Olivier Vanderijst et Pierre Rion de Wallonie Entreprendre (WE)

président du comité de direction et président du conseil d'administration
31/01/23

Olivier Vanderijst est licencié en droit de l'Université catholique de Louvain. Journaliste à la RTBF jusqu'en 1992, il a poursuivi sa carrière dans des cabinets ministériels régionaux et fédéraux. Nommé président du comité de direction de la SRIW en 2009, il a été membre du comité d'investissement du fonds numérique Wing de 2016 à 2022.

Baron Pierre Rion est un "serial entrepreneur". Ingénieur électricien (électronique) de formation (Université de Liège), administrateur dans plusieurs entreprises privées ou publiques, il est à ses heures "business angel" (accompagnateur et investisseur privé dans des start-ups innovantes). Il préside notamment le Conseil numérique de Wallonie et le fonds Wing.

WE, une start-up de 260 personnes !

La fusion des trois leviers publics wallons à disposition des entreprises (Sowalfin, SRIW et Sogepa) est officielle. Objectifs : une meilleure force de frappe, de l'agilité, davantage d'offres et une présence accrue pour financer et accompagner les entrepreneurs. WE (Wallonie Entreprendre) a pour capitaines Olivier Vanderijst et Pierre Rion.

Isabelle Morgante

WE est le “sparring partner” des PME dans leur challenge ESG (environnemental, social, gouvernance)
  • - WE existe depuis janvier mais ça fait deux ans que le projet était dans les cartons. Une fusion pour le bien-être des entrepreneurs, parce qu'ensemble, on est plus forts ?

    (Pierre Rion) - Le projet date d'une vingtaine d'années, même si j'ose à peine le rappeler. On en parlait depuis plusieurs législatures, c'est Willy Borsus (ministre wallon de l'Économie, MR, NDLR) qui a donné l'impulsion finale. Changer les habitudes, c'est compliqué, d'autant que ces entités (Sowalfin, SRIW et Sogepa, NDLR) existent séparément depuis plusieurs décennies. Au-delà de ça, les outils existants fonctionnaient très bien, j'en ai été moi-même client pendant des années. Je serais bien le dernier à critiquer ! Effectivement, l'union fait la force et cette fusion va nous permettre d'élargir l'offre, de la rendre plus visible et plus claire. Nous serons aussi plus proactifs vis-à-vis de la clientèle, notamment grâce au point d'entrée unique. Cela va faciliter beaucoup les choses, entre autres pour les plus jeunes entreprises. En résumé, avec les mêmes moyens, on va faire encore mieux et surtout plus.

  • - Olivier Vanderijst, les chances de réussir et d'atteindre vos objectifs sont-elles décuplées via un message unique ?

    (Olivier Vanderijst) - Je rejoins les propos de Pierre Rion et ajoute que les 13 BU (business units) vont permettre de rendre le travail de WE beaucoup plus transparent, tout en créant des écosystèmes. Cela dit, il me semble que ça n'était pas si compliqué que ça de nous joindre, avant même la fusion des trois outils. Ça ne l'est pas davantage que de trouver des clients à l'étranger ! Mais je reconnais que dans les circonstances économiques actuelles, il ne suffit pas d'être bon, il faut être excellent. L'outil fusionné WE va faciliter les démarches. D'autant que nous avons la taille critique, qui nous permettra de développer de vraies BU spécialisées. WE est un outil généraliste, avec un éventail de spécialités, garantissant un service personnalisé et lié au profil de chacune des entreprises qui feront appel à nous.

    Le défi de partager les mêmes valeurs

  • - Peut-on dire qu'il s'agit d'une aide aux entreprises à 360 degrés ?

    (PR) - Oui, parce qu'au-delà de la fusion, WE va proposer une bien meilleure articulation entre l'accompagnement et le financement. C'est une véritable offre intégrée. Ça fonctionnait bien mais ça peut mieux fonctionner et répondre à la demande.

  • - Pourquoi n'a-t-on pas fait ça avant ?

    (PR) - C'est dû à une résistance au changement, tout simplement. Il fallait donc faire le pas, qui a été permis grâce à l'alignement de certaines planètes, on va dire, mais aussi un alignement politique et de l'écosystème, des managers, etc.

  • - Est-ce un premier pas ? L'outil doit-il encore évoluer en tant que tel ?

    (OV) - En novembre, nous avons créé la société avec 62.000 euros de capital. C'était une page blanche. Et juridiquement, WE a absorbé les trois anciennes entités le 9 janvier. Cela ne veut pas dire que toute l'intégration est terminée ! L'un de nos grands défis internes est d'installer une culture d'entreprise et des valeurs communes, pour que demain on ne dise pas "c'est un ancien de…". Chacun doit se sentir chez lui dans cette nouvelle maison professionnelle. En externe, il faut aussi revoir l'ensemble de notre communication pour montrer cette meilleure intégration des outils et des services. Ça va aller vite car nous bénéficions des réflexions de workshops (ateliers collaboratifs, NDLR) en amont qui ont déjà abattu un travail considérable.

