Protection sociale des indépendants
Les acquis et les manques

Le 19 juillet marquera le 55e anniversaire du "statut social" des indépendants. C'est en 1967 qu'une assurance obligatoire a été décidée. Longtemps lacunaire, elle a été fortement améliorée depuis 2003 et protège aujourd'hui correctement les entrepreneurs contre les aléas de la vie.

Thierry Evens

La sécurité sociale couvre trois risques majeurs : l'âge (pension), la maladie et l'invalidité (soins de santé) et l'échec (chômage et faillite). Elle incluait les allocations familiales. En 1968, les montants alloués pour les enfants d'indépendants étaient la moitié de ceux versés aux salariés. L'égalité a été acquise en juillet 2014, avant le transfert de la compétence aux Régions.

En ce qui concerne les pensions, le minimum est le même pour tout le monde : 1.503 euros brut par mois pour un isolé et 1.880 au taux ménage, pour une carrière complète de 45 ans. Il reste deux handicaps pour les indépendants. D'abord les "années assimilées" : un salarié continue à se constituer un droit de pension quand il est au chômage, en invalidité ou en préretraite. Un indépendant doit nécessairement cotiser pour mériter ses fractions de pension.

L'autre différence est la prise en compte des années antérieures à 2021. Pour les salariés, le montant est proportionnel aux cotisations payées et la plupart bénéficient donc de montants supérieurs à 1.503 euros, jusqu'à 3.000 euros brut. Pour les indépendants, jusqu'en 2020 inclus, un "coefficient correcteur" les condamnait pratiquement à ne toucher que le minimum. L'effet de ce coefficient va donc s'estomper année après année.

Le site mypension.be, qui permet d'obtenir une évaluation de sa pension selon diverses hypothèses, vient d'ailleurs d'être adapté. Les simulations n'étaient possibles que pour les carrières de salarié ou de fonctionnaire. C'est maintenant faisable en s'imaginant indépendant, en rentrant une estimation des revenus espérés.

Maladie, invalidité

Les indépendants en invalidité "reviennent de loin" : par le passé, le premier mois de maladie n'était nullement indemnisé !
© Andrey Popov /AdobeStock

Jusqu'en 2008, les indépendants n'étaient pas assurés pour les "petits risques". Sauf assurance complémentaire privée, ils devaient payer eux-mêmes les médecins, dentistes, soins infirmiers, kinés, médicaments… Les remboursements sont devenus les mêmes que pour les salariés.

Ceux-ci bénéficient du premier mois de salaire garanti en cas d'incapacité de travail. Les indépendants ont dû par le passé attendre trois mois, puis un mois, puis deux semaines avant de toucher quoi que ce soit. Depuis 2019, si le certificat médical couvre au moins huit jours, il faut le rentrer à la mutuelle pour bénéficier d'une allocation de 55 euros par jour versée dès le premier jour de maladie.

Après un mois, tout le monde est indemnisé via sa mutuelle. Les salariés reçoivent un pourcentage plafonné de leur rémunération ; les indépendants un forfait équivalent au minimum de pension.

Le congé de maternité est de quinze semaines pour les salariées, douze maximum pour les indépendantes (forfait hebdomadaire de 783 euros pendant quatre semaines, puis 716 euros), qui bénéficient en compensation de 105 titres-services gratuits.

Arrêt, échec

Le salarié qui perd son emploi a un droit au chômage, qui peut être illimité dans le temps, et continue à se constituer une pension. L'indépendant qui est forcé d'arrêter son activité, suite à une faillite ou pour "raisons économiques", peut recevoir le fameux droit passerelle (1.425 euros par mois). Cette aide est limitée à douze mois sur l'ensemble de sa carrière (hors crise Covid) et ne donne aucun droit de pension.

La discussion est ouverte pour rouvrir l'accès au droit passerelle en cas de reprise d'activité. Il est malheureusement possible d'échouer plus d'une fois dans son projet d'entreprise.

Revendications

Sur base d'une enquête réalisée tous les deux ans auprès des affiliés à sa Caisse d'assurances sociales, UCM réclame deux grandes améliorations à la protection sociale des indépendants.

La première est l'introduction d'une proportionnalité dans les indemnités versées en cas de maladie, d'invalidité ou de droit passerelle. Les forfaits actuels ne tiennent aucun compte du montant des cotisations versées. Ce n'est pas équitable et cela crée de la détresse sociale.

La seconde demande concerne les pensions. Le calcul est identique depuis 2021. Cela signifie que l'égalité sera atteinte dans quarante-cinq ans, en 2066. C'est un peu loin ! Il faut accélérer le processus.

 

UCM a lutté des décennies durant pour que le montant minimal de pension des indépendants égale enfin celui de salariés.
© fizkes/AdobeStock

 

Cotisations et financement

Les indépendants doivent verser en cotisations sociales 20,5 % de leurs revenus de l'année, avant impôt. Ils paient en quatre fois, trimestre par trimestre. En cas de retard, ils subissent une majoration de 3 %, plus 7 % sur la somme impayée en fin d'année. Les caisses d'assurances sociales, qui récoltent l'argent pour le compte de l'Inasti (organisme fédéral), proposent un montant à payer en fonction des revenus de l'année antépénultième (2019 pour 2022). L'indépendant peut l'ajuster à la hausse ou à la baisse selon l'évolution de ses rentrées. Les starters se voient réclamer un forfait en hausse d'une année à l'autre.

Il existe un minimum à payer pour bénéficier du statut social (782 euros par trimestre hormis les starters) et un maximum (4.480 euros par trimestre).

Les salariés ne paient "que" 13,06 % de cotisations personnelles, mais leur employeur doit verser pour eux 25 % du salaire brut. Il n'y a ni plancher, ni plafond, mais de nombreux cas de réductions.

Cela fait plus de quarante ans que les cotisations ne couvrent plus la totalité des dépenses de la sécurité sociale. L'État ajoute un "financement alternatif".

Ça paie !

Il y a vingt ans, la Belgique comptait 600.000 indépendants à titre principal. Ils sont en 2022 quelque 800.000 !

Cette augmentation énorme, à peine ralentie lors de la crise Covid, a plusieurs causes. Elle est due sans doute à une demande accrue d'autonomie et de sens dans son activité professionnelle. Les carrières ne sont plus linéaires. L'augmentation du patrimoine des ménages – ou de certains ménages – facilite la prise de risque.

En même temps, les pouvoirs publics ont compris l'importance capitale de l'initiative privée dans la création de richesse. Un tissu de PME et d'indépendants est devenu indispensable à une prospérité économique qui ne peut plus reposer sur les seules grandes entreprises. Les Régions ont développé la sensibilisation des jeunes et des demandeurs d'emploi à la création d'entreprise. Les starters sont mieux accompagnés et le financement plus accessible.

Mais à coup sûr, une augmentation de cette ampleur n'aurait pas été possible sans l'amélioration de la protection sociale des indépendants. Il était devenu intolérable que certains travaillent dans la sécurité totale et d'autres, souvent davantage, dans l'insécurité totale. Le contrat social devait être réécrit.

L'amélioration du statut social génère de l'activité : le nombre d'indépendants à titre principal a crû de 33 % sur les vingt dernières années.
© Vasyl /AdobeStock

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