APAC

Entreprise de Travail Adapaté

L'APAC transforme le HANDICAP en source d'énergie

10/04/24

Modèle d'inclusion, l'APAC s'impose comme une référence dans son principal secteur d'activité, le façonnage
du papier. Entreprise de Travail Adapté basée à Manage, elle donne un sens professionnel… et le sourire à plus de 80 personnes souffrant de handicap.

À y regarder de plus près, même en plissant l'oeil investigateur à la recherche de l'indice qui appuierait le doute, difficile de pointer une différence. Un vaste espace où dansent la cacophonie industrielle de la machi­nerie, les ouvriers plongés dans la concentra­tion et le tintement d'une cloche qui marque les salvatrices pauses. En somme, tout ce que l'imaginaire du monde de l'usine peut convo­quer. Pourtant, l'APAC n'est pas une entreprise tout à fait comme les autres. Basée dans le Hainaut, la société qui étend son bâtiment sur quelque 7.000 m² est une Entreprise de Travail Adapté, une ETA. "Notre personnel est princi­palement en situation de handicap mental, ils sont légèrement retardés. Même si ça ne se remarque pas, ce sont des gens qui auraient du mal à trouver un emploi dans une entreprise dite normale. Nous sommes, au total, 97 à l'APAC. 84 personnes en situation de handicap plus des encadrants ", expose Benoît Lhost dans un allant communicatif.

 

Directeur de ce qui était jadis dénommé l'Atelier Pont-à-Cellois à sa fondation en 1995, l'entreprise a depuis migré à Manage mais a gar­dé l'acronyme. Si elle épouse visuellement tous les codes classiques du monde ouvrier, l'APAC a également les mêmes objectifs de rentabilité. "Nous sommes une véritable entreprise, privée, mais nous touchons des subsides des pouvoirs publics, l'AVIQ (NDLR: Agence wallonne pour une vie de qualité) en l'occurrence, pour nous permettre de compenser le manque de pro­ductivité de notre personnel. En gros, 40 % de nos recettes proviennent de ces subsides, le reste, nous devons le trouver chez nos clients. Il y a un vrai travail de rentabilité, comme dans toute entreprise. Nous faisons partie du secteur non marchand… mais sommes des marchands non marchands car nous sommes obligés d'être des marchands comme les autres ", poursuit le patron de cette société active dans trois sec­teurs bien distincts.

Vous connaissez sans le savoir

C'est que, et même si la dénomination APAC ne parle pas spécialement au grand public, à moins de vivre dans une grotte à l'entrée obstruée, il y a énormément de chances pour que vous ayez déjà côtoyé ses réalisations sans le savoir. Six millions de sets de table pour les fast-foods Quick ou Burger King, douze millions de dépliants des ballo­tins de douceurs Leonidas, des montagnes de boites pour capsules de café ou des menus de la compagnie aérienne Brussels Airlines en passant par les CEB et CE1D des écoles… la société dirigée par Benoît Lhost est incon­tournable dans le façonnage du papier. "Nos clients sont des imprimeurs. Globalement, tous les imprimeurs de Belgique viennent chez nous. Eux nous donnent les feuilles im­primées et nous les façonnons. C’est-à-dire que nous les plions, nous les assemblons, nous les collons pour les transformer en livres, les agrafons pour en faire des brochures. Nous les coupons ou on fait des trous dedans… Une multitude de prestations. Nous sommes sous-traitants. C'est notre secteur le plus important, il emploie 60 personnes". Les suppléments de plusieurs quotidiens nationaux ou… UCM Magazine dont vous dévorez les présentes lignes sont passés par les mains expertes de la société hennuyère. Idem pour les produits alimentaires importés, par exemple, dont les étiquettes blanches avec les ingrédients en français et néerlandais ont été ajoutées à Manage.

