Eléonore Simonet

Ministre des Classes moyennes, des Indépendants et des PME
19/03/25

Eléonore Simonet est née, il y a 27 ans, dans le berceau de la politique et du droit. Issue d’une famille d’avocats, elle embrasse cette carrière après des études à l’UCLouvain puis devient, en 2024, Députée MR au Parlement de la région Bruxelles-Capitale, siège également au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en plus d’un poste de conseillère communale à Woluwe-Saint-Lambert. Le 3 février dernier, elle est devenue Ministre fédérale des Classes moyennes, des Indépendants et des PME

"Je vais m’attaquer
à la paperasse inutile !"

Lors d’une nuit d’un dimanche de février, Eléonore Simonet accepte de devenir, à 27 ans et quelques mois, la plus jeune ministre fédérale de l’histoire politique belge. Une solide personnalité, forgée à la lumière de l’engagement politique de la famille Simonet. À la disparition de Jacques, son papa, elle a 9 ans. Ce drame n’éteint pas la flamme, au contraire. C’est un accélérateur de vie. Eléonore Simonet, dit-elle, a fait des études de droit pour comprendre les structures de l’État. Solaire et à l’image de la puissance des jeunes femmes de sa génération, où le chemin des possibles semble tout tracé, elle est devenue la locomotive des travailleurs indépendants belges. 

Isabelle Morgante

  • Quels sont les grands axes, les chantiers de votre portefeuille ?

    Au-delà de la réforme fiscale, qui aura bien lieu, une enveloppe d’1,7 milliard d’euros a été dégagée, dont 200 millions consacrés à la compétitivité de nos PME et des indépendants. Et cette croissance passe, notamment, par l’accès au financement. On sait que c’est parfois compliqué. Aider les PME est donc primordial. L’un de mes plus grands souhaits est que « l’on rêve belge », que l’on donne les moyens aux gens de les réaliser et de les mener à bien. Mais soutenir les travailleurs indépendants, c’est aussi le renforcement de leur statut social. Nous réfléchissons au calcul des cotisations sociales sur base plutôt mensuelle que trimestrielle, à l’exonération au deuxième trimestre des cotisations sociales pour les femmes entrepreneures qui viennent d’accoucher et au gel de la situation administrative en cas de maladie longue durée. À cela s’ajoute la réforme du statut d’indépendant complémentaire. Je soutiens la démarche puisqu’un indépendant complémentaire est, peut-être, un indépendant à titre principal en devenir. Il faut valoriser le travail, les candidats à l’entrepreneuriat, en les aidant et en renforçant leur statut. Je m’engage à veiller à ce que les indépendants à titre complémentaire puissent cotiser à la PLCI (pension libre complémentaire pour indépendants).

  • À propos des cotisations sociales, qu’en est-il de leur déplafonnement ?

    Je rassure tout de suite. Non seulement, il n’y aura pas d’augmentation de cotisations sociales des travailleurs indépendants et la question de supprimer ce plafond n’est pas à l’ordre du jour.

  • 200 millions d’euros, est-ce suffisant pour soutenir les PME ?

    Je n’ai pas la réponse pour le moment, mais je ne crains pas de construire des synergies et d’interpeller mes collègues des pensions, des finances… Je suis au centre de la machine et je veux porter les attentes des 1,3 million d’indépendants belges. Mon administration sera un accompagnateur du parcours de vie, de la création à la transmission, des entreprises belges, à la fois transversal pour travailler avec les autres ministères, mais aussi à l’initiative de mesures concrètes et propres aux entreprises.

  • Justement, la vie d’un indépendant est parfois traversée d’accidents, qui fragilisent l’entreprise. Que prévoyez-vous sur ce sujet ?

