétique, ont entraîné une prise de conscience politique et sociale à l’égard des difficultés des PME. Plusieurs changements se manifestent : plus de soutien, d’une crise à l’autre, une politique plus rapide et plus de co-création dans la politique. La plupart des autorités ont pris conscience de l'intérêt des PME, c’est très positif. On ne peut plus passer à côté des PME.

  • L’avis du CSIPME est-il consultatif ou contraignant ?

    Il n’est pas contraignant, mais quand les choses ne vont pas dans le sens des PME, nous le disons. Nous rendons une vingtaine d’avis par an, et je pense qu’on peut dire que plus que 50 % sont bien ou totalement suivis, 20 % moins bien et le reste est en attente, car les délais sont très longs entre un projet et son exécution. Fort heureusement, nous sommes dans un pays où nous avons encore le droit de dire quand les choses ne tournent pas rond.

  • Revenons-en aux PME. Doit-on faire une distinction entre les petites et les grandes entreprises ?

    Les grandes entreprises sont moins nombreuses que les PME chez nous mais elles ont aussi du poids. L’une et l’autre sont importantes, d’autant que des interactions existent entre elles, notamment au travers des fournisseurs et de la clientèle. Et vice versa. C'est vraiment une synthèse.

  • L'équilibre est-il possible dans le "traitement" que l’on réserve aux PME et aux grandes entreprises ?

    Je pense que l’on devrait davantage "think small first" et dessiner le cadre en fonction des petites entreprises, parce qu’elles sont plus nombreuses et qu’elles ne fonctionnent pas comme les grandes entreprises. Mais là, on n'y est pas encore.

  • Du sur mesure en quelque sorte ?

    Il y a des terrains communs mais aussi des informations qui doivent être spécifiques, je pense notamment à celles liées à la transition écologique. L’écart est très grand entre les PME et les grandes structures. Il faut tenir compte des ressources des PME, qui ne disposent pas d’équipes liées à la thématique de la durabilité. Et pendant ce temps-là, le chef d’entreprise d’une PME doit aussi préserver son temps pour son business.

  • Le CSIPME a trois missions : concerter, conseiller et représenter. Avez-vous l'impression d'être toujours entendu ou de crier un peu dans le désert ?

    Nous sommes entendus car les similitudes, les points de convergence, sont nombreux entre les avis et les résultats finaux. Il y a des points communs. Le volume des règles, la technicité et la rapidité avec laquelle tout doit être fait ont fortement augmenté.

  • Avez-vous l'impression que votre travail de négociation est plus dur aujourd'hui qu’il y a 25 ans ? Faut-il être plus ferme et plus directif qu'avant ?

    Le monde a évidemment changé. Les objectifs de base n’ont pas beaucoup changé, mais le domaine de travail a évolué. L’industrialisation, la digitalisation, l’internationalisation ont changé notre économie tandis que les réglementations ont été considérablement modifiées. Il y a plus de lobbies, de complexité et de technicité.

  • L'Europe joue aussi son rôle.

    L'impact de l'Europe est, en effet, très grand. Nous suivons les politiques européennes relatives aux PME, car elles tendent à déterminer l’avenir des États membres. De notre côté, on essaye d’analyser les propositions de la manière la plus critique possible, car on sait que les initiatives d'aujourd'hui ont un impact demain ou après-demain. Le secrétariat du Conseil est une équipe d’une dizaine de personnes avec un secrétariat et un service d’études qui prépare les avis, en concertation avec les organisations (inter)professionnelles. Ces dernières donnent l’input. De notre côté, nous organisons les réunions et rédigeons les projets d'avis.

  • Quels sont les grands chantiers du futur ?

    La simplification administrative, la réforme fiscale, la réforme du marché du travail et les pensions, encore et toujours. Ça sera très compliqué parce que chaque réglementation a sa raison d'exister, alors que la conviction devrait être partagée par tous les ministres et leur administration. Il y a toujours des raisons pour expliquer les choses, éviter de commettre des erreurs, pour que ça soit juridiquement en ordre. Pas de discrimination… Et puis, on ajoute souvent des couches et des couches.

    Marc Hoogmartens

    Marc Hoogmartens

  • Vous représentez 190 organisations professionnelles. Quel est le chemin à accomplir pour les rejoindre ?

