Réception annuelle : l'entrepreneuriat au cœur des préoccupations politiques

Environ 500 personnes se sont réunies le 20 mars dernier à La Sucrerie de Wavre à l'occasion de la traditionnelle réception annuelle organisée par UCM. Année d'élections oblige, les représentants des partis politiques ont été invités à défendre leur programme devant un parterre d'entrepreneurs attentifs.

La formule tombait sous le sens. Quoi d'autre qu'un débat politique pour animer la réception annuelle en cette année d'élections euro­péennes, fédérales, régionales, provinciales et communales ? C'est en tout cas dans cette op­tique qu'UCM a réuni 500 personnes pour assis­ter à un débat entre les représentants de chaque parti politique francophone siégeant dans les gouvernements wallons et bruxellois. C'est ainsi que Georges-Louis Bouchez (MR), François De Smet (DéFI), Christie Morreale (PS), Germain Mugemangango (PTB), Jean-Marc Nollet (Ecolo) et Maxime Prévot (Les Engagés) se sont succédé sur scène pour parler des mesures que leurs par­tis proposaient en faveur de l'entrepreneuriat en Belgique. 

Chaque représentant politique avait douze minutes pour s'exprimer sur deux thèmes : un, lié à notre mémorandum politique, qui était imposé et un autre, au choix, qu'il avait pu préparer à l'avance. Pas question cependant de dévier du sujet ou d'offrir une tribune libre à ces orateurs car deux journalistes, à savoir Salima Belabbas (RTL) et Romuald La Morté (LN24), étaient chargés d’interroger les participants, tou­jours sous le prisme de la compatibilité des pro­grammes des partis avec le mémorandum UCM. Pour rythmer la soirée, le duo de la compagnie Tadam a improvisé des saynètes en lien avec les thèmes développés par les différents partis. L'occasion d'aborder avec humour et justesse les nombreuses difficultés rencontrées par les entre­preneurs dans leur vie quotidienne.

Besoin d'une législation adaptée

Ce débat avait été précédé par une interven­tion de Pierre-Frédéric Nyst, président UCM. Dans son discours, il est revenu sur l'importance des PME, qui représentent 99 % du paysage éco­nomique belge, et le rôle que peut jouer notre mémorandum pour la mise au point des accords gouvernementaux. Il a par exemple pointé une des recommandations avancées dans ce docu­ment : la nécessité d'un cadre légal empreint de stabilité et adapté aux PME. "Une PME n'est pas une grande entreprise en modèle réduit. Il nous faut une législation ajustée aux besoins de nos entreprises. Nos PME sont souples, flexibles, agiles et peuvent s'adapter facilement. N'oubliez jamais ces caractéristiques", a-t-il lancé aux hommes et femmes politiques présents dans l'as­semblée.

Pierre-Frédéric Nyst

Pierre-Frédéric Nyst

Caroline Cleppert, secrétaire générale UCM, était, elle, invitée à clôturer la soirée. "En écoutant les multiples points de vue aujourd'hui, je suis frappée par la diversité de nos perspec­tives et la richesse de nos idées. Nous devons rechercher la simplicité et l'efficacité dans nos actions en nous concentrant sur ce qui est essen­tiel pour atteindre nos objectifs. L'entrepreneu­riat est un véritable moteur de notre économie et les PME en sont les piliers. Ces entreprises, souvent fondées par des entrepreneurs vision­naires, créent des emplois, stimulent l'innovation et contribuent à la croissance économique de nos régions", a-t-elle rappelé.

Caroline Cleppert

Caroline Cleppert

Georges-Louis Bouchez - MR : "Il y a un problème de mentalité en Wallonie"

Georges-Louis Bouchez

Le premier représentant politique à avoir pris la parole est le président du MR, Georges-Louis Bouchez, avec pour thème imposé le bien-être des indépen­dants. "Je pense que c'est une question qui n'est pas assez évoquée. Car quand on est indépendant, on doit se gérer soi-même, ce qui est très compliqué parce qu'on ne sait pas se référer à quelqu'un d'autre ou forcément en parler. On a aussi souvent le sentiment de ne pouvoir compter que sur soi pour s'en sortir". Pour améliorer le bien-être des indépendants, Georges-Louis Bouchez appelle à "chan­ger le rapport avec les pouvoirs publics" en diminuant les contraintes et les sanc­tions qui pèsent sur les épaules des entre­preneurs.