    Le métier d’indépendant n’est pas de tout repos, notre devoir est de les accompagner. Or, on sait que les chiffres liés aux accidents de la vie augmentent (NDLR : 71 % des entrepreneurs ont connu un accident de vie – quatre sur dix n’arrêtent jamais de travailler, même en cas de maladie – chiffres de l’enquête 2025 de la caisse d’assurances sociales UCM). Le volet sensibilisation, développé notamment grâce au travail des caisses d’assurances sociales, est central mais il faut encore élargir et renforcer ce volet préventif. Nous étudions la possibilité de créer un véritable soutien financier, associé au niveau du régime de la sécurité sociale, mais aussi la question de l’incapacité de travail partielle. L’objectif est de permettre à l’indépendant de réduire son activité professionnelle, sans pour autant l’interrompre complètement (si possible) et de pouvoir bénéficier d’indemnités réduites. Lorsqu’on est malade, l’important est de se rétablir, pas de se noyer dans de l’administratif. Une mesure de l’accord de gouvernement prévoit la possibilité de l’envoi de l’incapacité de travail par le médecin traitant à la mutualité directement via une notification électronique.

Je veux que l’on se rappelle de moi pour mes actions, pas pour mon âge
  • Autre grand chantier, c’est la simplification administrative !

    D’abord une remarque générale : je n’aime pas l’expression simplification administrative. Je suis en train de réfléchir à un autre terme, plus moderne et impactant. Mais au-delà du vocabulaire, il est clair que la simplification sera un élément majeur de ma politique en faveur des PME. Le SME Relief Package montre que pour 55 % des entrepreneurs, la charge administrative – et en particulier, les nombreuses obligations de déclaration – constitue le principal obstacle. Nous devons agir. Un indépendant, ça doit créer, innover, construire... mais pas passer la moitié de son temps dans la paperasse. C’est pourquoi je mettrai en place un Plan PME qui prévoit des mesures transversales pour développer un climat entrepreneurial plus attractif pour les TPE et PME. Sur base du principe Think Small First, je veux absolument une réduction des charges administratives et une réduction ciblée des coûts. Et le principe du only once va continuer à nous guider dans nos politiques. Enfin, l’accès de nos PME aux marchés publics, donc nous nous simplifierons la législation, est non négociable.

  • Je vous propose d’entamer le chapitre des pensions, la matière y est très dense !

    Il y a certains principes forts qui vont sous-tendre la réforme des pensions, et je pense notamment à la notion de « récompense du travail effectif », à savoir le renforcement du lien entre prestations et droits à la pension. Puis, la convergence aussi entre les différents régimes puisqu’à l’heure actuelle, il y a encore trop de divergences dans les régimes de pension fonctionnaire, salarié ou indépendant. Trois aspects sont importants : d’abord, la protection des droits à la pension des indépendants et le maintien des droits acquis qui reste essentiel. Ensuite, les périodes assimilées, auxquelles il faut s’atteler. Du côté des indépendants, il faudra étudier si et comment les périodes de « droit passerelle » des travailleurs indépendants peuvent être assimilées à la pension. Enfin, il y a aussi la question de la responsabilisation en fin de carrière avec le système de bonus-malus. Ce système débutera en 2026. Je peux vous détailler les taux. Ça sera progressif. En cas de départ anticipé à la pension, le montant de la pension est réduit d’un malus de 2 % par année d’anticipation. Ce sera 2 % en 2026, pour aller progressivement jusque 5 % à partir de 2040. Et celui qui a déjà 35 années de travail effectif à temps plein (312 jours/an) ne se verra pas appliquer ce malus. Ici, les congés de maternité et interruptions de carrières pour motif de soins sont assimilés à du travail effectif. Et pour le bonus, on va remplacer le bonus pension actuel par un nouveau bonus qui sera également progressif. Les modalités sont claires dans l’accord de gouvernement.

  • Mais donc il y a cette question du malus et du bonus ?

    Oui, et aussi la convergence entre les trois régimes : une heure de travail égale une heure de travail, qu’on soit salarié, indépendant ou fonctionnaire, mais tout en prenant quand même en compte la spécificité de l’activité du travailleur indépendant. Enfin, le droit à la pension des conjoints-aidants doit encore progresser, même si David Clarinval l’a déjà fait évoluer. Dans cette discussion, l’amélioration de l’accès au marché du travail pour les femmes est indispensable.

  • La spécificité chez les indépendants, c’est le fait qu’il soit son propre patron, qu’il paie lui-même toutes ses cotisations, et qu’il ne sait pas toujours de quoi demain sera fait.

