
Brasserie Dubuisson
Une histoire qui se déguste avec sagesse depuis neuf générations
19/03/25

Au nom de l’arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière-grand-père. Fondée en 1769, l’institution qui brasse notamment la Bush et la Cuvée des Trolls est toujours localisée dans la ferme d’origine à Pipaix. Et avec la même famille aux fûts.
Sur le fronton de la bâtisse blanche, la pierre multiséculaire annonce d’une esquisse discrète, bien plus légère que la bière qui a posé la réputation des lieux : 1769. À Pipaix, dans l’entité de Leuze-en-Hainaut, une même famille perpétue un savoir-faire brassicole depuis plus de 250 ans. Une histoire qui entremêle, dans le désordre, des Trolls, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et ses taxes, une ambrée multi-primée « qui tabasse » à 12°, neuf générations de Dubuisson et une levure version « secret de famille », notamment. « Nous sommes la plus ancienne brasserie de Wallonie », expose Hugues Dubuisson, l’actuel patron de la brasserie que Joseph Leroy, son aïeul maternel, a fondée et qui est devenue, deux siècles et demi plus tard, une institution. L’activité n’a d’ailleurs pas bougé depuis et les nouvelles installations de brassins jouxtent le corps de ferme. « La façade et la cour sont d’époque. La brasserie est toujours restée dans les mains de ma famille, voilà maintenant neuf générations », poursuit-il en montrant fièrement sa fille aînée Séverine qui vient de le rejoindre. « Elle incarne la neuvième, avec Alexandre et Fanny. J’ai trois enfants et ils évoluent tous les trois dans l’entreprise. Séverine s’occupe de l’aspect finances, Alexandre l’aîné, de la partie marketing et commerciale et la troisième Fanny, qui est arrivée il y a un an, est bioingénieure et est plus dans l’aspect technique. »
Une fameuse affaire de famille donc, ce qui forcément, provoque « un petit quelque chose » chez ce papa qui propose un vaste sourire en guise de manifeste réponse. « En tant que papa, ce que ça fait ? Je vais demander à Séverine de partir une minute… Non mais, plus sérieusement, c’est vraiment une grande satisfaction d’avoir mes enfants qui perpétuent l’histoire familiale. J’aurais trouvé dommage que ce ne soit pas le cas car, malgré les problèmes qui font aussi partie de l’entreprise, comme les contextes de guerres par exemple, la famille a toujours voulu maintenir la pérennité. Finalement qu’estce que la famille ? Ce sont des liens, des générations, la tradition, le passage, la passation d’une passion qu’est la fabrication de la bière spéciale. Et je pense que dans la famille, les liens sont un peu plus soudés. Ce qui permet de garantir une certaine pérennité de l’entreprise ». À ses côtés, Séverine acquiesce. Dire qu’elle boit les paroles de son père serait un peu trop évident au sein d’une brasserie mais clairement, les deux évoluent dans le même souffle. « Papa n’a jamais voulu nous mettre la pression mais j’ai vite compris que c’est quelque chose qui me bottait… ».