    Toute organisation d'indépendants doit pouvoir prouver qu'elle est représentative (et qu'elle a un fonctionnement effectif). Pas d'organisation uniquement sur le papier donc !
    Concrètement, il faut suivre une procédure d'agréation auprès du SPF Économie pour prouver que l’on répond à une série de critères. C'est le ministre en charge des petites et moyennes entreprises qui prend la décision finale d’agréation.

  • Vous représentez aussi des professions pour lesquelles un accès est obligatoire… le détricotage de certaines activités, et les règles qui les encadrent, ne complique-t-il pas les négociations pour les représenter ?

    Effectivement, la régionalisation a compliqué les règlementations professionnelles, à cause des différences entre les régions. En Flandre, cela a même conduit à la suppression des règlementations d’un certain nombre de professions. À Bruxelles, la mesure est partielle et elle est toujours d’application en Wallonie. Le CSIPME pense que c'est utile de les préserver car si l’on veut promouvoir l'entrepreneuriat, stimuler les gens à entreprendre, il faut une bonne préparation et une bonne gestion. Les faillites, parfois liées à une mauvaise préparation, sont synonymes de mauvaise image, d’autant qu’une faillite a toujours un impact au-delà de l’entrepreneur. En abolissant ces accès à la profession, il me semble que les régions se déresponsabilisent. La défaite des entreprises, ça devient un souci de moins pour les autorités. Parallèlement, des secteurs ont mis en place des labellisations, pour contrecarrer ces mesures régionales.

  • Ces détricotages compliquent-ils la rédaction de vos avis ? Et la vie de manière générale ?

    Ça complique surtout la vie des professionnels des secteurs concernés, qui doivent aussi composer avec d’autres normes et réglementations. Se déclarer professionnel dans un secteur non protégé n’est pas tout, il reste quand même encore beaucoup d’obligations.

  • Quels sont les grands défis, les grands chantiers du CSIPME à l’aube des élections ?

    Les principales aspirations sont la réforme du marché du travail, la réforme fiscale, la simplification administrative et le renforcement de la durabilité de notre économie. Sachant que les différents gouvernements devront mettre de l'ordre dans leurs budgets, la réalisation des réformes structurelles est une tâche ardue.

  • La cause des PME a-t-elle bien avancé pendant la dernière législature ?

    Je pense que c'est le cas. Outre les mesures destinées à faire face aux crises du Covid et de l'énergie, les améliorations progressives du statut social des indépendants, des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne diverses réglementations sectorielles (par exemple, les géomètres-experts, les agents immobiliers, la Commission des psychologues...) ou encore la promotion de l'entrepreneuriat féminin, les projets visant à renforcer la cybersécurité au sein des PME….

  • Est-ce plus facile de dialoguer, de parler avec un ministre des PME sensible à l’entrepreneuriat ?

    Sans aucun doute. Il n'est plus nécessaire de convaincre un ministre des PME sensible à l'esprit d'entreprise de créer une politique à la mesure des PME. Il pourra immédiatement consacrer son énergie aux mesures qui concrétisent le principe "think small first".

  • UCM partage la présidence du Conseil Supérieur (bureau) avec UNIZO. Caroline Cleppert, notre secrétaire générale, est aux côtés de Danny Van Assche, quels conseils lui/leur donnez-vous ?

    De rester unis et de conserver leur identité. Les avis sont préparés en concertation, le travail est de trouver un avis unanime sans perdre la spécificité de chaque secteur. Unis mais différents, pour trouver le bon compromis. Le fait que nous soyons une organisation exclusivement faite pour les PME simplifie les choses.

  • Comment voyez-vous l’avenir du CSIPME ?

    Avec des avis bien argumentés, nous visons à étayer nos points de vue et à formuler des propositions concrètes. Dans un contexte en constante évolution, le défi du Conseil Supérieur est d'interpréter les besoins des PME de la manière la plus juste et la plus unie possible, afin que la politique en tienne compte. Les divergences de vues affaiblissent la position des PME et laissent à d'autres le soin de décider. C'est un défi pour les présidents de garder tout le monde uni, mais sans perdre de vue notre objectif.