Le président du MR a ensuite plaidé pour que les indépendants en dif­ficulté puissent également appuyer sur le bouton pause tout en bénéficiant d'un re­venu garanti, grâce au droit passerelle par exemple. "Ce filet de sécurité doit conti­nuer à progresser sans alourdir les charges des indépendants", a-t-il demandé. Tout en rappelant qu'il est "fondamental d'évi­ter ces dépenses sociales". "C'est pour ça qu'il faut créer un cadre pour permettre aux indépendants de se développer sans qu'ils aient la crainte qu'on leur tombe dessus. Quand on se lance comme indé­pendant, ce n'est pas pour toucher des chèques ou des aides", a-t-il renchéri.

La pression fiscale

Pour son thème libre, Georges-Louis Bouchez a voulu aborder la réduction de la pression fiscale et administrative. Pour y arriver, il souhaite notamment aug­menter la quotité exemptée d'impôts des indépendants (de 10.000 euros à 15.000 euros). Ces réformes seraient financées par une diminution des dépenses de l'État et par la hausse du taux d'emploi. "C'est un autre problème qui touche les indé­pendants.

Ils sont nombreux à chercher des travailleurs sans en trouver alors que la Wallonie et Bruxelles font partie des ré­gions avec le taux d'activité le plus faible de l'Union européenne. Il y a un souci de mentalité, d'enseignement et de forma­tion… Rien d'autre ne peut justifier cette différence entre la Flandre et la Wallonie", insiste-t-il.

François De Smet - DéFI : "L'enseignement et l'entre­prise ne parlent pas assez"

François De Smet

C'est François De Smet qui est ensuite mon­té sur scène avec pour thème imposé "réussir la transition environnementale des PME". "C'est un sujet qui me passionne, mais on est loin d'y être", a d'emblée lancé le président de DéFI. Ce dernier a admis que les différentes régions du pays, dont la bruxelloise dans laquelle son parti est dans la majorité, ne se sont pas donné les moyens pour atteindre les objectifs de maximum deux degrés d'augmentation de la température par rapport à l'ère préindus­trielle.

Pour lui, la transition génère plusieurs défis qu'il faudra relever, dont un manque de main-d'oeuvre compétente pour rénover le bâti belge ainsi qu'un besoin en électricité qui va doubler dans les prochaines années. Pour cette problématique, François De Smet incite à mettre fin au "débat stérile entre énergies renouvelables et nucléaires". Le philosophe a également appelé à une augmentation et une simplification des aides auxquelles les PME peuvent prétendre pour se mettre au vert. "Nos administrations doivent arrêter de voir les entreprises comme des gens dont il faut se méfier. Il faut leur faciliter la vie avec des for­mulaires plus clairs, des aides plus directement données, des prêts à taux zéro, des avances remboursables…", a-t-il proposé, avant de rappeler aux entrepreneurs que ces investisse­ments énergétiques leur permettront d'écono­miser de l'argent sur le moyen/long terme.

Entrepreneuriat et éducation

Pour son thème libre, François De Smet a opté pour "le droit d'entreprendre dès l'école". Un sujet choisi après avoir constaté que l'entrepreneuriat n'attirait pas assez les jeunes étudiants wallons et bruxellois. "L'en­seignement et l'entreprise ne se parlent pas assez", a-t-il déploré. C'est pourquoi DéFI se montre favorable au renforcement de certaines aptitudes liées à l'entrepreneuriat à partir de la troisième maternelle, et puis tout le long du parcours scolaire. Il s'agirait de développer certaines compétences poly­techniques, d'apprendre à coder, à réaliser un budget ou encore d'amener des entrepre­neurs à l'école pour développer de nouveaux "role models".

