La réforme du Code des sociétés"PME friendly" ? Pas certain...

Il a fallu trois ans et cinq mois de discussions pour aboutir au nouveau Code des sociétés et des associations voulu par le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V). Il bouleverse le paysage juridique des entreprises et des asbl. Il n'y aura plus que quatre formes possibles au lieu des quinze existantes. Dès le 1er juillet, les nouvelles règles s'appliqueront aux starters. Les entreprises établies sont concernées dès le 1er janvier 2020. Les statuts ne devront pas être modifiés avant le 1er janvier 2024.

La réforme a des aspects positifs, en particulier pour les grandes entreprises et les asbl. Elle clarifie et simplifie une situation devenue, au fil des ans et des modifications légales, quasi ingérable. Koen Geens se félicite de rendre "Bruxelles aussi attractive que Londres et Amsterdam".
Du point de vue des PME et de l'initiative individuelle, les innovations sont moins heureuses. Nos demandes et remarques ont été peu prises en compte. Au final, cette réforme porte en elle les graines de difficultés à venir ; difficultés financières, juridiques et judiciaires.

Chaque entreprise devra adapter ses statuts

Le modèle de base pour une entreprise privée sera la SRL, société à responsabilité limitée. Elle ressemble à la SPRL, avec une différence majeure. Il n'y a plus d'exigence de capital minimum mais une obligation pour les fondateurs de disposer de "capitaux suffisants" et d'assumer une "responsabilité solidaire" en cas de faillite dans les trois ans.
Ceci n'est ni une clarification, ni une simplification administrative ! La notion d'apport "suffisant" risque de se discuter à l'infini devant des cours et tribunaux. En réalité – et c'est bien la volonté affirmée du ministre –, il sera indispensable de présenter un plan financier détaillé et de qualité pour les trois premières années au moins. Sans quoi, l'accès au crédit bancaire restera sans doute fermé et le risque encouru par les administrateurs considérable.
Il ne sera plus possible en effet de limiter leur responsabilité de façon contractuelle. Pour les plus petites des entreprises (moins de 350.000 euros de chiffre d'affaires et moins de 175.000 euros de bilan), la responsabilité ira jusqu'à 125.000 euros. C'est un risque important ! Le projet de loi initial prévoyait 250.000 euros. C'est grâce à l'intervention de l'UCM que le chiffre a pu être divisé par deux.

Vu l'obligation renforcée, en pratique, de rédiger un plan financier, le recours à un professionnel ou à une structure d'accompagnement sera quasiment indispensable. Cela impose des frais aux starters et, jusqu'ici, aucune aide n'est prévue pour faire face à cette obligation.
Pour les entreprises existantes, la modification des statuts est une charge supplémentaire. Une insécurité juridique est créée sur la distribution des dividendes. L'obligation de capital minimum étant supprimée, un "test de liquidité et de solvabilité" sera exigé. Il faudra "être en mesure d'honorer sa dette à au moins douze mois". Sinon, la responsabilité personnelle des administrateurs jouera. Ce test est aujourd'hui très flou et il risque de le rester.

La réforme du Code des sociétés a été pensée pour les grandes entreprises et s'impose aux PME avec quelques modalités comme la limitation de la responsabilité. Transposer aux petits les règles conçues pour les grands n'est jamais une bonne façon de procéder.

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