Bush de Noël et Cuvée des Trolls
Jusqu’à l’aube des années 1990, la brasserie Dubuisson ne brassaitqu’un seul produit : la Bush. Créée en 1933 par le grand-père de Hugues, Alfred Dubuisson, cette bière de dégustation dans unstyle anglais alors en vogue épouse la même recette, du moins « sa quintessence » comme le pose Hugues Dubuisson, depuis plus de nonante ans. C’est la fameuse « ambrée multi-primée qui tabasse » susmentionnée. Ingénieur agronome avec une spécialisation brassicole, l’actuel patron va alors progressivement enrichir la gamme pour, aujourd’hui, culminer à une quinzaine de références. « C’est un élément sur lequel j’ai beaucoup travaillé au départ car à la base, on était mono produit avec une bière qui fait 12°. Mais je trouvais que c’était tout de même un peu dangereux. Quand je suis rentré à la brasserie, je n’étais pas le patron. J’ai parlé de diversification on m’a regardé drôle (sic). Mais on avait un positionnement très très pointu avec la plus forte bière belge en fermentation naturelle. Ce n’était pas un objectif en soi mais c’est une réalité. J’ai alors commencé la diversification avec la Bush de Noël qui m’a renforcé dans l’idée qu’il fallait développer la créativité dans l’entreprise. Et puis il y a eu l’arrivée de la Cuvée des Trolls en 2000, qui a été un vrai succès dès le départ et est devenue notre bière numéro un. On se renouvelle aussi avec des gammes plus fruitées comme la Frambush ou la Rasta Trolls. Toujours avec l’idée de trouver des produits spécifiques au niveau gustatif. Ou un positionnement spécifique. Essayer de ne pas faire comme les autres. D’ailleurs, on ne brasse pas pour d’autres. Tout ce qui est fait ici porte une de nos étiquettes. Et tout est fait ici. De l’eau qu’on prélève depuis toujours sous nos pieds à notre levure, que mon grand-père a élaborée dans les années 20 et qui reste une sorte de petit secret bien gardé.
De la tradition, donc, et de l’innovation pour permettre à la brasserie de grandir, de booster ses volumes. La production a ainsi triplé en dix ans malgré le Covid et la crise du portefeuille qui a suivi. Elle culmine aujourd’hui à 90.000 hectolitres. De quoi placer l’établissement hennuyer au cœur du spectre au niveau de ses volumes. « On n’est pas les plus gros, pas les plus petits non plus », sourit Séverine Dubuisson. « On est parmi les acteurs relativement importants sur le marché wallon. Par exemple, Chimay produit pratiquement deux fois plus que nous, notre brasserie voisine Dupont réalise un tiers. » Une production, dont la Cuvée des Trolls qui s’impose comme la blonde pièce maîtresse, qui est majoritairement consommée en… France. « Oui, elle représente à elle seule 50 % de notre volume de production. Devant la Belgique, donc. C’est dû à notre proximité géographique mais pas que. Avant le Covid, nous exportions dans une quinzaine de pays. Aujourd’hui, on a revu notre stratégie commerciale en se concentrant sur certains marchés. L’Italie et les États-Unis, particulièrement. »
Pas de Bush aux States
Des États-Unis où la Bush ne s’appelle, d’ailleurs, pas Bush. Et ça n’a rien à voir avec le patronyme doublement présidentiel. Ah oui du reste, pour ceux qui maîtriseraient mal la langue de Shakespeare ou, pour dépoussiérer le patronyme, celle de Beyoncé, bush signifie… buisson, lié au style anglais en vogue jadis, précité. La famille Dubuisson ne propose pas d’étiquette siglée Bush aux States, leurs bières y portent l’appellation Scaldis. Pour ceux qui maîtriseraient mal la langue de César, difficile ici de renouveler le patronyme, Scaldis veut dire Escaut en latin. « Parce que, à l’époque, la première brasserie mondiale s’appelait Anheuser-Busch, à notre grand malheur. Le dépôt de marque ne nous permettait pas de garder notre nom aux États-Unis. Il y avait eu un accord que mon oncle et mon grand-père avaient signé mais cet accord était mal libellé, du moins dans notre vision française. À un moment, on a voulu discuter avec les Américains, ça a été impossible. On a eu un procès, je vous passe les détails mais on a compris que ça resterait Scaldis là-bas. » Qu’importe l’étiquette du flacon, finalement, tant que vient l’ivresse d’un moment savouré.
