Allocations familiales | Conséquences de la régionalisation de la compétenceModernisation équilibrée des paiements en Wallonie

Le gouvernement wallon a pris la décision, à partir de 2019, de fixer les allocations familiales à un montant unique de 155 euros.

Est-ce positif ?

La sixième réforme de l'État a régionalisé la matière des allocations familiales, avec l'obligation d'en assurer totalement la charge d'ici 2020 au plus tard, même si la date du 1er janvier 2019 est de plus en plus citée.

Chacune des entités doit relever le double défi d'assurer la continuité des paiements aux familles (2,17 milliards d'euros en Wallonie) et d'adapter le modèle à ses spécificités. 

Le modèle qui entrera en vigueur en 2019 pour la Wallonie prévoit que chaque enfant aura droit au minimum à un montant de base unique de 155 euros et de 165 euros entre 18 et 25 ans. Pour l'UCM, mouvement patronal mais aussi caisse d'allocations familiales, le gouvernement wallon a pris une décision sage. Cette simplification rencontre un besoin reconnu par tous : disposer d'un modèle en phase avec l'évolution spectaculaire des structures familiales.

 

Protéger les plus fragiles

Les allocations familiales sont un pilier de la Sécurité sociale. C'est un mécanisme de redistribution avec des solidarités horizontale (vers toutes les familles avec charge d'enfants) et verticale (cotisations sociales proportionnelles aux revenus).

Cette décision permet de sauvegarder cet équilibre en Wallonie, c'est essentiel. Une enquête menée par la Caisse d'allocations familiales UCM a démontré l'importance des allocations, puisque généralement intégrées dans le budget du ménage pour une consommation immédiate. Elles sont d'ailleurs jugées vitales pour 55 % des familles. Le système, tel que nous le connaissons, constitue un très important outil de lutte contre la pauvreté en général et infantile en particulier.

Si aujourd'hui, l'outil est pérennisé, l'UCM, en tant que mouvement patronal et gestionnaire de la Sécurité sociale, et à présent de la sécurité sociale wallonne, suivra de près quelques éléments de cette réforme annoncée.

Le nouveau système de suppléments pour les familles les plus fragiles est positif à plusieurs égards. Il ne sera plus basé sur le statut des parents (chômeur, pensionné...) mais bien sur les revenus du ménage. Cela permet d'étendre le champ d'application aux travailleurs à faibles revenus. C'est une avancée majeure. En outre, deux plafonds de revenus sont prévus, avec donc une progressivité dans l'octroi des suppléments, c'est positif.

Et compte tenu de la fixation à 50.000 euros du plafond supérieur, cela va permettre de toucher un plus large public, notamment les jeunes parents en début de carrière. Cela dit, la transition entre l'actuel modèle d'allocations et le nouveau modèle présenté semble simple mais pose encore certaines questions. Les familles avec enfants nés pour certains avant et pour d'autres après la réforme semblent devoir cumuler les éléments moins favorables de l'ancien système (allocation basse pour le premier enfant) et du nouveau modèle (allocation non progressive).

Le sujet des droits acquis et l'objectif qu'aucune famille ne perde au change doivent sans doute être approfondis. Ils posent aussi la question de la recherche de la voie la plus simple tant pour l'administration que pour les familles.

L'UCM insiste pour que tant les interlocuteurs sociaux que les spécialistes au sein des caisses d'allocations familiales soient concertés. Enfin, le nerf de la guerre reste budgétaire. Beaucoup de curseurs, ainsi que la question de l'indexation des montants d'ici 2019, doivent être éclaircis pour assurer que le schéma budgétaire tienne la route. Il faudra aussi intégrer les implications que pourraient avoir des mesures transitoires.

 

Et Bruxelles ?

Si, à Namur, un pas important a été franchi, les défis restent considérables. Les quatre entités, y compris la Cocom pour Bruxelles, doivent se mettre d'accord sur la compatibilité entre les systèmes proposés. Le travail sur les protocoles est en cours au sein d'un comité ad hoc ; il est temps qu'il aboutisse.

Assurer la continuité du paiement des allocations à toutes les familles est et reste la priorité. Relever ce défi nécessite des accords entre les entités compétentes. Cela concerne les outils qui seront utilisés en commun pour garantir la continuité de paiement en cas de déménagement, pour éviter les doubles paiements, aussi pour se conformer aux obligations internationales. L'agrément des caisses d'allocations familiales ne peut plus attendre non plus.

Enfin, du côté bruxellois, la complexité des modes de décision aboutit à ce qu'aujourd'hui, la Région-capitale et ses familles ne disposent pas encore de l'organisme d'intérêt public (IrisCare) appelé à gérer les matières des allocations familiales.

À vingt mois de l'échéance la plus proche, les décisions doivent tomber, sans quoi cela va très rapidement devenir mission impossible.

