Réception annuelle - Des générations en quête de sens

La réception annuelle d’UCM a été l’occasion de mettre la thématique du sens du travail sous le feu des projecteurs. Un sujet à l’origine de débats porteurs, tant sur scène au cours de la partie académique que par la suite lors de riches et franches discussions.

400 participants. Sept intervenants. Deux discours. Un lieu d’exception. Indépendants et politiques étaient réunis le 26 mars dernier à la Sucrerie de Wavre à l’occasion de la traditionnelle réception annuelle d’UCM. Tout ce beau monde s’était retrouvé autour d’une thématique forte : entreprendre avec sens. Un sujet de plus en plus important pour la population indépendante, davantage soucieuse que par le passé de développer un projet qui a du sens et un impact positif sur la société.

Pour parler de la question, sept intervenants aux profils variés ont été invités à partager leur vécu et leur opinion sur scène : Laurent Hublet, philosophe et entrepreneur ; Aude Bonvissuto, directrice du VentureLab de Liège ; Marc et Pauline Bellefroid d’Equifrais ; Pierre Rion, serial entrepreneur et Michel Pezzin, expert RH et spécialiste de la génération Z. Six personnes en chair et en os donc et Célia, une intelligence artificielle de 25 ans présente pour détailler, jusqu’à la caricature, les aspirations et les préoccupations de sa génération. Une génération qui chamboule le rapport au travail à une vitesse qui n’avait jamais été observée auparavant. Recherche de sens, besoin d’un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, aspirations professionnelles différentes… Nombreux sont les patrons à se trouver dépourvus quand ils passent un entretien d’embauche avec un jeune tout juste sorti des études.

« J’ai été plus persévérante que papa »

Cet écart générationnel a été particulièrement illustré par Marc et Pauline Bellefroid d’Equifrais, une société liégeoise qui met à disposition de ses clients des boîtes-repas saines composées de produits locaux et de saison. Marc est donc le père de Pauline. Un papa ravi de voir sa progéniture intéressée par son projet entrepreneurial, mais qui a dû s’adapter au vent de fraîcheur apporté par sa fille. « J’ai lancé Equifrais dans le cadre d’une reconversion professionnelle en 2017, à l’aube de mes 50 ans. Je souhaitais rassembler mes compétences acquises dans mes anciens boulots. Je me suis demandé quel était le sens que je désirais donner à ma boîte. Je me suis vite rendu compte que je voulais travailler pour mon village, ma ville, ma province, tout en étant proche de mes clients et de mes fournisseurs. J’avais envie tant qu’à faire que mes clients mangent bien et local. Cette idée de proximité était essentielle pour moi.

Puis, dans la gestion quotidienne, il est difficile de mettre ces valeurs, ce sens, au centre du jeu. Pauline est heureusement arrivée en 2019 avec sa fraîcheur, ses innovations. Et notre société a pris un autre sens à ce moment-là, celui de la transmission. J’ai donc continué à lui communiquer mes valeurs, mais j’ai aussi bénéficié de tout ce qu’elle a pu amener en termes de modernité, de convictions.

Elle a débarqué avec de nouvelles idées alors que moi, les valeurs que je souhaitais mettre au centre de mon projet disparaissaient petit à petit au profit d’une gestion plus classique basée sur un bilan, des résultats. Je n’ai jamais été en conflit avec Pauline, mais je me souviens de nombreuses discussions. Pendant le Covid par exemple, on dressait la liste de ce que nos clients recherchaient avant tout dans Equifrais. Elle indiquait à tous les coups bien manger / manger durable en tête de la liste. Pas moi, je parlais des livraisons à domicile, de la créativité des recettes… », se souvient-il sur scène. « Quand j’ai rejoint mon papa, tout me parlait. Mais je voulais vraiment promouvoir de la durabilité, du local », a d’emblée pointé Pauline Bellefroid. « La logistique était déjà efficace, je n’avais plus qu’à mettre en place mes valeurs. On a très vite opté pour des emballages réutilisables, j’ai été démarcher des petits producteurs locaux… J’ai véritablement souhaité procurer du sain et du local à ma génération et à celles qui vont venir. Je pense que j’ai été plus persévérante que mon papa, mais ça a été possible car les fondations de l’entreprise étaient déjà bien solides. Ce qui m’a permis d’aller gratter plus loin ».

