Assesse | Dothée SALa peinture du futur est namuroise

Philippe et Anoek Rondou ont quitté le nord du pays pour diriger la PME namuroise Peintures Dothée. Le couple d'entrepreneurs présente aujourd'hui une peinture "zéro émission". Pour le bien de tous.

D'abord deux chiffres, pour mesurer la valeur de cette nouvelle génération de peintures. Nous vivons, dans nos sociétés européennes et sédentaires, plus de 90 % de notre temps dans des espaces fermés (bureaux, écoles, logements, entreprises, espaces de sports etc., etc.). Chacun d'entre nous respire 15 m³ d'air par jour. Or, il est aujourd'hui scientifiquement prouvé que le niveau de pollution est bien plus élevé à l'intérieur qu'à l'extérieur, et est directement lié aux pathologies respiratoires et allergiques. Un problème d'autant plus aigu avec l'apparition de bâtiments à l'imperméabilité redoutable et au taux réduit de renouvellement d'air.

C'est en partant de ce constat que la PME Dothée, installée à Assesse, a travaillé au sein d'un projet porté par Lowewi (du pôle de compétitivité wallon Greenwin), le CoRI (Coatings Research Institute), le CSTC (Centre scientifique et technique de la construction) et la société MACTac de Soignies.

Financé en partie par le plan Marshall, Lowewi ambitionnait la mise au point d'une peinture "zéro COV" (composés organiques volatils). Il clôture aujourd'hui ses travaux avec la présentation d'Ecomat, une peinture murale européenne mise au point au sein des ateliers de la PME namuroise Dothée. Et en arrière-plan, la présentation de la Vocbox (lire par ailleurs).

Peintures Dothée (labo)

70 ans d'expérience

Depuis 1946, la firme familiale Dothée, aujourd'hui installée à Assesse, est renommée dans le monde très fermé des fabricants de peinture, notamment industrielle. Elle fournit, entre autres, la peinture nécessaire à la rénovation de chantiers d'écoles, de maisons de repos ou encore de traçages de routes, et exporte deux tiers de sa production. Dothée vient ainsi de relever le défi technologique de proposer une peinture murale intérieure mate sans solvant, sans émission toxique et donc à impact zéro pour l'environnement. Sans perdre une goutte d'efficacité.

Philippe et Anoek Rondou ont repris la PME namuroise en 2000. Docteur en chimie, ce Brabançon originaire de Diest a travaillé plusieurs années pour une entreprise du secteur, devenue aujourd'hui américaine. En rachetant la PME wallonne, l'entrepreneur n'y allait pas à l'aveugle, il possédait déjà une solide expérience en la matière.

"Nous sommes particulièrement sensibles à l'impact environnemental de nos produits. Nous consacrons d'ailleurs 5 % de notre chiffre d'affaires à la recherche et au développement de nouveaux produits écologiques. Notre production est composée, à hauteur de 90 %, de peintures à l'eau, des marchés de niche qui permettent de diversifier notre offre de produits, et d'exporter dans une vingtaine de pays en Europe et au-delà. L'étude menée en collaboration avec le CoRI nous a permis de mettre au point Ecomat, une peinture sans composés organiques volatils, performante et sans concurrence, à l'exception des États-Unis. Nous espérons au minimum engager dix personnes en dix ans grâce à Ecomat, en ciblant dans un premier temps la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et les pays scandinaves", explique Philippe Rondou. Les écoles, marchés publics, crèches, bâtiments sont les premières cibles identifiées de la PME namuroise. À l'heure actuelle, Dothée vend de petits conditionnements, aux particuliers, dans ses magasins de Namur et Dinant, gérés par Anoek Rondou.

Une belle réussite régionale, qui a le mérite de casser l'image selon laquelle les PME n'ont pas ou ont peu accès aux grands programmes de recherche. L'innovation en Wallonie n'est plus un souhait, mais bien une réalité.

Paint and Co by Dothée

 

 

La Vocbox dévoile l'ADN de la peinture

En parallèle à la mise sur le marché de la nouvelle peinture Ecomat, il est intéressant de noter la présentation de la Vocbox, que l'on peut résumer succinctement en une machine qui analyse la composition de peintures, industrielle ou domestique, afin d'en mesurer la teneur en COV (composés organiques volatils).

Docteur Carine Lefèvre (CoRI)

Ces émissions, particulièrement volatiles et nuisibles pour la santé, sont très présentes dans l'air intérieur, dont la pollution est en constante augmentation. Il fallait donc réagir et prévenir, d'autant qu'un arrêté royal vise, depuis janvier 2015, à limiter ces émissions lorsqu'elles rentrent dans la composition des revêtements de sols.

D'ailleurs, des efforts d'harmonisation sont en cours, de manière à étendre cette règlementation à tous les revêtements, y compris les peintures pour murs et plafonds, les matériaux de construction et de décoration au sens le plus large du terme.

Cela se traduit par un changement d'habitudes dans le chef des fabricants de ces matériaux qui vont devoir ainsi mesurer les émissions de COV de tous leurs produits avant leur mise sur le marché. La Vocbox est précieuse dans cette optique. "Cet outil a demandé trois ans de recherche et développement, notamment en partenariat avec l'association de l'industrie des peintures. En vingt minutes, grâce à Vocbox, la peinture est analysée par un logiciel, qui traduit le signal en une mesure concrète de travail pour l'entreprise", détaille le Docteur Carine Lefèvre, directrice du CoRI (Coatings Research Institute). Car tester une peinture, c'est un peu le principe de l'entonnoir : il faut en tester beaucoup, et longtemps pour n'en obtenir qu'une au bout du compte. D'ailleurs, le CoRI a créé une société pour permettre l'essor de la Vocbox, et offrir aux fabricants de peinture davantage d'efficacité, en moins de temps, notamment en réduisant le coût de la mise sur le marché. Dans sa conception, Vocbox est le résultat du savoir-faire de l'entreprise Garnimetal de Bierges, qui a modelé le support en métal et de Celem, une société informatique liégeoise qui a mis au point le logiciel d'analyse. Le CoRI espère engager un business developer d'ici fin 2017 pour approcher l'export (la réflexion est entamée en collaboration avec l'Awex, l'Agence wallonne à l'exportation et aux investissements étrangers) avant de présenter un nouvel outil qui est déjà à l'étude.