 

 

 

Ce qui change et ce qui ne change pas

Le projet de réforme était très attendu depuis l'annonce de la régionalisation des allocations familiales ; le verdict est tombé : chaque petit Wallon touchera de base 155 euros, pour 160 euros en Flandre et 151 euros en Communauté germanophone. On ne peut pas vraiment parler de changement radical car la note d'orientation (qui n'a donc pas encore valeur de loi) votée par le parlement wallon ne concerne que les enfants nés à partir du 1er janvier 2019. Cela signifie qu'un grand nombre de dossiers sera encore payé sur base du régime actuel. Concrètement, l'enfant né le 31 décembre 2018 sera toujours payé sur base du régime actuel jusque potentiellement le 31 décembre 2043, la durée de vie maximale d'un dossier d'allocations familiales étant de 25 ans. Aux 700 combinaisons de familles possibles actuellement, il faudra donc ajouter toutes celles qui vont naître dès 2019. Certes, elles sont bien moins nombreuses mais la réelle simplification du calcul des allocations familiales n'interviendra que le 1er janvier 2044.

Toute une série de familles vont donc bénéficier d'un régime mixte. Cela veut dire que certains enfants, au sein du même ménage, seront à charge du régime actuel et d'autres à charge du nouveau régime.

Ce nouveau régime se veut plus clair et met en avant la suppression des suppléments de rang. Dorénavant, tout enfant aura droit au même montant, quelle que soit sa place dans la fratrie.

Dans les faits, au taux de base, les familles avec un seul enfant seront avantagées, celles avec deux enfants ne verront pas de grande différence mais les familles de trois enfants (et plus) percevront moins. L'uniformisation vaut aussi en ce qui concerne la prime de naissance.

En effet, il n'y aura plus de différence entre une première naissance (prime de 1.247,58 euros) des suivantes (938,66 euros). Dès 2019, chaque enfant aura ainsi droit à 1.100 euros.

 

Des suppléments

Aux montants d'allocations familiales de base, pourront toujours se joindre des suppléments pour les familles dont les revenus sont moindres. Il ne sera plus question ici, comme actuellement, de lier le supplément au seul statut socio-professionnel des parents ; seule l'invalidité ouvre le droit à un supplément.

De plus, la mécanique des plafonds a été revue puisqu'un double plafond a été mis en place. Cette progressivité avec deux montants possibles en fonction des revenus du ménage n'existe en effet pas dans le système actuel.

Les familles nombreuses, qui ne comptaient jusqu'ici sur aucun avantage spécifique (si ce n'est le supplément de rang), vont bénéficier d'une majoration plus importante, du moins si elles répondent aux conditions pour l'obtention d'un supplément social.

Par contre, pas de changements pour les orphelins puisque le montant maximal de 353,76 euros ne change pratiquement pas. Une distinction sera faite, malgré tout, entre les orphelins de deux parents ou d'un seul, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'orphelin d'un seul parent ne percevra plus que 232,50 euros.

L'octroi de ce supplément ne sera plus lié au fait que le parent survivant ne soit pas remis en ménage.

La réforme a donc revu le système des allocations familiales en profondeur. Les suppléments pour les enfants atteints d'une affection (dont les montants sont inchangés) constituent le seul point à ne pas faire l'objet d'une révision.

 

Primes de naissance octroyées en faveur de trois enfants
  Enfants nés avant le 01/01/2019 Deux enfants nés avant 2019 et un après Enfants nés après le 31/12/2018
Montant 1er enfant 1.247,58 € 1.247,58 € 1.100,00 €
Montant 2e enfant 938,66 € 938,66 € 1.100,00 €
Montant 3e enfant 938,66 € 1.100,00 € 1.100,00 €
Total 3.124,90 € 3.286,24 € 3.300,00 €

 

Allocations pour une famille de trois enfants de moins de 6 ans, sans supplément social
  Enfants nés avant le 01/01/2019 Deux enfants nés avant 2019 et un après Enfants nés après le 31/12/2018
Montant 1er enfant 92,09 € 92,09 € 155,00 €
Montant 2e enfant 170,39 € 170,39 € 155,00 €
Montant 3e enfant 254,40 € 155,00 € 155,00 €
Total 516,88 € 417,48 € 465,00 €

 

 

Allocations pour une famille de trois enfants orphelins de père dont la mère n'est pas remise en ménage
  Enfants nés avant le 01/01/2019 Deux enfants nés avant 2019 et un après Enfants nés après le 31/12/2018
Montant 1er enfant 353,76 € 353,76 € 232,50 €
Montant 2e enfant 353,76 € 353,76 € 232,50 €
Montant 3e enfant 353,76 € 232,50 € 232,50 €
Total 1.061,28 € 940,02 € 697,50 €
Le nouveau système s'avère plus avantageux lorsque la mère est remise en ménage
Montant 1er enfant 92,09 € 92,09 € 232,50 €
Montant 2e enfant 170,39 € 170,39 € 232,50 €
Montant 3e enfant 254,40 € 232,50 € 232,50 €
Total 516,88 € 494,98 € 697,50 €