Un témoignage dans l’air du temps qui aura servi de riche terreau aux différentes discussions qui ont animé la conférence. Les débats se sont ensuite poursuivis autour d’un verre et d’un repas qui, on l’espère, auront séduit les invités en vue de la prochaine édition de l’événement, en 2026.

« S’il ne devait rester qu'une seule chose, c'est la simplification administrative » 

Comme tous les ans, c’est le président UCM, Pierre-Frédéric Nyst, qui était chargé d’introduire la conférence. Enfin pas vraiment, Célia lui ayant coupé l’herbe sous le pied, mais pour quelques minutes seulement. Pas de quoi refroidir les ardeurs de l’avocat fiscaliste, qui a directement tiré le bilan des « feuilles de route » des gouvernements ayant été mis sur pied par les autorités fédérales, de Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

L’occasion de mettre en exergue deux sujets essentiels pour UCM : l’alternance et la simplification administrative. « Ce sont deux points vraiment importants pour nous. L’alternance est un modèle d’apprentissage qui fonctionne. Heureusement, autant la Région que la FWB ont insisté sur ce modèle. La simplification administrative est aussi primordiale. S’il ne devait rester qu’une seule chose, puisqu’on sait que les caisses sont un peu vides, c’est la simplification administrative. Nous allons continuer à travailler avec les gouvernements pour améliorer le sort de nos indépendants et de nos PME ».

Des bons points ont donc été distribués, tout comme des bonnets d’âne. Et c’est sans surprise Bruxelles qui s’en tire avec la plus mauvaise note. « En préparant ce petit mot, je me suis demandé ce que j’allais vous raconter de Bruxelles. Nos PME et nos indépendants attendent inlassablement. Ils risquent de perdre de patience. On ne voit rien venir et cela risque de leur donner envie de partir. Il faut un véritable sursaut à Bruxelles, que chacun prenne ses responsabilités. On dirait des sportifs qui s’entraînent sans vouloir se rendre à la compétition. C’est très problématique et cela crée des difficultés pour nos indépendants et nos PME. Cela doit cesser ».

Comment ne pas mentionner finalement la situation en Ukraine et le réarmement de l’Europe, qui remet déjà en cause les accords gouvernementaux existants ? « Nos PME ne doivent pas être écartées. Nous avons des compétences en Belgique et en Wallonie. Nous souhaitons donc que ces entreprises ne soient pas oubliées ».

« Un territoire sans entrepreneurs est un territoire sans avenir »

Caroline Cleppert, secrétaire générale UCM, était chargée de prononcer le discours de fin de soirée. « Oser entreprendre, c’est choisir la liberté. C’est décider de bâtir son propre avenir. C’est une aventure exaltante mais, soyons honnêtes, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille », a-t-elle souligné d’emblée. Capitalisant sur les discussions qui ont animé cette riche soirée, elle a ensuite posé une question forte. « Qui seront les entrepreneurs de demain ? Auront-ils encore envie de se lancer et, surtout, leur en donnera-t-on encore les moyens ? L’entrepreneuriat évolue, tout comme la société qui l’entoure.

Aujourd’hui, une nouvelle génération d’entrepreneurs émerge. Pour la génération Z, fonder sa boîte n’est pas une fin en soi, mais un levier d’épanouissement. Elle souhaite du sens, de l’autonomie, de la flexibilité. Elle choisit ses partenaires, ses clients, ses horaires. Puis il y a ceux qui se lancent plus tard, à 40, 50 ou 60 ans, avec une autre vision. Car il n’y a pas d’âge pour entreprendre. L’envie de bâtir un projet, d’innover en créant de la valeur autour de soi n’a pas de limite d’âge. Mais qu’on ait 25 ou 50 ans, le défi reste le même. Entreprendre, c’est se battre pour donner vie à sa vision. Encore faut-il que les conditions soient réunies. L’entrepreneuriat n’est pas qu’une aventure individuelle. Si demain, constituer sa société devient un parcours du combattant, qui prendra encore le risque de se lancer ? », se demande-t-elle. Avant de conclure : « Les entrepreneurs ont besoin de stabilité et de visibilité. Les règles du jeu ne peuvent plus changer au gré des majorités. UCM défend un cadre clair, prévisible et stable pour bâtir sur le long terme. Nous continuerons à porter l’ambition de donner envie d’entreprendre demain. C’est pourquoi nous défendons des mesures fortes et cohérentes pour que l’envie d’entreprendre ne soit jamais étouffée par les lourdeurs, l’incertitude et l’instabilité. Car un territoire sans entrepreneurs est un territoire sans avenir ».

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