    (PR) - WE est une start-up qui commence avec 260 personnes ! Nous devons être agiles, avancer et répondre aux offres et demandes car la conjoncture est particulière et les choses évoluent rapidement. Non seulement nous avons des défis à relever, mais nous allons certainement aussi être confrontés à des situations inattendues auxquelles il faudra s'adapter.

  • - Pierre Rion, pour vous qui êtes entrepreneur, les économies d'échelle sont-elles l'une des fondations d'une entreprise saine ?

    (PR) - On va faire plus avec les mêmes effectifs. Sans fusion, les outils auraient certainement dû être "restaffés" pour faire face aux nouveaux défis. Mais nous ne remplacerons pas les départs naturels, notamment au sein du comité de direction étendu.

  • - Comment fait-on pour conjuguer les passés de chacune des entités, et persuader les gens de collaborer ?

    (PR) - Depuis bientôt deux ans, une "taskforce" s'occupe de cet aspect des choses avec pour leitmotiv "on travaille ensemble." L'acronyme WE, correspondant au "nous" anglais, a été utilisé comme nom de code interne, cela résume parfaitement ce qui est attendu.

    (OV) - Nous avons organisé des présentations de chacune des business units, accessibles à l'ensemble des collaborateurs pour que chacun connaisse mieux le métier de l'autre. Un grand nombre de BU réunit déjà des gens qui viennent des trois outils, l'objectif étant que le travail soit transversalisé et que l'intégration soit complète.

  • - Créer une culture d'entreprise est primordial. Y a-t-il une recette miracle ?

    (OV) - Assurément les valeurs. Soixante personnes (sur 260) ont été impliquées dans des workshops pour définir les nouvelles valeurs de WE. Elles sont au nombre de quatre : impact, responsabilité, engagement, connexion. WE, à plus d'un titre, est une entité exceptionnelle puisqu'elle a un ratio de 1.000 dans sa capacité d'intervention. Nous pouvons intervenir de 50.000 euros jusqu'à 50 millions, je connais peu d'autres entités capables de faire ça, même de l'autre côté de la frontière linguistique. Le "public" est davantage présent dans l'économie wallonne que flamande, me semble-t-il.

    Ouvrir WE à d'autres horizons

  • - Pierre Rion, vous êtes le président du conseil d'administration et entrepreneur, parmi tous les autres administrateurs. Allez-vous terminer votre carrière ici ?

    (PR) - J'ai 63 ans, une âme d'entrepreneur de 35 ans et j'ai signé pour un mandat de sept ans. En réalité, j'étais candidat au poste d'administrateur indépendant et j'imagine qu'il y a eu une volonté d'accueillir quelqu'un qui incarnait l'entrepreneuriat et le numérique. Le conseil d'administration représente une belle diversité (public, privé, fédération et économie sociale). À titre d'exemple, j'ai vu passer près de 800 dossiers chez Wing, en grande partie de start-ups. Je trouve ça vivifiant et je n'ai pas l'impression de passer pour un vieux croûton, mes enfants m'appellent d'ailleurs "le geekior", contraction de "geek" et "senior".

  • - Olivier Vanderijst, l'expertise de Pierre Rion, c'est un capital important pour WE ?

    (OV) - C'est essentiel d'avoir des gens qui viennent de divers horizons, dont l'entrepreneuriat. Pierre apporte la vision "clients", c'est un atout. Augmenter le niveau de spécialisation et de compétence des organes décisionnels est important.

    (PR) - Si j'avais été à l'origine du casting du conseil (ce que je ne suis pas), j'aurais peut-être ajouté un entrepreneur flamand et un étranger. C'est un clin d'œil…

    (OV) - Ce n'est pas le management qui décide des administrateurs, mais l'actionnaire… et dans ce cas-ci, c'est le gouvernement wallon. L'évolution se fera progressivement, la complémentarité s'améliore déjà.

WE ne peut qu'améliorer la notoriété des leviers publics.
  • - Les valeurs de WE sont-elles appelées à évoluer dans le temps ?

    (OV) - Le but est de renforcer le tissu d'entreprises en Wallonie : plus grandes, plus durables, plus innovantes et numériques. Il faut suivre le trend (mouvement économique de longue durée, NDLR) et on ne finance ni n'accompagne plus les entreprises de la même manière. Nous devons être en constante évolution, c'est la raison pour laquelle nous avons renforcé la cellule de veille et d'anticipation pour savoir capter les tendances économiques et les diffuser dans le tissu entrepreneurial wallon. Les spécialistes de cette cellule sont amenés à mieux comprendre les chaînes de valeur, les anticiper et s'inspirer de ce qui est fait ailleurs.