Jean-Marc Nollet - Ecolo : "Contre les flexi-jobs, pour les vrais jobs"

Jean-Marc Nollet

Jean-Marc Nollet, le co-président d'Ecolo, lancé sur le thème de l'emploi, l'a directement lié à l'un des combats privilégiés des Verts, parlant de "la volonté de créer une alliance entre l'environne­ment et l'emploi". Il a insisté sur l'importance "des perspectives durables" dans le domaine et entend y associer les entrepreneurs qui "s'engagent dans cette transition". Comment ? Pour le binôme de Rajae Maouane, les pistes sont multiples. "Cela se joue notamment sur la formation continue", ex­pose-t-il. "Ces gens qui sont en demande d'emploi ont besoin d'avoir l'accès direct à des formations qui sont en phase avec les emplois ouverts. Mais on a aussi chez nous des personnes qui sont sans-papiers mais qui ont des talents. Pour les filières en pénurie, il faut qu'on puisse leur donner accès au travail et en même temps une reconnaissance légale."

Par contre, Ecolo se positionne contre le principe des flexi-jobs. "Nous sommes pour de vrais jobs", argue le Mouscronnois. "Dire que la solution passe par une augmentation et par une généralisation des flexi-jobs, non. Parce qu'autre­ment, qu'est ce qui va se passer ? On va détruire le vrai emploi. Si on veut le stabiliser, si on veut que les gens trouvent du sens et restent dans les entre­prises, ça ne sert à rien de pousser les flexi-jobs. C'est pour ça qu'il faut une réflexion d'ensemble sur la progression et sur la qualité de l'emploi."

La transition des PME

Pour son thème libre, c'est la transition énergé­tique pour les PME que le Mouscronnois a choisie. "Il est important de réconcilier les limites de la pla­nète avec les besoins qui sont les nôtres. Et je ne pense pas que ce soit plus difficile pour les PME. Si on regarde dans la panoplie des entreprises qui sont déjà en transition, les PME sont à la pointe. Les plus gros freins en la matière, ce sont les multi­nationales qui peuvent menacer de délocaliser, ce qu'une PME ne peut pas faire. C'est la raison pour laquelle nous plaidons pour ces clauses miroirs (NDLR : harmonisation des conditions de pro­duction)." Et de conclure : "Le coût de l'inaction est cinq fois plus important que celui de l'action."

Germain Mugemangango - PTB : "On est dans un enfer fiscal pour les indépendants"

Germain Mugemangango

Place ensuite à Germain Mugemangango, porte-parole francophone du PTB, invité à s'exprimer sur la pression fiscale pour son thème obligatoire. Dans un premier temps, le Carolo a déploré qu'aucune réforme fiscale n'ait été mise en place en Belgique au cours de la législature. "On est dans un enfer fiscal pour les indépendants et les travailleurs alors que, pour la petite portion de milliardaires qui s'est enrichie durant ces dernières années, on est dans un paradis fiscal", a-t-il assuré. Raison pour laquelle le PTB appelle à taxer davantage les plus grosses fortunes belges (dès cinq millions d'euros) dans le cadre d'une nouvelle réforme fiscale.

A contra­rio, les indépendants payeraient moins d'impôts qu'aujourd'hui. Le porte-parole a ensuite abordé la thématique de la transmission d'entreprise, pour laquelle il souhaite un régime fiscal plus favorable. "La majeure partie des entrepreneurs qui travaillent par passion ont pour ambition de céder leur affaire à leur famille, au contraire des grandes structures économiques qui procèdent à des cessions par actions. Ce qui est un monde totalement différent". Germain Mugemangango a aussi défendu l'inscrip­tion du "droit à l'erreur" dans une loi qui permettrait aux indépendants de se tromper sans être sanc­tionné systématiquement. "Il est important de créer une relation de confiance à la place d'une relation de méfiance".

Le prix de l'énergie

Germain Mugemangango a, dans un second temps, abordé le blocage des prix de l'éner­gie dans le cadre de son thème libre. Prenant l'exemple de la friterie " Robert la Frite", une institution carolo créée en 1952 qui a annon­cé sa fermeture fin février, il a indiqué que les questions de l'énergie sont "au centre des dif­ficultés" vécues par les indépendants. Raison pour laquelle il souhaite un blocage des prix de l'énergie qui serait financé par une taxation des surprofits engrangés par le secteur. "Nous vou­lons aussi nationaliser le secteur énergétique. Certains secteurs sont trop importants pour être laissés dans les mains de ceux qui ont seulement leur rentabilité à coeur", a-t-il conclu.