    Oui, le fait qu’il prenne des risques, qu’il crée de l’emploi aussi. Nous devons donc travailler encore à l’amélioration du statut. Les indépendants sont parmi ceux qui travaillent le plus. Il y a d’autres points dans l’accord qui sont intéressants pour les indépendants, comme une meilleure valorisation du travail pour ceux qui ont dépassé l’âge de la pension, mais qui souhaitent quand même continuer à travailler. C’est le cas de beaucoup d’indépendants.

L’accord de gouvernement prévoit que le revenu annuel maximum pour les flexi-jobs est augmenté de 12.000 à 18.000 euros
  • Dans ce vaste chapitre des pensions, il y a les femmes. Qu’en est-il de leur statut de cheffe d’entreprise, de leur pension, de leur identité, lorsqu’on sait qu’un entrepreneur sur trois – seulement – est une femme ?

    Il faut soutenir les femmes dans le développement de leur carrière, notamment en travaillant sur l’équilibre vie privée et vie pro. Parce que dans les faits, les pensions sont des reflets des carrières passées. Je veillerai à ce que toutes les mesures de pension soient élaborées en tenant compte et en respectant les spécificités du régime des indépendants. Les indépendantes ont trouvé, en moi, une alliée dans leur combat.

  • Le « sac à dos de congés » pour l’enfant concerne-t-il aussi les indépendants ?

    Les discussions doivent encore commencer pour en déterminer les modalités d’application mais la philosophie de la réforme, c’est que les droits trouvent leur origine dans le chef de l’enfant. Que le parent soit salarié ou indépendant, chaque enfant recevra à la naissance un « sac à dos » de droits de congés, dans lequel seront intégrés les congés existants liés à la naissance et aux soins ultérieurs de l’enfant.

  • J’aimerais aussi aborder le chapitre des flexi-jobs. Ce type de statut peut-il valablement répondre à la grave pénurie de main-d’oeuvre ?

    L’accord de gouvernement prévoit que le revenu annuel maximum pour les flexi-jobs est augmenté de 12.000 à 18.000 euros et, le cas échéant, le salaire horaire maximum est augmenté de 17 à 21 euros. Ces montants continueront d’être indexés. Pour les salariés à temps plein, nous supprimons l’interdiction de travailler dans des entreprises liées. Dans ce cadre, nous prenons particulièrement en compte les besoins du secteur de l’Horeca. Enfin, nous autorisons également le recours aux flexi-jobs dans tous les secteurs. Pour moi, le flexi-job ouvre aussi la possibilité de « tester » un nouveau métier, d’apprendre de nouvelles choses. C’est un appoint mais c’est aussi une source d’innovation. C’est un pied à l’étrier pour tenter autre chose. Et pour l’employeur, c’est vrai que ça reste aussi une réponse qualitative au problème de pénurie.

  • Vous avez passé une partie de votre jeunesse à Anderlecht. Quel regard portez-vous sur le pic de violence qui la secoue ?

    La sécurité était l’un de mes chevaux de bataille. Ce qui se passe à Anderlecht m’est insupportable et j’ai l’intention, au travers de mon ministère, d’aider à trouver une solution, d’apporter ma pierre à l’édifice. Il faut soutenir les commerçants et faire fermer ceux qui servent de machine à laver à l’argent sale. Je vous assure que nous allons faire tout ce qui est possible pour perturber ces réseaux criminels.

  • Je vous propose de terminer sur le vaste sujet de la transition des entreprises. Certaines sont déjà dans le train de la transition, d’autres sont toujours à quai… Que pouvez-vous leur dire ?

    Notre plan d’action prévoit la mise en place de stimuli fiscaux supplémentaires pour attirer de nouveaux investissements, et singulièrement ceux qui contribuent à la décarbonation de notre économie. C’est en projet et repris dans l’accord de gouvernement, il faut en définir les modalités. La note d’orientation, prévue en mars, dessinera déjà les premiers contours. C’est prématuré d’en parler davantage pour le moment, le travail doit se faire en partenariat avec les partenaires sociaux.

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