Outre le papier, l'APAC travaille également dans la couture. "C'est notre deuxième sec­teur. Dix-sept personnes sont concernées. Notre clientèle est composée de vingt-cinq petits indépendants, des gens qui travaillent beaucoup dans le durable. Par exemple, des sacs en tissu pour remplacer ceux en plas­tique. Des couvertures de cahier. On réalise aussi du recyclage de bâches pour en faire des sacs. On travaille un peu le cuir, les gre­nouillères pour nouveau-nés… Enfin, le troi­sième département, c'est celui des contrats d'entreprise. Nous officions un peu comme une agence d'intérim et mettons à disposition du personnel pour les entreprises de la région. Grâce à nos subsides, nous avons des taux horaire qui sont plus faibles que la moyenne et les sociétés font appel à nous par journée complète, par exemple pour décharger des camions ou pour faire des travaux de manu­tention relativement répétitifs."

"Sans l'humain, il n'y aurait rien ici"

À la base entité communale qui souhaitait une initiative sociale, l'APAC a depuis grandi. Est devenue privée. A affirmé son savoir-faire tout en insistant sur la composante essentielle, le coeur de son existence, l'humain. Et ce ne sont en rien des paroles sans épaisseur. "Notre but, ce n'est pas d'avoir une machine où, quand vous appuyez sur un bouton, un bou­quin sort. Ça ne nous intéresse pas", explique le patron, issu du monde de l'imprimerie. "Un imprimeur va souhaiter limiter les prestations humaines. Nous, notre objectif, c'est justement l'humain. C'est tout l'inverse. On doit avoir des machines car nous sommes obligés d'être com­pétitifs, mais nos outils sont tous à alimentation manuelle. Car notre but, c'est de faire bosser les gens. Sans l'humain, il n'y aurait rien ici."

Une visite de l'entreprise suffit à corroborer la chose, à souligner cette force. Avec certaines spécificités que Benoît Lhost évoque sans même attendre la question. "Moi qui ai longue­ment travaillé dans le privé classique avant, la mentalité et la motivation des gens sont supé­rieures ici", souligne-t-il sans se départir de son entrain. "Ils sont contents de venir travailler. On leur donne une raison de vivre. Il ne faut pas les pousser. Ici, par exemple, nous sommes dans une période un peu trop calme, donc il y a du chômage. Et bien, certains appellent tous les jours en demandant quand ils peuvent revenir. Et ce n'est pas spécialement pour des raisons financières. On sent la volonté d'être intégré dans un projet. Avant, en étant imprimeur, avec un niveau salarial conséquent, il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. On était lundi matin, on était vendredi soir… Ici, ça va. C'est la grosse différence. Par contre, il faut encadrer beaucoup plus. Dans mon ancien métier, on expliquait une fois. Ici, il faut répéter car ils sont tout à fait capables de faire, avec coeur, un travail bâclé."

Des heures sup' "pour rien hein"

Une volonté, une ardeur qui se traduisent parfois par des paroles, des gestes qui semble­ raient ubuesques ailleurs. Comme cet employé qui, chaque semaine, amène des pains au cho­colat tellement il est heureux de venir travail­ler. Ou cette autre qui quémande pendant des semaines des heures sup' même s'il n'y a pas besoin mais précise "pour rien hein". Le contact est différent. D'ailleurs, le directeur connaît tous ses employés par leur prénom et n'hésite pas à leur glisser une blague ou un petit mot. "On trouve une satisfaction", pose-t-il. "On va dire que, avant, j'étais dans une imprimerie où on produisait des bouquins et c'était très intéres­sant. Maintenant, d'une certaine manière, on le fait toujours mais on a en plus l'aspect humain. On sert à quelque chose, on rend service à ces personnes. J'ai la sensation d'être utile, d'être un rouage dans la société. Avant j'étais un indus­triel. Maintenant, je suis un industriel social (rires). Et c'est très enrichissant. Après, c'est très difficile d'être social et en même temps chef d'entreprise car il faut être rentable. Le social est très important mais il faut que ça tourne. Je dois trouver un juste milieu entre les deux. Il y a parfois des zones de friction."