Reste que le marché de la bière est ultra concurrentiel. A fortiori ces dernières années avec l’émergence d’une multitude de microbrasseries. De quoi élargir le champ du choix. « Oui, car, finalement, toutes les bières, peu importe d’où elles viennent et de quel type elles sont, sont un peu concurrentes », reprend Séverine. « Il y a de plus en plus de petites brasseries et quand le consommateur vient au magasin ou au café pour boire une bière, il se retrouve face à une liste de plus en plus importante de bières possibles. Et s’il en choisit une, il ne choisit peut-être pas la nôtre. »
C’est d’ailleurs le cas aux États-Unis même si le label « made in Belgium » reste un argument massue quand il est question du houblon et de ses saveurs. « Le drapeau belge, c’est un vrai argument de vente même si ça l’est de moins en moins, aux États-Unis par exemple, du fait qu’il y a de plus en plus de brasseries qui arrivent. Mais ça reste un gage de qualité auprès des consommateurs. Nous avons la réputation. C’est quelque chose qu’on éprouve et il faut reconnaître que, grâce à la Belgique et à l’instigation de ces brasseries familiales qui ont maintenu le cap, on a une diversité de bières incomparable. Une multitude de goûts bien plus importante que dans le vin, ce qui est assez unique. C’est un peu ça qui est reconnu à l’étranger. »
« Là, normalement, on la boit »
Un héritage, une myriade de saveurs, une tradition qui se déguste, s’éprouve et se décline avec sa version sans alcool, par exemple (voir ci-contre). De la sincérité aussi, surtout. Un point sur lequel la famille Dubuisson ne transige pas. « On essaye de ne pas lancer de fausses histoires comme c’est parfois hélas trop le cas dans le monde de la brasserie en Belgique. Le 1769 qu’on voit sur l’étiquette, c’est peut-être un détail mais pour nous c’est important, c’est vraiment l’année de création de la brasserie. Si vous prenez, par exemple, la Leffe pour ne pas la citer, on voit 1200 et des (NDLR : 1240) sur l’étiquette… En 1200 on ne connaissait pas encore le houblon. Allez voir à Leffe à l’abbaye, allez demander si c’est là qu’on brasse. On va vous regarder drôle (sic bis). Nous, nous proposons une vraie histoire avec nos bières. À partir du moment où l’histoire est vraie, les gens voient la bière autrement. »
Père et fille, en tout cas, ont bien du mal à voir la mousse tomber pendant la séance photo qui suit cette interview. « Ben oui, là normalement, on la boit », sourit Séverine. Hugues, dans la même tonalité, conclut en levant le coude : « Ça fait trente ans que je fais ce métier et la bière, on la découvre tous les jours, c’est un produit exceptionnel ». Allez, santé.
Une expérience gustative et immersive
En face de la brasserie, qui organise d’ailleurs des visites, un site somptueux dévoile ses charmes. Alors en ruines, le château de Ghyssegnies, où l’aventure de la bière avait pris naissance il y a plus de deux siècles et demi, a été racheté par la famille Dubuisson il y a quelques années. Complètement rénové, il propose une élégante brasserie baptisée Trolls&Bush à la terrasse définitivement aguicheuse et un musée, Beerstorium, avec réalité virtuelle et escape game. Il a même été inauguré par le Roi.
« Comme je le disais, quand il y a une vraie histoire, les gens voient la bière autrement. C’est dans ce cadre-là qu’on développe les visites au sein de l’entreprise. Pour montrer ce qu’on fabrique réellement. Qu’on explique toute l’histoire de la brasserie, ces 250 ans. Ça donne une vraie plus-value, ça nous permet aussi de nous démarquer un peu par rapport au tout-venant où il y a très peu de transparence par rapport au consommateur. »
Outre cette somptueuse demeure, l’entreprise familiale compte également divers établissements Horeca en propre ou en association. Par exemple, les Brasse-Temps à Mons, à Tournai ou encore à Charleroi. « Nous avons également un nouvel établissement à La Louvière. C’est devenu, si on cumule tous les établissements, une activité aussi importante que la production. » Au total, près de 200 personnes travaillent avec la Brasserie Dubuisson.