    Challenger les PME dans leur parcours ESG

  • - Accompagne-t-on les entreprises de la même manière aujourd'hui qu'il y a cinq ans ? Les crises ont-elles changé la donne ?

    (OV) - On s'adapte au BM (business model, NDLR) et aux méthodes de valorisation des entreprises. Il faut comprendre dans quel système on évolue mais nous gardons évidemment le socle des trois entités. Je pense que les crises sont assez asymétriques, il nous faut donc développer une approche individualisée pour chacune des entreprises.

    (PR) - Les crises sont souvent l'occasion de rebondir sur des opportunités mais je pense surtout à une vraie crise dont on ne se redresse pas, et à laquelle il faut s'attaquer : celle de la pénurie de main-d'œuvre. C'est vraiment un facteur de ralentissement de l'économie. Du côté financement privé, les choses se sont aussi structurées, notamment au travers du réseau des "business angels" qui compte aujourd'hui 400 membres. Le niveau d'intervention de ces investisseurs augmente, ils sont plus enclins à faire des chèques élevés. Nous avons aussi des "family offices", qui se structurent avec de vraies équipes de gestion. WE a des partenaires qui se professionnalisent en face d'elle et peut aussi aller chercher des partenaires à l'étranger. Et une bonne fois pour toutes : les dossiers soutenus par WE ne sont pas politisés ! On m'a souvent demandé s'il fallait être pistonné pour qu'un dossier soit soutenu. Je m'inscris en faux ! Il faut juste un bon dossier !

  • - Un entrepreneur qui a réussi, est-ce un "gros mot" en Wallonie ?

    (PR) - Je ne ressens pas ça comme ça, pas du tout. Il y a une façon de procéder, on n'est pas non plus en Californie ! Je ne suis jamais allé chercher des fonds au volant d'une voiture rutilante ! L'esprit d'entreprendre a fort évolué ces dernières années. On nous bassine que les Wallons entreprennent moins que les autres mais quand je vois le nombre de dossiers, j'ai l'impression du contraire ! Les dossiers flamands sont différents dans leur taille mais le nombre est équivalent chez nous.

  • - Les chefs d'entreprise se plaignent parfois d'un manque de communication autour des leviers publics et de ne pas être au courant de ces opportunités. Va-t-il y avoir une campagne spécifique ?

    (PR) - WE sera parfois le trait d'union, le facilitateur entre les banques et les fonds privés. Les porteurs de projet, surtout en début de carrière, ont la naïveté de croire qu'une banque prête à risque. Évidemment, ça n'est pas le cas. WE va débloquer et améliorer le confort de la banque et être le contre-balancier à plus long terme du VC ("venture capital", en français capital-risque, NDLR).

  • - L'un des défis de demain, c'est l'ESG (environnemental, social, gouvernance), tant dans le milieu entrepreneurial que bancaire. Comment, chez WE, envisagez-vous ce trend ?

    (PR) - Tant mieux qu'il s'agisse d'un trend, car les banques seront les premières à serrer les boulons. Une grille existe déjà pour chacun des dossiers soutenus et en fonction du score atteint, WE va adapter ses conditions d'intervention, tant dans la forme que dans les montants, les taux.

    (OV) - Une grille pour les entreprises de plus de 50 personnes existe et on finalise celle des moins de 50 personnes mais en 2024, cette grille va déboucher sur un scoring qui pourra impacter les conditions de financement en cas de prêt. Je pense qu'on rend un service aux entreprises en accélérant leur préparation tant vis-à-vis des banques que de leurs propres clients, d'autant que les entreprises qui ont déjà entrepris leur transition énergétique résistent mieux que celles qui n'ont jamais rien fait et qui le font en se dépêchant.

  • - Que souhaiter à WE ?

    (OV) - Un impact important sur l'économie wallonne, non seulement au niveau des entreprises individuelles que nous supportons mais aussi sur l'écosystème. Je souhaite un volume qui légitime WE mais surtout un impact et d'être différenciant vis-à-vis des autres.

Contexte

Renforcer et accompagner

WE, partenaire financier unique des PME et révélateur du potentiel économique wallon

Les trois outils wallons de financement et d'accompagnement des PME vivaient chacun de leur côté depuis des décennies. La volonté de rationnaliser pour développer une meilleure force de frappe est atteinte, du moins sur papier. Parce que l'un des grands défis de WE est aussi interne : faire cohabiter et partager les mêmes valeurs à 260 collaborateurs, pour parler d'une même voix et apporter une aide transversale aux indépendants et chefs d'entreprise.

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