Et, comme dans toute société, des licencie­ments. Même si, là encore, la grille de lecture est sensiblement différente. "Ce sont les mêmes règles que dans n'importe quelle entreprise mais on essaye d'être un peu plus humain que dans une entreprise dite normale en interpel­lant la personne plus que ce qu'il faut. Après si ça ne va pas, ça ne va pas. On a été obligé de licencier une couturière qui ne faisait pas le travail qu'elle était capable de faire. Quand quelqu'un à des problèmes, n'a pas beaucoup de performance mais fait ce qu'il peut, ça nous suffit. Par contre quand quelqu'un est capable d'un certain niveau mais baisse complètement les bras et que ça perdure, on prend des dispo­sitions comme tout chef d'entreprise."

Un assistant social

L'ETA, anciennement appelé Atelier Protégé, est au coeur du processus de production. Mais, par exemple, dans le cas des manipulations du papier, elle n'imprime pas. Et ce pour une bonne raison. "Nous n'avons pas la capacité d'imprimer et, surtout, nous ne le voulons pas. Sinon, on va devenir des concurrents de nos clients. Ça ne va pas. Nous sommes un seg­ment spécifique complémentaire aux impri­meurs", explique le patron de l'ASBL, de facto sans actionnariat à rémunérer, qui compte, donc, 84 personnes en situation de handicap plus des encadrants. Des moniteurs, présents à chaque poste, au comptable en passant par le DRH et l'assistant social, par exemple. "Nous l'avons engagé il y a deux ans, ce qu'une entreprise classique ne ferait pas. Il leur rend beaucoup de services, pour leur facture d'élec­tricité par exemple. Des actes qui sont banals pour nous mais qui sont une montagne pour eux. Ça influe d'ailleurs sur la production car quand ils ont ce genre de problèmes, parfois ils travaillent moins bien. On creuse un peu et on comprend ce qui se passe. Évidemment, ils viennent avec le document et on voit que ce n'est pas bien grave."

L'APAC a un agrément de l'AVIQ. Évidem­ment, tout est réglementé et contrôlé. Et tous les ouvriers qui y travaillent doivent être recon­nus par cette même AVIQ puisque la société touche des subsides qu'elle a intégrés dans son calcul global. Ce qui lui permet de propo­ser des coûts de production plus bas." Niveau chiffre d'affaires, on est à 1,6 million d'euros. Auquel il faut ajouter les subsides. Au total, un petit trois millions par an. Mais, globalement, nous n'achetons rien. Le papier, par exemple, appartient à nos clients. Même constat pour le tissu. En gros, on dépense 100.000 euros de consommable par an. Nos charges, c'est le per­sonnel. Et le bâtiment. Si on perd notre agré­ment, on perd les subsides. On devrait alors augmenter nos prix, presque faire fois deux. Ce serait la fin de la société", conclut le patron de cette structure qui s'érige comme un modèle d'engagement social couplé à un exemple entrepreneurial. Soit la définition même de la réussite. Une petite saveur en plus…

Carte d'identité de l'entreprise

APAC

Notre accompagnement

Secrétariat social 

L'APAC est membre du secrétariat social UCM depuis sa création, il y a bientôt trente ans. Et elle confirme sa volonté de poursuivre l'aventure malgré les yeux doux de la concur­rence. "Oui, nous sommes client d'UCM depuis que l'entreprise existe et sommes extrê­mement satisfaits de cette collaboration", sou­ligne Benoît Lhost. "Pour la réactivité de nos interlocuteurs et le fait que les juristes d'UCM sont parfaitement au courant des modifications de législation qui concernent notre secteur. Par exemple, au niveau du règlement de travail. Il doit régulièrement être adapté pour respecter la législation, nous ne prenons pas le temps d'éplucher cette législation et faisons appel aux compétences d'UCM pour nous assister." Même écho laudatif chez Tiphanie Ferin, qui accompagne l'entreprise chez UCM depuis une grosse année. "C'est un dossier où les échanges sont très bons, extrêmement cordiaux. C'est un employeur qui s'investit énormément et un dossier qui roule. Il aime garder la main et est toujours à jour, ce qui aide grandement. Des entreprises comme ça, on en aimerait tel­lement plus. Dans le cadre de la fidélisation, nous sommes venus les rencontrer l'année der­nière et le contact a été des plus chaleureux. L'APAC, c'est l'un de mes plus gros dossiers mais un des plus faciles à accompagner."

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