Les PME au cœur des transitions

Indépendant(e)s, hommes et femmes politiques, partenaires sociaux… : UCM a réuni près de 500 personnes le 5 avril à Wavre pour sa réception annuelle. L'occasion de faire le point sur la situation des PME dans notre pays et de souligner les mesures nécessaires pour aborder l'avenir avec plus de sérénité.

Clément Dormal, Isabelle Morgante, Andy Prevoo

"S'il te plaît, dessine-moi un indépendant" : c'est par ces mots, en référence au chef-d'œuvre littéraire de Saint-Exupéry, que le président Pierre-Frédéric Nyst a ouvert la réception annuelle UCM à La Sucrerie de Wavre. Après avoir salué la résilience et la créativité des indépendants et des PME en ces temps troublés (Covid-19, guerre en Ukraine, crise énergétique…), il a envoyé un appel à la classe politique, présente en nombre, afin de perpétuer les aides et mécanismes de soutien aux PME ainsi que pour réformer le marché du travail. "Il est de notre devoir de ne pas s'arrêter là et de penser à l'avenir pour pérenniser nos entreprises et assurer le bien-être des générations futures", a-t-il martelé. Au travers de cette version revisitée du Petit Prince, le président a en outre abordé la question du commerce de demain, et notamment du dossier Delhaize. Soucieux de réaffirmer le rôle moteur joué par nos PME dans la transition écologique et numérique, il a finalement rappelé l'importance des circuits courts, locaux mais aussi flexibles, incarnés ici par les PME familiales.

Bernard Keppenne, chief economist chez CBC, a alors pris la parole pour brosser un portrait de ce qui attend notre pays dans les mois et années à venir. Après avoir abordé le contexte économique mondial, plombé par la guerre en Ukraine qui affecte particulièrement l'Europe et par les tensions entre la Chine et les États-Unis, il a fait le point de la situation en Belgique. Chez nous, l'actualité est toujours marquée par une inflation qui dépasse encore la barre des 6 %, un ralentissement de la croissance, et une confiance des entrepreneurs en berne. Mais le pays semble fonctionner à deux vitesses et la Flandre a davantage rebondi en termes de croissance après la crise Covid que les deux autres Régions. À l'inverse, seules 2.202 faillites ont été constatées en Wallonie en 2022. C'est son troisième résultat le plus bas de ces dix dernières années, alors que la Flandre a atteint, elle, son total le plus élevé depuis 2013. Bernard Keppenne a conclu son intervention en appelant la Région wallonne à innover, à se digitaliser et à devenir un fleuron du secteur du recyclage et de l'économie circulaire et sociale.

Les participants ont ensuite eu l'occasion de faire connaissance avec Olivier Torrès, professeur à l'Université de Montpellier et fondateur d'Amarok, l'observatoire français de la santé des dirigeants de PME et des entrepreneurs. Véritable homme de scène, il a fait passer avec humour et délicatesse des messages forts sur la santé des indépendants, "le premier capital immatériel de leur entreprise", comme il l'a répété à plusieurs reprises. C'est sur base de ce constat et en collaboration avec le Montpelliérain qu'UCM avait lancé il y a quelques mois Icarius, un outil de prévention contre le burnout des entrepreneurs. "Il y a plus de statistiques sur la santé des baleines bleues que sur celle des entrepreneurs", a ironisé le professeur. Derrière ce tableau, il a rappelé qu'une PME ne peut pas être considérée comme une grande entreprise version miniature. Elle possède ses particularités et son propre fonctionnement. Et si son dirigeant vacille, c'est toute l'entreprise qui risque de s'effondrer tel un château de cartes.

Exhortant les indépendants à être "à l'écoute de leur corps et de leur esprit", le fondateur d'Amarok a listé les éléments pathogènes qui caractérisent la vie d'un entrepreneur : le stress, l'incertitude du carnet de commande, la surcharge de travail (souvent bien supérieure à 40 heures/semaine) et le sentiment de solitude. "Vous devriez tomber comme des mouches !", a lancé Olivier Torrès au public de professionnels. Ces éléments sont heureusement compensés par d'autres facteurs positifs liés au métier d'indépendant : la maîtrise de son destin, l'endurance et l'optimisme.

Les deux intervenants ont par la suite été rejoints par Caroline Cleppert, directrice du service lobby UCM, pour débattre sous la houlette du journaliste Thomas de Bergeyck, animateur du jour.

Prôner le dialogue

Après ces échanges éclairants, Arnaud Deplae, secrétaire général UCM, a conclu la partie académique de la soirée en se questionnant sur l'état de santé de notre système démocratique : rôle actuel prédominant des appareils politiques, influence des réseaux sociaux, place des émotions dans le débat public, instabilité politique ayant un impact certain sur notre économie… Il a abordé tous les sujets qui mettent à mal notre démocratie et qui causent une fracture de plus en plus profonde avec une partie de la population. Selon lui, il est plus que jamais nécessaire de renouer avec la culture du dialogue, de la concertation sociale et du compromis à la belge pour relever, ensemble et de manière réaliste, les grands défis économiques, sociaux et environnementaux.

C'est quoi être indépendant en 2023 ?

Ils ont traversé les bourrasques et les tempêtes de ces trois dernières années avec courage, pugnacité et détermination. Ces femmes et ces hommes, capitaines d'entreprise, ont tenu bon mais il leur a fallu parfois changer de cap et d'horizon. Pour eux, la question "C'est quoi être indépendant en 2023 ?" s'est posée sous divers angles lors du moment de réseautage qui a fait suite aux interventions des experts.

C'est le cas d'Annie, indépendante dans le secteur des titres-services. Le poids des factures énergétiques a pesé lourd dans le budget des clients, qui ont fait en conséquence moins appel à elle. Elle a ainsi dû "se réinventer" : "Nous avons proposé à nos clients de revoir les conditions de leur contrat, d'espacer nos prestations, pour les aider à traverser cette période mais surtout pour ne pas les perdre. Nous avons fourni de gros efforts mais cela en valait la peine car le danger semble s'éloigner et nous sommes encore là. C'est le principal."

Eric, de son côté, a diversifié son offre. Restaurateur, il a ajouté la corde de traiteur à son arc et prodigue des sessions de cuisine à domicile. Ce dernier volet fonctionne vraiment bien. "Nous avons eu, depuis le Covid, de grandes difficultés à recruter des collaborateurs pour le restaurant et avons même dû revoir nos horaires d'ouverture. En proposant mes services à domicile, je me suis rendu compte que les clients maîtrisaient davantage leur budget et aimaient recevoir chez eux. Il y a un rapport entre horeca et client à la maison qui s'est créé et j'avoue que j'apprends à mieux connaître mes clients, qui me donnent aussi de nouvelles idées. Finalement, tout le monde est gagnant."

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