Delahaut

Torréfacteurs, de père en fils

Cafés Delahaut

21/09/22

Ancienne maison namuroise, Delahaut a bien grandi ces dernières années. Du fait d'une politique de diversification et aussi d'un marché du café en plein renouveau.

Jean-Christophe de Wasseige

À Namur, tout le monde connaît les cafés Delahaut. Depuis des décennies, l'entreprise exploite un magasin rue de l'Ange, l'artère la plus commerçante de la ville. Les clients peuvent y trouver près de 25 variétés différentes en provenance du Brésil, de Colombie, du Pérou, d'Éthiopie, du Kenya… Et sous toutes les formes : café moulu, en grains, en dosettes, en capsules… L'histoire de la maison familiale remonte à loin : 1864 !

À l'époque, il s'agissait d'une épicerie. En 1913, Léon Delahaut la rachète, l'installe rue de l'Ange, lui donne son nom et surtout commence à vendre ce qui n'était alors qu'une "denrée coloniale". Depuis lors, l'affaire s'est toujours transmise de père en fils. Émile l'a reprise en 1935 ; Pierre a poursuivi en 1965 ; enfin, les frères François et Frédéric ont acheté les parts en 2013.

Aujourd'hui, l'entreprise affiche un tout autre visage. Si le magasin namurois tourne toujours, le vrai centre de la PME est désormais situé à Suarlée, au nord-ouest de la capitale wallonne, près de l'autoroute E42. Là, a été érigé voici deux ans un long bâtiment en béton sobre, qui abrite à la fois l'atelier de torréfaction, un entrepôt, des bureaux mais aussi des salles de conférence et un bar-restaurant. "Avec ce nouveau siège, nous avons voulu créer un environnement synergique, un tremplin commercial, explique François, l'aîné. Ici, nos clients, prospects et visiteurs peuvent faire une pause-café, prendre un petit déjeuner, tenir un séminaire, organiser une réception, profiter d'un repas 'bistronomique', acheter nos produits et, aussi, découvrir comment se déroule notre torréfaction."

En effet, l'intérieur de ce vaisseau a été conçu de telle sorte que le bar de 17 mètres et la salle du restaurant de 300 m² communiquent avec l'atelier de production. Le visiteur n'a que vingt pas à faire pour découvrir les hautes étagères où s'empilent les sacs de cafés verts, observer la machine de torréfaction qui cuit les grains en les faisant tournoyer, ou encore lorgner la ligne d'emballage qui aligne les sachets prêts à la vente.

L'ambition est claire : souligner l'authenticité de la maison. À cet égard, chez Delahaut, on ne manque jamais d'expliquer la différence entre torréfaction artisanale et torréfaction industrielle. "Dans la première, les grains de café sont chauffés dans un tambour d'une capacité de 60 kg à une température de 210 degrés pendant 15 à 17 minutes. Cette méthode permet de les cuire jusqu'au cœur et donc de libérer un maximum d'arômes. En torréfaction industrielle, les grains sont chauffés dans d'énormes cuves à 450 degrés pendant 3 ou 4 minutes. Résultat : les grains sont brûlés à l'extérieur et à peine cuits à l'intérieur."

Nouvelle dimension

Le bâtiment de Suarlée représente un investissement de 4,5 millions d'euros. Il couronne une forte progression des ventes, enregistrée ces dernières années. "Quand nous avons repris l'entreprise en 2013, le volume écoulé était de 40 tonnes de café par an. Aujourd'hui, il est de 170 tonnes par an." Comment expliquer ce succès ? "Par une nouvelle vision commerciale, répond d'emblée le patron. L'option prise a été de sortir du cadre d'un commerce local namurois, d'explorer de nouveaux marchés, et d'atteindre une audience plus large. Cela, tout en gardant notre spécificité d'artisans."

Les initiatives se sont donc multipliées. Une seconde boutique a été ouverte à Uccle. La fourniture aux établissements horeca s'est renforcée (la crise corona a, depuis, laissé le secteur exsangue). Le service aux entreprises a été fortement développé. Sur ce segment, Delahaut fournit à la fois la machine à café – à choisir selon le nombre de collaborateurs –, l'entretien, la réparation en cas de panne et l'approvisionnement en café. "Un service du grain à la tasse." Les structures clientes sont surtout des PME.

Depuis cinq ans, un dernier créneau est exploité : celui de la vente en grandes surfaces. Plus exactement en supermarchés gérés par des indépendants franchisés (lire en pages 42-43) : Carrefour, Delhaize, Intermarché… "Le but n'est pas nécessairement de faire du volume mais plutôt de donner la possibilité à nos clients qui n'habitent pas Namur de trouver nos produits."

Un marché totalement rajeuni

L'autre raison du succès, c'est le véritable boom du café lui-même. "Jusqu'en 2000 environ, il séduisait surtout les adultes et se faisait à l'aide de percolateurs. L'arrivée de la machine à dosettes Senseo a, malgré un goût uniformisé, permis une consommation individualisée, avec une seule tasse. Cela a collé avec les habitudes de vie. Plus tard, Nespresso a rendu le café glamour, avec ses capsules, ses publicités “What Else ?”… Enfin, l'arrivée en Europe de la chaîne américaine Starbucks a fini de rajeunir l'image du café. Aujourd'hui, c'est une boisson tendance. Et nous surfons sur cette vague…"

La croissance n'empêche cependant pas les épreuves. Celle du moment s'appelle l'inflation. Les prix du gaz et de l'électricité – nécessaires à la torréfaction – pèsent lourdement. Mais c'est surtout les cours des cafés qui inquiètent. "Nous les achetons auprès d'importateurs anversois. Nous prenons systématiquement les meilleurs lots. C'est notre politique. Forcément, cela a un impact et nous avons dû augmenter une fois nos propres prix (en décembre 2021, NDLR). En moyenne, nos coûts d'achat des grains verts sont passés en quelques mois de 3,5 dollars à 7 dollars le kilo…"

Pour le dirigeant, ce marché est devenu… irrationnel. "Il ne répond plus à la loi de l'offre et de la demande. En effet, la production est suffisante, même s'il survient toujours des aléas climatiques dans les pays producteurs. Le risque de pénurie n'existe pas. Or, les cours sont insensés. Le problème vient des spéculateurs qui ont largement investi ce marché (comme tous ceux des matières premières, d'ailleurs). Il faut savoir que le café est le second produit le plus échangé au niveau mondial, derrière le pétrole !"

carte d'identité de l'entreprise

Delahaut

rue Marie Curie 1
5020 Suarlée (Namur)

cafesdelahaut.be
restaurantcafesdelahaut.be

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