Christie Morreale - PS : "Le rapport au travail a changé dans le monde entier"

Christie Morreale

"Les PME au quotidien". Voilà le thème imposé à Christie Morreale, venue représenter le PS. "Les réalités des entrepreneurs sont très différentes, selon la taille de leur entreprise ou le secteur dans lequel ils évoluent", a-t-elle indiqué. Christie Mor­reale estime cependant que les indépendants sont beaucoup à partager une difficulté commune : un sentiment de solitude et de manque de recon­naissance. "Ce sont des gens qui n'ont pas for­cément le temps de s'informer sur ce qui existe", a-t-elle ajouté. Raison pour laquelle elle plaide pour que l'information arrive plus facilement et rapidement aux entrepreneurs, qui sont encore trop nombreux à ignorer les aides qui pourraient leur être utiles. La ministre rappelle cependant qu'un travail de simplification a déjà été commencé par les majorités siégeant aux différents niveaux de pouvoir, même s'il reste du pain sur la planche.

Pour aller plus loin, Christie Morreale milite pour un tra­vail de "co-construction" entre les politiques et des organisations comme UCM par exemple. "Quand on a travaillé dans le cadre du plan de relance, on a collaboré avec UCM qui a pointé des éléments de simplification à mettre en place. Idem pour les questions de digitalisation et de numération qui sont des points majeurs du tournant que doivent prendre les indépendants. Ce sont toutes des me­sures qu'on a construites ensemble, en partenariat".

L'attractivité du travail

"On voit bien qu'après le Covid, le rapport au travail a été modifié dans le monde entier alors que c'est un pilier de base de nos sociétés. Les re­cettes pour engager du personnel ont complète­ment changé", a commencé Christie Morreale au moment d'aborder son thème libre, l'attractivité au travail. Elle a exhorté les entreprises à s'adapter à cette évolution, en travaillant par exemple sur le salaire qu'elles proposent à leurs (futurs) colla­borateurs. "Mais nous devons aussi travailler pour que le salaire net du travailleur augmente, sans que l'employeur verse un plus gros montant brut".

Maxime Prévot - Les Engagés : "Nous devons être davantage à l'écoute des entreprises"

Maxime Prévot

Maxime Prévot est le dernier à avoir pris la parole avec pour thème obligatoire la formation. "C'est un sujet au coeur de nos préoccupations de longue date car l'éducation est la mère de toutes les politiques. Pour la formation, je crois qu'on doit réhabiliter l'alternance, c'est une de nos prio­rités", a-t-il pointé, avant de donner l'exemple suisse où l'alternance est un véritable succès.

Le président des Engagés désire également réviser certains programmes de l'enseignement général pour y glisser des cours très pratiques sur la réalité économique et entrepreneuriale, comme sur l'utilité des cotisations sociales, ou la différence entre le brut et le net par exemple. "Nous devons mettre les acteurs de terrain autour d'une table pour être beaucoup plus à l'écoute des entreprises. Il y a une crainte de laisser la réalité du monde entrepreneuriale entrer dans les écoles, comme si c'était sale. Cela permet­trait pourtant de favoriser le choix, l'orientation ou l'emploi", a-t-il indiqué. S'il concède que ce changement d'état d'esprit risque de prendre du temps, Maxime Prévot appelle à travailler sur cette thématique dès maintenant. Il a égale­ment demandé aux différents partis de respecter une trajectoire commune, afin que les partis qui sont dans l'opposition aujourd'hui et au pouvoir demain (ou vice versa) ne détricotent pas tout ce qui a été mis en place.

Le droit au rebond

Pour son thème libre, Maxime Prévot a choisi le droit au rebond professionnel. Il souhaite que les travailleurs puissent bénéficier d’un revenu de remplacement quand ils donnent leur démission à deux reprises au cours de leur carrière. De quoi permettre aux plus démotivés de ne pas être placés en maladie à cause d'un burn-out, réel ou factice, par simple peur de perdre ses revenus du jour au lendemain. "C'est handicapant pour tout le monde. Pour le travail­leur qui n'est pas fier d'être dans cette situation, et pour l'indépendant qui n'a pas les moyens de trouver quelqu'un d'autre pour le remplacer". Le président des Engagés a finalement rappelé que son parti voulait limiter à deux ans les alloca­tions de chômage.

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