La Lowa Trolls, la première sans alcool
Dernière-née de la galaxie Dubuisson, la Lowa Trolls est la première déclinaison « NA » de la gamme. Elle a rempli ses premiers verres il y a à peine quelques jours. Mais, du coup, pour un brasseur, réaliser une bière sans alcool s’érige comme une opportunité dans un secteur qui a le vent en poupe ou, au contraire, comme un problème ?
« Au départ, je voyais ça plutôt comme un problème. Je pense être un vrai brasseur dans l’âme, peut-être un peu arrêté sur certaines choses », sourit le patron. « Mais j’avais toujours tendance à penser que le peu de bières sans alcool que je dégustais, ce n’était pas vraiment de la bière. Et un brasseur, il a envie de faire de la bière, qui est naturellement issue d’une fermentation.
Donc en tant que brasseur, on aime bien garder les bases de la conception et, retirer artificiellement l’alcool que la levure avait formé, c’était retirer beaucoup de personnalité au produit. Donc, les brasseurs corrigeaient beaucoup avec du sel et sucre... C’est pour ça que j’étais assez réticent quand on a commencé à parler de NA mais maintenant, on a découvert, nous ne sommes pas les seuls, qu’avec une levure très spécifique, il était possible de travailler avec de très faibles teneurs en alcool.
On ne retire rien, c’est une bière qui a une belle amertume, comme une vraie bière doit l’être. Elle a du caractère. Ça peut se déguster comme une bière classique même si l’alcool apporte énormément de choses mais vous allez avoir un bon retour. C’est une bière qui est orientée vers des amateurs de bières spéciales et qui, de temps en temps, pour des raisons de conduite ou de santé, cherchent un complément. Ou qui veulent simplement s’abstenir avant d’en boire une plus forte, comme moi d’ailleurs… (vaste sourire) ».
Notre accompagnement - Secrétariat social
« J’ai la chance qu’on sent, directement, qu’ils sont très professionnels. C’est du coup très facile de travailler avec eux », explique Alain Denauw, qui gère le dossier chez UCM. « Les interrogations qu’ils peuvent avoir concernent plus l’aspect Horeca et les divers établissements qu’ils ont développés. C’est vraiment un beau dossier et il roule bien. Leur responsable administrative est exceptionnelle, ce qui explique que ça fonctionne si bien. On sent vraiment que ce sont des gens qui savent ce qu’ils font. Ils sont proactifs et ne viennent vers moi que quand il y a un souci à régler », conclut-il, s’appuyant notamment sur une expérience vingt ans pour poser les solutions.
Même tonalité laudative pour Séverine Dubuisson, plus que ravie de la collaboration avec UCM. « On a rejoint UCM en 2021 car nous cherchions un partenaire professionnel pour, à la base, nos établissements Horeca. UCM a une très grosse base d’informations qui nous est très utile. Vu qu’on en était très content, on a décidé d’également travailler avec pour la brasserie. Nous sommes très satisfaits des solutions mises en place, pour le règlement de travail, notamment. Étant une petite entreprise, c’est facile de pouvoir se reposer sur UCM. Il y a une vraie plus-value dans la réactivité par rapport à nos questions. C’est très important d’avoir des réponses rapides, complètes et cohérentes par rapport à ce qu’on recherche. »
CARTE D’IDENTITÉ DE L’ENTREPRISE

Brasserie Dubuisson
- Emplois200 ETP (avec l'Horeca)
- Contact
Autres portraits de la même catégorie
Arlon
Odometric, l'entreprise qui a du nez
Située à Arlon, l’entreprise Odometric a fait de la mesure des odeurs et, plus globalement, de l’analyse et de la gestion de la qualité de l’air, le coeur de sa stratégie. Rencontre avec Kevin Fontaine, COO de CSD Ingénieurs en Belgique, auquel appartient désormais Odometric.
Lire la suite